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Nos Lecteurs ont la Parole

Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde

Bakhos BAALBAKI
Cela fait des mois qu’on nous rebat les oreilles qu’ils vont enfin sortir le Liban de son tiers-mondisme numérique et téléphonique. Aujourd’hui il est donc question de l’Internet fixe et mobile. Alors état des lieux.
Commençons par l’Internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de « troisième génération ». Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile permettant des débits plus rapides qu’avec la génération précédente, le GSM (2G). Les applications sont nombreuses : Internet mobile (sur un cellulaire ou un ordinateur portable), le visionnage de vidéos ou d’émission TV et la vidéoconférence.
L’énoncé est incontestablement très alléchant... sur le plan théorique. Car comme à l’accoutumée dans notre pays, on déchante à l’examen de la réalité. Alors que le monde passe progressivement à la 4G, on nous fourgue la 3G ! Et oui, une marchandise périmée ou en cours de l’être ! En effet, les pays scandinaves bénéficient de la 4G depuis 2009. Les États-Unis, l’Allemagne et le Japon depuis 2010. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont passés à la 4G au cours de cette année. Et même les 5,4 millions d’Ouzbékistanais y auront droit prochainement ! Cette génération offre des débits théoriques de 100 Mbps (si mobilité importante) jusqu’à 1 000 Mbps (si mobilité faible ou nulle, piétonne ou immobile), soit 5 à 50 fois plus rapide que ce que le ministre des Télécoms prévoit !
Mais ne soyons pas aussi négatifs, oublions un instant la 4G. Pour mesurer notre retard, il faut savoir que la 3G est en vigueur depuis 2004 en Afrique du Sud et l’île Maurice, 2006 au Maroc, 2007 au Kenya,
2008 au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord et aux Philippines, 2009 en Turquie et en Chine. Et ce que le ministre ne dit pas, c’est que 80 % de l’Europe était couverte par la 3G à la fin de l’année 2005, il y a déjà 6 ans ! Idem pour l’Amérique du Nord et les autres pays occidentaux. Et même quand on se compare à nos voisins que nous snobons, surprise : la 3G a été lancée en Irak en 2007 et en Syrie en 2010 !
On aurait bien aimé que ça soit tout, mais hélas ce n’est pas le cas. Alors que le ministre des Télécoms annonce des débits théoriques allant jusqu’à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbp et 2 Mbps. Sachant qu’on est à 4 000 utilisateurs seulement, je vous laisse imaginer la descente vertigineuse de ces chiffres quand on atteindra 100 000, 250 000 ou 500 000 utilisateurs ! Enfin, dernière info sur ce dossier, le prix de ce service. Étant donné que le consommateur libanais est considéré comme une vache à lait par les opérateurs télécoms depuis une quinzaine d’années, il faut s’attendre au pire. Pourtant, un tel service est assuré pour une modique somme comprise entre 9 et 12 dollars TTC/mois (6 à 9 euros) en France et entre 12 et 24 dollars/mois au Maroc !
Bref, alors que nous avions la pire connexion au monde, voyons donc où nous en sommes aujourd’hui. Un coup d’œil chez IDM, le plus important fournisseur d’accès Internet au Liban, montre que la baisse des prix de 80 % ne concerne en réalité que ceux qui avaient déjà le Plan 4 (1 024 Kbps) et qui payaient 70 dollars HT, inutile de préciser que c’était une minorité de gens ; aujourd’hui, ils ne payeront que 19 dollars (une baisse de 73 % pour être précis). Mais pour la majorité des gens, qui avaient les plans 1 (128 Kbps) et 2 (256 Kbps), qui payaient respectivement 19 et 23 dollars, cette baisse n’est en réalité que 0 % (-0 dollar/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 1) et 18 % (-4 dollars/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 2). Certes, c’est mieux que rien mais on est loin des 80 % annoncés fièrement.
Mais encore une fois, on ne se rend pas compte de notre retard qu’en comparant le Liban à des pays développés. L’offre Internet en France – qui est loin d’être le pays occidental le mieux branché – est d’une grande simplicité : aucun saucissonnage ! Avec la société Orange, le plus important fournisseur d’accès Internet en France, et pour 30 à 40 euros/mois – soit 40 à 52 dollars/mois, qui ne représente en réalité que 2,8 à 3,7 % du salaire minimum mensuel français –, le résident de France et de Navarre a une connexion Internet ADSL dont le débit peut aller jusqu’à 20 Mbps ou une connexion fibre optique dont le débit atteint 100 Mbps, un download/upload illimité 24h/24, le téléphone fixe illimité vers les numéros fixes et les cellulaires en France, vers les fixes d’une centaine de destination internationale (tous les pays d’Europe, États-Unis, Canada, Japon, Australie...) et vers les cellulaires de certains pays (États-Unis, Canada). À cela, il faut rajouter la possibilité de bénéficier d’une centaine de chaînes de TV ! C’est tout simplement énorme.
En revanche, la meilleure offre au Liban à ce jour ne permet pas d’aller au-delà des 8 Mbps. Elle est facturée, tenez-vous bien, 121 dollars TTC/mois (soit 89 euros/mois), ce qui représente 26 % du salaire minimum libanais (en dépit de la récente hausse), avec un download limité à 30 GB par mois, pas de communications nationales et internationales incluses, pas de cellulaire et aucune chaîne TV numérique non plus. Énorme aussi, mais pour d’autres raisons !
Certains diront mais enfin comparons des pays comparables ! Soit, allons donc faire un tour au Maroc. Eh bien figurez-vous qu’à l’extrême Maghreb, une connexion à 8 Mbps est facturée 24 dollars/mois (soit 8,5 % du salaire minimum marocain). Eh oui ! En d’autres termes, nous payons 100 dollars/mois de plus au Liban pour la même vitesse de connexion ! Et ce n’est pas tout, car alors qu’au pays du Cèdre 8 Mbps est le plafond que nous ne pouvons pas dépasser pour l’instant, au Maghreb on peut surfer à 20 Mbps pour seulement 60 dollars TTC/mois !
Finalement, avec ce rapide tour d’horizon hors de nos frontières on s’aperçoit que le Liban demeure un pays du tiers-monde dans la téléphonie et l’Iinternet. Et comment !
Pour un misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, nous déboursons 28 dollars/mois, sachant que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 dollars/mois !

Bakhos BAALBAKI
Cela fait des mois qu’on nous rebat les oreilles qu’ils vont enfin sortir le Liban de son tiers-mondisme numérique et téléphonique. Aujourd’hui il est donc question de l’Internet fixe et mobile. Alors état des lieux.Commençons par l’Internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de « troisième génération ». Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile...

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