Au cours des années 2006-2008, qui virent l’Irak sombrer dans un conflit fratricide, le flot de combattants étrangers inquiétait l’armée américaine et les dirigeants irakiens. Dans la foulée d’attentats sanglants en août 2009, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait même assuré que « 90 % des terroristes » s’infiltraient en Irak via la Syrie, avec laquelle il partage 600 km de frontière. En décembre de la même année, Safa Hussein, conseiller irakien intérimaire à la Sécurité nationale, renchérissait : « Les dirigeants syriens sont à la porte. Parfois ils l’ouvrent complètement, parfois ils la laissent à moitié ouverte. » Damas « pourrait mettre des bâtons dans les roues d’el-Qaëda et empêcher (ses militants) de se rendre en Irak (...) À l’aéroport de Damas, il y a plus d’agents du renseignement syrien que de passagers. Ils peuvent contrôler l’aéroport comme bon leur semble », assénait-il alors. En 2007, les forces américaines avaient d’ailleurs diffusé des documents retrouvés près de Sinjar, une ville du nord de l’Irak servant de base aux combattants venus de Syrie, et desquels ressortait qu’environ 700 étrangers étaient entrés dans le pays entre août 2006 et août 2007. Les militants empruntaient des itinéraires utilisés par les contrebandiers à l’époque de l’embargo contre l’Irak dans les années 1990.
Mais aujourd’hui, à l’orée de la troisième année de conflit en Syrie, les militants islamistes, notamment les jihadistes du Front al-Nosra, franchissent la frontière dans l’autre sens pour aller combattre les troupes fidèles au régime de Bachar el-Assad. Pour Nada Bakos, une ancienne analyste de la CIA, il est « plus sensé » de continuer à emprunter ces routes que de chercher de nouveaux itinéraires.
Génération radicalisée
La Syrie « a contribué à la formation d’une génération radicalisée prête à se battre contre les Américains en Irak, mais après le retrait (américain en décembre 2011), ces combattants ont commencé à réfléchir à étendre leurs activités en Syrie », explique le secrétaire d’État irakien à l’Intérieur, Adnan al-Assadi.
Le Front al-Nosra s’est d’abord fait connaître par des attentats-suicide, pour se muer en une redoutable force armée présente sur plusieurs lignes de front à travers la Syrie. Son affiliation présumée avec el-Qaëda en Irak a poussé Washington à le placer en décembre sur sa « liste des organisations terroristes étrangères », s’alarmant de sa « vision violente et sectaire en contradiction avec les aspirations du peuple syrien ». Selon les données glanées sur les forums Internet, plusieurs centaines des membres du Front al-Nosra se seraient rendus en Syrie depuis l’Irak. Et sur le terrain, il a profité des divisions internes qui minent l’Armée syrienne libre (ASL) pour devenir le fer de lance de la rébellion anti-Assad.
« C’est un contrecoup de la politique menée (par la Syrie) en Irak », estime Will McCants, expert au Centre des analyses navales aux États-Unis. Les Syriens « ont autorisé les jihadistes à franchir la frontière pour se battre au nom d’el-Qaëda, sans se demander ce que ces types allaient faire une fois le conflit en Irak apaisé », souligne-t-il. Conscient du problème, un responsable syrien reconnaît sous le couvert de l’anonymat que « cela a été une grande erreur de les laisser passer par la Syrie pour aller en Irak. Maintenant ils nous conspuent et nous combattent ». « Avec eux, aucun compromis n’est possible », conclut-il.
© AFP
commentaires (4)
Je crois que Damas fais le frais de son soutien à la résistance régionale aux projets sionisto-usiens! Damas fais les frais du choix de la dignité et d'autres feront les frais pour avoir baissé la culotte. S'il faut inévitablement faire les frais, alors il vaut mieux les faire en héro comme la Syrie plutôt qu'en mesquin, vendu et humilié. La partie n'est pas terminé et il est encore tôt pour en tirer des conclusions.
Ali Farhat
17 h 18, le 30 janvier 2013