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À La Une - L'impression de Fifi ABOU DIB

Mourir à Homs

On connaissait les voyages organisés. On découvre les voyages « autorisés ». Autorisé donc, privilège rare, le groupe de Gilles Jacquier était accompagné par sœur Marie-Agnès de la Croix. Un autre groupe était escorté par un délégué du ministère syrien de l’Information. Visite des hôpitaux de Homs. Une manifestation s’amorce, un obus tombe, puis un deuxième plus loin. Un troisième sème la panique. Les journalistes se séparent. Trois d’entre eux se réfugient avec Gilles Jacquier dans un immeuble qui est aussitôt pris pour cible par un dernier tir. Jacquier est touché à la tête. Il ne se relèvera pas.
JRI (journaliste, reporter d’images), c’est un métier à part, discret, qui ne permet pas le vedettariat. Sans être téméraire, Jacquier prenait des risques pour que nul n’ignore les tragédies qui se déroulent dans ce monde et les abus qui ont lieu loin des regards. Ces dernières années, il s’était déplacé sur tous les points chauds du globe, Kosovo, Zaïre, Algérie, Libye, Afghanistan. Dans ce dernier pays, il s’était intéressé à un angle qui n’a rien à voir avec les grands titres de l’actualité, mais tout à voir avec la guerre et la paix : les écoles. Il avait traqué, image par image, le formidable élan des révolutions arabes. En 2003, son documentaire sur la deuxième intifada palestinienne avait été couronné par le prix Albert Londres audiovisuel.
Mourir à Homs en voyage autorisé, après tous ces dangereux périples, c’est sûrement la faute à pas de chance. En ce froid janvier sur les bords de l’Oronte, dans une ville naguère prospère, la troisième de Syrie en importance et surtout celle qui a le mieux conservé les traditions de convivialité entre ses différentes communautés, Jacquier a été la proie de la fatalité. Jacquier n’avait ni amis ni ennemis dans ce conflit dont il venait simplement témoigner. Il avait simplement apporté son regard et sa caméra pour en garder la trace. Parce qu’il n’est pas dans l’éthique d’un JRI de laisser les gens s’entretuer au loin dans l’ignorance de tous, sans que quelque chose d’humain soit fait, un conseil, une assistance, un secours.
Pendant la guerre du Liban, à part les diplomates, on voyait bien peu d’étrangers. Curieusement, quand on rencontrait un Français, on se disait « c’est un journaliste ». Quand il s’agissait d’une autre nationalité, on pensait « c’est un espion ». Jacquier est mort, mais c’est bien l’esprit français tel qu’on l’idéalise qui a triomphé à Homs. Avec son souci de justice, son sens de la nuance, sa saine indignation. C’est aussi une profession de vaillants anonymes qui se rappelle à notre souvenir. Que leur étoile brille et les protège où qu’ils se trouvent et qu’ils continuent à être nos yeux et notre conscience.
On connaissait les voyages organisés. On découvre les voyages « autorisés ». Autorisé donc, privilège rare, le groupe de Gilles Jacquier était accompagné par sœur Marie-Agnès de la Croix. Un autre groupe était escorté par un délégué du ministère syrien de l’Information. Visite des hôpitaux de Homs. Une manifestation s’amorce, un obus tombe, puis un deuxième plus loin. Un...

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