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Santé - Recherches

VIH : zoom sur la situation dans les pays arabes

Les raisons pour lesquelles une épidémie du sida sévit en Afrique subsaharienne et la propagation du virus au Moyen-Orient constituent l’un des domaines auxquels s’intéresse le groupe d’études des maladies infectieuses et épidémiologiques à la faculté de médecine Weill Cornell, au Qatar.

Le Dr Laith Abu-Raddad : « L’un de nos projets consiste à connaître les facteurs qui contribuent à cette épidémie massive du sida en Afrique subsaharienne, où le virus infecte, dans certaines zones, plus de 20 % de la population. »

Laith Abu-Raddad est directeur de l’unité de recherches biostatistiques et biomathématiques, et chef du groupe d’études des maladies infectieuses et épidémiologiques à l’université médicale Weill Cornell, au Qatar. Depuis quelques années, ce scientifique mène des recherches sur les infections sexuellement transmissibles, plus spécifiquement le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Deux grands projets sont en cours dans ce cadre. Le premier consiste à « connaître les facteurs qui contribuent à cette épidémie massive du sida en Afrique subsaharienne, où le virus infecte, dans certaines zones, plus de 20 % de la population ». « Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorons les raisons pour lesquelles cette région est différente des autres pays du monde où le virus ne prend pas des proportions aussi alarmantes », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Abu-Raddad, en marge des travaux de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques qui s’est tenue récemment au Qatar. « Plusieurs hypothèses ont été avancées, ajoute-t-il. On a même fini par croire que dans cette partie du monde, les gens s’engagent plus dans des comportements sexuels à risque que le reste de la population mondiale. Il reste que cette explication n’est pas très plausible. À ce jour, nous n’avons pas encore réussi à élucider cette question. Notre équipe concentre ses recherches sur un domaine, les coinfections qui pourraient être l’une des raisons de cette épidémie. »
Le Dr Abu-Raddad et son équipe ont ainsi commencé par étudier le rôle de la malaria. « Plus de 70 % des cas de malaria dans le monde (près de 300 millions) sont diagnostiqués en Afrique subsaharienne, note-t-il. De plus, les patients attrapent plusieurs fois la maladie par an. » Le chercheur explique que pour « combattre l’infection, l’organisme crée une réponse cellulaire, qui est une réponse immunologique ». « Il produit ainsi un grand nombre de CD4, qui sont les cellules immunitaires que le VIH attaque pour produire plus de virus, poursuit-il. Nous avons remarqué que la charge virale (c’est-à-dire le taux du virus dans le sang) chez une personne souffrant de malaria et déjà infectée par le VIH est septuplée. Nos recherches ont montré qu’une relation existe entre la malaria et le sida, mais uniquement dans 5 à 10 % des cas. Nous orientons actuellement nos recherches vers d’autres coinfections. »

Le sida dans la région MENA
Le deuxième projet mené par l’équipe du Dr Abu-Raddad consiste à étudier la transmission sexuelle du VIH dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA). « Le projet a été initié il y a plusieurs années, avec l’idée de rassembler toutes les informations que nous avons sur le VIH dans la région, souligne-t-il. La collecte des données n’était pas aussi facile que nous le pensions. En fait, la majorité des données n’étaient pas accessibles, non pas parce que les gouvernements les dissimulaient, comme on me l’a répété maintes fois, mais parce que les pays ne publient pas les études qu’ils mènent dans ce sens. Il a fallu pour collecter les données taper à la porte de plusieurs organismes et institutions dans un même pays, comme les universités, les ONG, les programmes nationaux de lutte contre le sida, etc. »
Financée par la Banque mondiale, le Fonds des Nations unies pour le VIH et l’Organisation mondiale pour la santé, cette étude a montré qu’au Moyen-Orient en général « le VIH n’est pas aussi répandu que dans d’autres pays du monde ». « Il n’existe pas des épidémies massives cachées, comme on le pensait, indique le Dr Abu-Raddad. Toutefois, nous avons constaté que dans certains pays les épidémies étaient concentrées parmi les populations à risque, c’est-à-dire les homosexuels, les injecteurs de drogue et les travailleuses du sexe. Au Liban, la prévalence du sida parmi les travailleuses du sexe et les injecteurs de drogue est presque nulle. Par contre, l’épidémie serait émergente parmi les homosexuels, l’étude ayant montré que le taux d’infection parmi ce groupe frôle les 3 %. En ce qui concerne les groupes d’âge, nous avons constaté que la majorité des cas a été diagnostiquée chez des personnes âgées entre 20 et 35 ans. »
Ces résultats ne signifient pas que le reste de la population est à l’abri du virus, « d’où la nécessité de rester prudent et de ne pas avoir des comportements à risque » (avoir des relations sexuelles protégées, ne pas se partager une même aiguille...).

Le cas des pays du Golfe
L’étude a par ailleurs montré que la propagation du sida reste concentrée parmi les populations à risque dans la majorité des pays de la région MENA avec des variations d’un pays à l’autre. En Iran, à titre d’exemple, « nous avons trouvé une forte épidémie parmi les injecteurs de drogue », constate le Dr Abu-Raddad. « Au Pakistan, l’épidémie qui était ressentie parmi les injecteurs de drogue commence à toucher de plus en plus les homosexuels, poursuit-il. En Égypte, près de 5 % des homosexuels sont infectés par le virus et, récemment, le virus commence à se propager parmi les injecteurs de drogue. En Tunisie, l’épidémie s’est propagée parmi les homosexuels. Malheureusement, nous n’avons pas assez de données sur les pays du Golfe. Nous savons qu’il y a plusieurs années, au Bahreïn, le virus était fortement répandu parmi les injecteurs de drogue. Mais nous ignorons comment se présente la situation actuellement. C’est maintenant que les pays du Golfe commencent à mener des études sur ce sujet. Le seul pays qui l’a fait c’est Oman, qui reste le plus ouvert sur ces questions dans la région. À Oman, le virus est propagé parmi les injecteurs de drogue. »
Et le Dr Abu-Raddad de préciser : « Plusieurs pays arabes pensent qu’ils mènent des études sur l’épidémie de sida. Mais celles-ci sont passives, c’est-à-dire qu’on se contente de signaler les cas détectés. De plus, elles sont axées sur les migrants qui, dans les pays du Golfe et dans la majorité des pays arabes, sont obligatoirement testés pour la tuberculose, le VIH, hépatites B et C. Seul le Maroc refuse de le faire. Il est avant-gardiste dans ce sen-là. Donc, dans les pays du Golfe, il se peut que le virus du sida soit répandu parmi les groupes à haut risque. Mais nous ne pouvons pas le savoir. Aujourd’hui, grâce à des fonds internationaux, plusieurs pays du Golfe ont jugé intéressant de mener des études sur la prévalence du sida dans leur pays. »
Le Dr Abu-Raddad signale par ailleurs que l’infection par le VIH « constitue un problème majeur au Djibouti, en Somalie et au Sud-Soudan où l’infection par le virus touche respectivement 3 %, 1 % et 4 à 5 % de la population ».
Le Dr Abu-Raddad et son équipe ont entamé la deuxième phase de leur étude sur le sida dans la région MENA. Elle est financée par le Fonds national qatari pour la recherche et consiste à faire des analyses compréhensives sur le VIH au sein de chaque tranche des populations à risque. « Nous avons déjà terminé celle relative aux homosexuels », qui a été publiée récemment dans le journal spécialisé PLos Medecine. La prochaine analyse comprendra les injecteurs de drogue, puis les travailleuses du sexe et leurs clients. « Nous espérons pouvoir entamer l’année prochaine nos propres études de terrain », conclut-il.
Laith Abu-Raddad est directeur de l’unité de recherches biostatistiques et biomathématiques, et chef du groupe d’études des maladies infectieuses et épidémiologiques à l’université médicale Weill Cornell, au Qatar. Depuis quelques années, ce scientifique mène des recherches sur les infections sexuellement transmissibles, plus spécifiquement le virus de l’immunodéficience...

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