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Moyen Orient et Monde - Le point

Les vrais révolutionnaires de l’an III

Et vlan ! La réponse a claqué comme un coup de fouet : « Un dialogue vide de sens », une « façade ». Non, l’opposition égyptienne ne veut pas discuter avec le pouvoir de l’état d’urgence, de la violence qui a marqué ces six dernières journées, de la mission confiée à l’armée, désormais chargée de faire la police. « La solution n’est pas sécuritaire, elle est politique », ont fait savoir Mohammad el-Baradei, Amr Mousa et Hamdine Sabbahi. Diagnostic établi par l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe : « L’Égypte va mal. Nous avons besoin, il faut, nous devons remédier à cela. » Oui, mais comment, alors que la rue est occupée par des manifestants, que des « éléments non identifiés » tirent sur eux, faisant des morts (plus de 50 à ce jour), et que le président, visiblement dépassé, paraît de moins en moins apte à trouver une issue à la crise ?
On conviendra que le régime avait pris un bien mauvais départ avec ces édits adoptés au pas de charge, dans l’ivresse née du succès remporté lors de la présidentielle. On n’en reconnaîtra que plus volontiers que ce n’est pas avec des décrets comme ceux-là que l’on pouvait espérer tirer de l’ornière le char de l’État englué dans la fange de décennies de corruption, d’incompétence et de négligence. À tout le moins auront-ils donné l’occasion à un monde qui n’en est toujours pas revenu de découvrir un peuple moins désireux qu’on ne le croyait de se voir gouverné par les Ikhwane. Un jeune manifestant de la place al-Tahrir : « Nous voulons la chute du régime et en finir avec cet État dirigé par les Frères musulmans. »
Il est évident que la rue ne suit plus un chef qui l’abreuve de belles promesses mais œuvre en douce à asseoir l’autorité des siens, réveillant ainsi de mauvais souvenirs pas si anciens. « Je suis là parce qu’on n’a pas fait la révolution pour qu’un groupe corrompu en remplace un autre », disait vendredi dernier une femme, la quarantaine, voilée, un drapeau égyptien à la main. Justifié ou non, tel est le sentiment de la population, celle à tout le moins qui proteste aujourd’hui parce qu’elle a l’impression qu’ils sont quelques-uns à avoir hijacké « sa » révolution, après avoir longtemps hésité avant de feindre de s’y rallier. Ces jours-ci, on retrouve les mots d’ordre scandés il y a deux ans : « Pain, liberté, justice sociale. » Et, plus grave, cette injonction faite à Mohammad Morsi : « Dégage ! Dégage ! »
Les moukhabarate sont toujours là – les mêmes peut-être que ceux qui faisaient la loi du temps de Hosni Moubarak. Les manifestants aussi sont les mêmes qu’aux heures précédant la chute du tyran. On constate toutefois l’émergence d’un élément nouveau : ce « Bloc noir », le plus violemment hostile aux membres de la confrérie à laquelle appartient le président et dont l’apparition en a perturbé plus d’un. Ses partisans, de noir vêtus et la tête cernée d’un bandana, refusent tout contact avec les médias ou même de se laisser prendre en photo. Certains journalistes se hasardent à avancer qu’il pourrait s’agir de partisans de l’équipe de football d’el-Ahly dont quelques-uns arborent l’emblème sur leur bonnet de ski. Mais s’empressent-ils d’ajouter, ils ne peuvent en aucun cas être assimilés aux anarchistes européens et américains des années soixante-dix, pas plus qu’aux Black Panthers du tandem Huey Newton-Bobby Seale.
On chercherait en vain un lien entre les recalés de la présidentielle, les mécontents du jugement dans l’affaire du sanglant match de février 2012 et les activistes libéraux qui appellent à « une seconde révolution » et que le Front du salut national cherche désespérément à gagner à sa cause. Aucun autre lien sinon la haine à l’égard de ces nouveaux venus du soulèvement populaire de 2011 qui prétendent aujourd’hui accaparer tous les pouvoirs et viennent de perdre une nouvelle chance (la dernière ? ) de gagner la sympathie de leurs concitoyens. Après le terrible week-end auquel on vient d’assister, les adversaires du raïs ont appelé à un nouveau round de manifestations vendredi prochain. Que le pouvoir lâche du lest et il aura fini de perdre le semblant de face qui lui reste ; qu’il se cabre sur ses positions et il trouvera devant lui des hommes et des femmes plus déterminés que jamais à faire aboutir leurs revendications d’une vie meilleure, plus digne.
« Après son accession à la présidence de la République, le premier chef de l’État égyptien démocratiquement élu a accompli des réalisations prometteuses : l’entrée de non-islamistes dans le gouvernement, son retrait de la confrérie, son engagement tenu de représenter fidèlement les diverses tendances populaires, une politique étrangère équilibrée dont le respect du traité de paix avec Israël, son invitation à Bachar el-Assad de démissionner, le cessez-le-feu entre le Hamas et Tel-Aviv. Beaucoup voient en lui une force du Bien au Proche-Orient » : les auteurs de ce portrait sommaire dans le cadre du choix de la personnalité de l’année 2012 de l’hebdomadaire Time feraient bien de l’oublier.
Et vlan ! La réponse a claqué comme un coup de fouet : « Un dialogue vide de sens », une « façade ». Non, l’opposition égyptienne ne veut pas discuter avec le pouvoir de l’état d’urgence, de la violence qui a marqué ces six dernières journées, de la mission confiée à l’armée, désormais chargée de faire la police. « La solution n’est pas sécuritaire, elle est...

commentaires (2)

Il ne s'agit pas pour l'Egypte seulement du fléau d'être gouvernée par les Frères musulmans, mais aussi du fait que visiblement l'une des figures les plus incompétentes des Frères a été placé à la tête de ce pays si important. Quel dommage !

Halim Abou Chacra

03 h 39, le 29 janvier 2013

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Commentaires (2)

  • Il ne s'agit pas pour l'Egypte seulement du fléau d'être gouvernée par les Frères musulmans, mais aussi du fait que visiblement l'une des figures les plus incompétentes des Frères a été placé à la tête de ce pays si important. Quel dommage !

    Halim Abou Chacra

    03 h 39, le 29 janvier 2013

  • Les peuples arabes se réveillent et ne se laisseront plus mener par le bout du nez. Au final, le fait qu'ils aient, soit disant gagné les élections, s’avère plutôt positif car ils s'en vont partir vite fait comme ils sont venus. Position que j'ai moult fois défendu dans ce forum. Les problèmes, les dictatures et les démocraties brinquebalantes sont le lot de tout peuple qui procède a une révolution. C'est mathématique et historiquement prouvé. La route est encore longue, mais ce que fait la jeunesse d'aujourd'hui leurs enfants et petits enfants seuls en profiterons. C'est comme cela personne n'y peut rien. L'Ukraine a eu aussi sa révolution et a ce jour sa démocratie craint. De même La Roumanie et la Bulgarie qui malgré leur adhésion a l'Europe sont toujours a la traîne. Du temps. Ils ont besoin de temps et ça viendra. Patience c'est le maître mot.

    Pierre Hadjigeorgiou

    03 h 12, le 29 janvier 2013

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