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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Le débat se poursuit sur une « islamisation » rampante de la Turquie

Le « oui » massif au référendum constitutionnel du 12 septembre laisse augurer une victoire de l'AKP aux législatives.
Trois semaines après un référendum constitutionnel qui a vu triompher le régime islamo-conservateur en Turquie, le débat ne cesse d'agiter les commentateurs : cette victoire électorale est-elle une nouvelle étape dans une islamisation rampante du pays ? La question est de nouveau posée cette semaine, comme elle l'est quotidiennement dans la presse, par un éditorialiste du journal anglophone Hürriyet Daily News, Mustafa Akyol, sous le titre « Peur contre peur ».
La première peur est celle du camp laïque, qui craint que le Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, n'entraîne le pays vers « l'obscurantisme », avec ces « islamistes qui s'infiltrent partout ». Le « oui » massif au référendum constitutionnel du 12 septembre (à 58 %) laisse augurer une victoire du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan aux élections législatives de juin prochain. À terme, redoute le camp laïque, M. Erdogan pousserait son avantage et instaurerait une dictature, d'inspiration islamiste. Et ces tenants de la laïcité instaurée jadis par Atatürk voient une preuve supplémentaire d'une « dérive » du régime dans le rapprochement de la Turquie, pays membre de l'OTAN, avec l'Iran, et la détérioration de ses relations avec Israël, autrefois proche allié.
L'autre peur est celle des sympathisants du gouvernement, qui pensent que « l'état profond », qui regrouperait les instigateurs de mauvais coups potentiels contre l'AKP, « peut frapper à tout moment, et les balayer », note M. Akyol. Voire fomenter un coup d'État comme l'armée l'a fait à quatre reprises depuis un quart de siècle, ou à tout le moins tenter de semer le chaos, comme sont accusés les centaines de militaires ou de civils en attente de jugement dans différents procès.
Le plus étrange est que, dans chacune de ces « théories de la conspiration », les États-Unis sont mis en cause, note l'éditorialiste.
« Les laïques pensent que les islamistes ont infiltré les institutions de l'État, tirant les ficelles, avec l'aide de l'Union européenne, des États-Unis et de puissances globales « non identifiées ». Après tout, Fethullah Gülen, le très puissant dirigeant d'une confrérie islamiste, réputé proche des dirigeants turcs, n'est-il pas installé depuis des années aux États-Unis ?, s'interroge un négociant en tissus d'Istanbul, qui redoute comme certains que le régime ait un « agenda caché » d'islamisation du pays. À l'inverse, « beaucoup, dans le camp islamique, pensent que les États-Unis (ou du moins les néoconservateurs), Israël, et là encore, des » puissances globales « non identifiées aident l'État profond », note M. Akyol.
« Agenda caché » ? « L'AKP est au pouvoir depuis 2002, ne croyez-vous pas que nous aurions eu le temps d'appliquer cet agenda ? » avait déclaré à l'AFP le président Abdullah Gül l'hiver dernier. « Agenda caché ? Je n'y ai jamais cru », a affirmé Ergun Özbudun, professeur de droit constitutionnel, au cours d'un débat organisé cette semaine à l'ambassade des Pays-Bas à Ankara. « L'AKP n'a rien fait jusqu'à présent pour détruire le système laïque. »
« La peur ne vient pas tant dans l'immédiat d'un agenda caché que de l'instauration d'une dictature », a affirmé pour sa part Riza Türmen, ancien juge à la Cour européenne des droits de l'homme et éditorialiste au journal libéral Milliyet, lors du même débat.
Trois semaines après un référendum constitutionnel qui a vu triompher le régime islamo-conservateur en Turquie, le débat ne cesse d'agiter les commentateurs : cette victoire électorale est-elle une nouvelle étape dans une islamisation rampante du pays ? La question est de nouveau posée cette semaine, comme elle l'est quotidiennement...

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