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Nos Lecteurs ont la Parole

Printemps arabe et lutte contre la corruption

Ibrahim TABET

Les développements politiques survenus en Tunisie, en Libye et en Égypte depuis le déclenchement du printemps arabe devraient inciter à un optimisme prudent, et ils laissent entrevoir une lueur d’espoir dans la lutte contre la corruption dans les pays arabes. En effet, la corruption des dirigeants a été un des catalyseurs de la vague de soulèvements populaires qui a balayé les régimes autoritaires en place dans ces trois pays. Et leurs peuples sont conscients qu’elle représente une des causes principales de l’injustice, du creusement des inégalités et du marasme économique qu’ils connaissent.
Les craintes que le printemps arabe ne soit suivi d’un hiver islamique liberticide semblent exagérées. Dans les trois pays, les élections ont revêtu un caractère démocratique. En Tunisie et en Égypte, Ennahda et les Frères musulmans tiennent un discours modéré, et dans ce dernier pays, l’armée, gardienne d’une certaine laïcité, représente un contre-pouvoir puissant. En Libye, divine surprise, ce sont les partis laïcs qui ont remporté les élections. Enfin dans ces trois pays, les nouveaux dirigeants disent vouloir s’inspirer du modèle de l’AKP turc (Parti de la justice et du développement). Se présentant comme un parti musulman démocrate à l’image des chrétiens-démocrates européens, celui-ci a non seulement apporté la preuve qu’islam et démocratie ne sont pas incompatibles, mais a initié une politique économique favorisant une croissance spectaculaire du PIB turc. Fait intéressant à signaler : ce parti est adepte de « l’ordre moral » et a favorisé l’émergence d’une nouvelle génération d’hommes d’affaires, les « tigres anatoliens », qui cultive une éthique professionnelle islamique fondée sur les règles de bonne conduite (edep) et de solidarité, ainsi que sur les codes d’honneur hérités des corporations. Et la création de banques islamiques ne contribue pas peu aux réussites économiques du gouvernement turc.
Enfin, dernière lueur d’espoir : les nouveaux dirigeants sont sans doute conscients des nombreux défis politiques, économiques et sociaux qu’ils auront à relever ; et du fait qu’ils risquent d’être rapidement victimes de l’usure du pouvoir s’ils ne répondent pas aux attentes de changement et ne parviennent pas à améliorer les conditions de vie des citoyens ordinaires. Mission sinon impossible du moins extrêmement difficile en Égypte et en Tunisie qui ne jouissent pas, comme en Libye, de la manne pétrolière et dont le tourisme a été durement affecté par les événements.
Pour y parvenir, les gouvernements nouvellement élus doivent faire figurer la lutte contre la corruption politique et administrative parmi leurs priorités. Non seulement parce qu’elle a constitué un de leurs chevaux de bataille et qu’ils se prévalent des valeurs islamiques d’intégrité, mais aussi parce que c’est une condition sine qua non du maintien de la paix sociale et du développement économique.
C’est le sens de l’appel que leur ont adressé les chapitres de Transparence international (TI) dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord (parmi lesquels figure LTA) et qui contient une série de recommandations de réformes, notamment en faveur de l’instauration de l’État de droit et de l’indépendance de la justice.
Parmi les enseignements qu’on peut tirer de ces événements, deux méritent d’être soulignés. Le premier est qu’au-delà de leurs différences au niveau de leur développement économique, de leur structure sociale et de leur régime politique, les pays de la région souffrent tous d’une même culture de la corruption. C’est le cas par exemple du Liban où ce phénomène n’est pas dû à l’existence d’un régime autoritaire, mais à la faiblesse de l’État et au système de partage communautaire du pouvoir qui favorise l’impunité, toute accusation portée contre un leader politique ou un haut fonctionnaire étant perçue comme visant sa communauté à travers lui. Quant aux riches monarchies pétrolières du Golfe, elles ne sont nullement exemptes de ce fléau, et la famille régnante saoudienne n’a été épargnée par la déferlante du printemps arabe qu’en achetant la paix sociale en distribuant des milliards de dollars de subventions à ses sujets.
Le second enseignement est le fort sentiment d’appartenance à une même identité arabo-musulmane et d’existence de problèmes similaires. Favorisé par la communauté de la langue et la puissance des chaînes satellitaires panarabes et des réseaux sociaux, il explique le phénomène de contagion qui fait que, parti d’un incident survenu dans une petite ville de Tunisie, le printemps arabe se soit propagé comme une traînée de poudre. Ces facteurs, et surtout le développement des moyens de communication, font que la lutte contre la corruption doit avoir un caractère moins local et plus régional. Cela implique un renforcement de la coopération transversale entre les chapitres locaux de TI afin d’entreprendre des actions de plaidoyer communes, peut-être sous l’ombrelle d’une même identité de marque qui permettrait d’en augmenter l’impact.


Ibrahim TABET

Les développements politiques survenus en Tunisie, en Libye et en Égypte depuis le déclenchement du printemps arabe devraient inciter à un optimisme prudent, et ils laissent entrevoir une lueur d’espoir dans la lutte contre la corruption dans les pays arabes. En effet, la corruption des dirigeants a été un des catalyseurs de la vague de soulèvements populaires qui a balayé les régimes...

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