Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Lettre ouverte au président de la République

I.- Comment réussir le dialogue islamo-chrétien

Sami Antoine KHALIFÉ
Monsieur le Président,
À travers les siècles, les relations tumultueuses entre l'islam et le christianisme sont passées par des périodes sereines d'échanges intellectuels et de rapports cordiaux, mais beaucoup plus fréquemment, ce sont des périodes sombres d'incompréhension, de polémiques et de guerres qui ont dominé.
Jusqu'à la fin de la première moitié du XXe siècle, on ne pouvait pas parler de dialogue islamo-chrétien car au mieux on assistait des deux côtés à des débats apologétiques, voire polémiques.
Vatican II est venu mettre à l'ordre du jour ce dialogue. Grâce à l'implication active des plus hautes autorités religieuses chrétiennes d'abord, rejointes par leurs correspondants musulmans, une forte dynamique s'est créée autour de ce thème.
Ces dernières décennies, l'islam est entré dans la conscience du monde, malheureusement avec une image déformée par des violences et des actes d'extrémistes qui s'expriment en son nom, sans avoir face à eux que quelques voix timides, à peine audibles dans le brouhaha médiatique généré par les extrémistes, voix qui se contentent de dénigrement ou de désapprobation vite oubliées, alors que les actions et déclarations extrémistes marquent fortement les esprits et la conscience collective du monde occidental.
Plus proches de nous, les atrocités commises récemment en Irak, en Turquie, au Pakistan, en Égypte, etc. nous interpellent sur la validité et/ou l'utilité du dialogue des dernières années. Comment expliquer ces atrocités teintées de couleurs religieuses après tout le travail investi dans ce dialogue ? Des intellectuels, des hommes politiques, des autorités nationales posent ces questions, souvent en doutant de son efficacité. Faut-il s'inquiéter pour son avenir ? Est-ce que ce dialogue est une utopie ou une réalité ? Faut-il continuer sur cette voie malgré les échecs ou doit-on revoir la copie ? Des questions qui s'imposent à nous et sur lesquelles nous devons réfléchir sérieusement. Nous tentons ici de défricher un peu ce terrain difficile et trouver quelques réponses.
Nous espérons que ce dialogue pourra encore se développer, car il s'agit à l'échelle du monde de deux grandes religions qui comptent plus de la moitié de la population de la terre et, à l'échelle de notre pays, d'un modèle de « vivre ensemble » qui n'a pas son équivalent dans le monde et qu'il faut absolument défendre. C'est, je pense, une des plus importantes tâches de notre temps et une des clefs d'avenir pour le Liban.

Dans le passé
Jusqu'à la fin du XIVe siècle, le bilan du dialogue islamo-chrétien est plutôt sombre ; les attitudes des uns vis-à-vis des autres sont caractérisées par la polémique, l'ignorance, les caricatures, les injures...
Durant la période de la Renaissance au siècle des Lumières (XVe-XVIIIe siècle), l'affrontement se poursuit, mais il est plus politique que religieux.
Le XIXe siècle, influencé par le « romantisme exotique », verra un nouvel intérêt pour l'islam, souvent marqué par l'ambiguïté et les préjugés.
À travers treize siècles et jusqu'à la moitié du XXe siècle, les attitudes réciproques des uns envers les autres sont caractérisées par la polémique, voire l'antagonisme, qui se traduit au mieux par des écrits apologétiques tendant à prouver que chacun détient la seule vérité et que l'autre est dans l'erreur.
Cette attitude, qui a prévalu dans le passé soit en Orient, surtout à Constantinople, soit en Occident, était exacerbée par les relations politiques entre chrétiens et musulmans, qui sont marquées par les événements des conquêtes islamiques des provinces de l'Empire byzantin en Orient (634-642), des provinces de l'Afrique du Nord, du sud de l'Espagne (711-732), puis plus tard par la prise de Constantinople par les Ottomans (1453) et leur avancée dans les diverses provinces de l'Occident chrétien (XIIIe au XVIIe siècle). Inversement, les périodes de domination occidentale ont aussi favorisé les antagonismes, telles les croisades entre 1095 et 1270, la Reconquista de l'Espagne et la chute du califat de Grenade en 1492, la débâcle de la flotte ottomane à Lepante en 1571 et l'échec des Ottomans devant Vienne en 1783. Mais le plus dur pour le monde musulman était la période du colonialisme, laquelle même révolue depuis plusieurs décennies, nous continuons dans ce XXIe siècle à en ressentir les conséquences, avec des blessures psychiques et physiques (béantes en Palestine) encore vivantes et extrêmement douloureuses.
Il est malheureux de constater que, dans le passé, les relations étaient plutôt sombres, malgré les efforts que nous essayons de faire pour les enjoliver, et les points d'accord assez maigres, se limitant essentiellement au monothéisme. Heureusement, les choses vont commencer à changer à partir de la seconde moitié du XXe siècle.

La situation contemporaine
À la demande des patriarches orientaux, deux textes reconnaissant les valeurs de l'islam sont produits dans le cadre de Vatican II (1962-1965). Le premier texte dans la Constitution de l'Église (Lumen Gentium) n° 16 situe l'islam comme la première des grandes religions monothéistes non bibliques.
Le deuxième texte forme le n° 3 de la Déclaration sur les relations de l'Église avec les religions non-chrétiennes (Nostra AÉtate). « L'Église regarde aussi avec estime les musulmans qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s'ils sont cachés, comme s'est soumis à Dieu Abraham auquel la foi musulmane se réfère volontiers. Bien qu'ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète. Ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l'invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du Jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l'aumône et le jeûne. »
« Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le concile les exhorte tous à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »
(à suivre)

Sami Antoine KHALIFÉ
Ingénieur physicien
Monsieur le Président,À travers les siècles, les relations tumultueuses entre l'islam et le christianisme sont passées par des périodes sereines d'échanges intellectuels et de rapports cordiaux, mais beaucoup plus fréquemment, ce sont des périodes sombres d'incompréhension, de polémiques et de guerres qui ont dominé. Jusqu'à la fin de la première moitié du XXe siècle, on ne pouvait...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut