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Nos Lecteurs ont la Parole

Nicolas Sarkozy, ou « le gaullisme en miettes »

Pierre PICCININ
Parvenu aux deux tiers de son mandat, le président Nicolas Sarkozy est l'objet de toutes les polémiques, et pas uniquement à propos de ses politiques controversées envers la population Rom ou à propos du port de la burka.
Certains observateurs, tel le politologue et historien Emmanuel Todd, n'hésitent pas à considérer que les nombreux coups d'éclat sarkozyens, nuisibles au rayonnement de la France dans le monde, ont entraîné une catastrophe économique qui se traduit par la destruction de dizaines de milliers d'emploi.
Mais c'est surtout la remise en question de la tradition gaulliste elle-même qui fait débat, y compris au sein du parti du président, l'UMP.
Ainsi, d'emblée, Nicolas Sarkozy a déçu : si d'aucuns ont cru voir la marque d'un retour au grand principe fédérateur du gaullisme dans « l'ouverture » des fonctions ministérielles aux partisans de l'opposition, une analyse a posteriori tendrait plutôt à réduire cette généreuse « ouverture » à un travail politicien de sape des forces de la gauche française, par le débauchage de ses grandes figures, tels Kouchner, Strauss-Kahn ou encore Frédéric Mitterrand, tous appelés à la soupe...
Mais c'est dans le domaine de la politique internationale que le président Sarkozy a le plus radicalement inversé les orientations de la politique gaulliste, concernant les rapports avec les États-Unis et l'OTAN, et relativement à la position française dans la question israélo-arabe.
Inquiet de la mainmise croissante des États-Unis en Europe, Charles de Gaulle, en 1966, avait retiré la France de l'OTAN, soustrayant le « qu'allié de circonstance ».
De même, dans le but de garantir l'indépendance politique du pays, de Gaulle avait doté la France d'une force de frappe nucléaire, la seule dont dispose aujourd'hui l'Union européenne (outre celle de la Grande-Bretagne, étroitement liée aux États-Unis et dont le comportement, en cas de conflit, demeure très incertain).
Or, ami de la famille Bush et proche de Barack Obama, Nicolas Sarkozy n'a pas attendu pour annoncer le retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN et son réalignement sur les positions états-uniennes.
Particulièrement, ce réalignement est sensible dans le cadre des nouvelles relations mises en place entre la France et Israël.
La France gaulliste, en effet, a généralement soutenu les causes arabe et palestinienne. En février 2000 encore, Lionel Jospin, Premier ministre, au terme de sa visite dans les territoires palestiniens qu'il avait dû quitter sous des jets de pierres, s'était fait publiquement réprimander par le président Chirac, pour avoir qualifié de « terroristes » les attaques du Hezbollah contre Israël.
Charles de Gaulle lui-même s'était opposé à l'expansionnisme israélien : en 1969, à la suite d'une attaque israélienne contre le Liban (et deux ans après la guerre de juin 1967 et l'annexion par Israël du Sinaï égyptien, de la Cisjordanie et du Golan syrien), il refusa la livraison d'avions de combat commandés à la France par Israël, les Mirages 5.
Des ingénieurs et officiers d'origine juive livrèrent cependant les plans du Mirage à Israël, qui put en entreprendre la construction. Cette affaire de haute trahison, rapidement étouffée, braqua davantage encore le général de Gaulle.
Tout au contraire, depuis son accession à la présidence, Nicolas Sarkozy a systématiquement apporté son soutien au gouvernement israélien.
En juin 2008, il s'illustrait ainsi devant la Knesset : rappelant ses origines juives et se présentant comme un ami de l'État hébreu, après avoir fait l'apologie du sionisme qui permit « la fondation d'un État juif dans le pays d'Israël » (sic) et qui, au terme de dix-neuf siècles d'errance, réalisa « l'accomplissement d'une promesse faite au peuple juif », Nicolas Sarkozy déclarait son « admiration » pour une « des plus authentiques démocraties du monde », avant de condamner le terrorisme palestinien, contre lequel Israël, dans sa lutte, pourrait toujours compter sur la France. Et de conclure ainsi son interminable dithyrambe : « Et l'Éternel dit à Moïse : monte sur cette montagne et regarde le pays que je donne aux enfants d'Israël... »
Sans aucun doute, après bientôt quatre années de sarkozysme, le bilan est sans appel et l'on peut affirmer que le gaullisme, en France, est bel et bien un souvenir du passé.

Pierre PICCININ
Professeur d'histoire et de sciences politiques

Parvenu aux deux tiers de son mandat, le président Nicolas Sarkozy est l'objet de toutes les polémiques, et pas uniquement à propos de ses politiques controversées envers la population Rom ou à propos du port de la burka.Certains observateurs, tel le politologue et historien Emmanuel Todd, n'hésitent pas à considérer que les nombreux coups...

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