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Moyen Orient et Monde - Tribune

Dans quelle direction aller après Gaza ?

Gareth Evans a été ministre australien des Affaires étrangères de 1988 à 1996 et président de l’International Crisis Group de 2000 à 2009.

La réaction la plus sensée à la deuxième guerre de Gaza pourrait bien être le commentaire d’un Israélien vivant dans un kibboutz proche de la frontière avec la bande de Gaza. « Si vous voulez me défendre... Ne nous envoyez pas les forces de défense d’Israël pour “gagner” », a écrit Michal Vasser dans le Haaretz du 15 novembre. « Commencez à penser à long terme et pas seulement aux prochaines élections. Essayez de négocier jusqu’à ce qu’une fumée blanche sorte de la cheminée. Tendez la main au président palestinien Mahmoud Abbas. Cessez les “meurtres ciblés” et regardez aussi dans les yeux des civils de l’autre côté », poursuivait-il.


Israël est bien sûr en droit de se défendre contre les tirs de roquettes. Mais les leçons des deux dernières décennies ont démontré que quand une chance de paix existe, les attaques cessent et les intifadas ne commencent pas – et que quand cette chance n’existe pas, le militantisme palestinien est incontrôlable. Les probabilités de parvenir à un accord sur la solution à deux États, aujourd’hui négociée avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie – et de son acceptation, bien qu’à contrecœur par le Hamas de Gaza à la suite d’un vote populaire –, sont faibles et s’éloignent de jour en jour. Mais la seule alternative est un cycle récurrent de violence meurtrière entre les Israéliens et les Palestiniens. La priorité immédiate est de calmer et de stabiliser la situation à Gaza. Mais pour éviter de nouvelles et pires éruptions de violence, les dirigeants israéliens doivent se poser quelques questions fondamentales, tout comme les partisans d’Israël aux États-Unis et ailleurs.


Comment la paix peut-elle être encouragée si l’élimination du Hamas, ou une réduction drastique de ses capacités, livre la bande de Gaza à des groupes plus militants encore, et donne aux islamistes de la région un réservoir de nouvelles recrues ? Comment la sécurité d’Israël est-elle préservée lorsque par ses actions à Gaza et son inaction avec Abbas, l’État hébreu met en péril les traités de paix, en vigueur depuis un certain temps déjà et chèrement acquis, conclus avec l’Égypte et la Jordanie (qui semblent tous deux très fragilisés aujourd’hui dans le sillage du printemps arabe) ? Comment les interlocuteurs palestiniens préférés des Israéliens, Abbas et le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, pourront-ils préserver leur crédibilité à négocier si les discussions ne peuvent commencer avant qu’ils renoncent, comme le demande Israël, à la condition minimum d’un gel des implantations dans les territoires occupés ?
Malgré le peu de cas qu’en fait Israël, l’initiative de paix arabe (2002) comprend une disposition fondamentale : la normalisation des relations avec la totalité du monde arabe en échange d’un accord de paix durable et global. Combien de temps la Ligue arabe pourra-t-elle maintenir cette position si les pourparlers de paix n’avancent pas ? Une autre question cruciale pour Israël est de savoir s’il pourra assumer les conséquences de la disparition complète de l’ordre du jour de la solution à deux États. Israël, comme l’a anticipé David Ben Gourion, l’un de ses pères fondateurs, peut être un État juif, il peut être un État démocratique et il peut être un État occupant la totalité du territoire historique d’Israël. Mais il ne peut être les trois à la fois.


Selon le World Factbook de la CIA, les juifs prédominent aujourd’hui en nombre sur les non-juifs, par 6,4 millions contre 5,6 millions de personnes, sur l’ensemble du territoire de la Palestine historique. Mais en tenant compte d’un taux de fécondité bien plus faible et d’une immigration en baisse, les juifs seront bientôt minoritaires.
En sus du conflit latent chronique qui couve à Gaza, une autre question brûlante attend en coulisses. Qu’auront Israël et ses partisans à gagner en résistant farouchement à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies reconnaissant la Palestine comme « État observateur » non membre (un statut analogue à celui du Vatican), qui semble être sur le point d’être présentée et adoptée à une très large majorité, le ou aux alentours du 27 novembre ?
Le texte du projet de résolution qui circule aujourd’hui ne contient aucun propos offensant. Il précise clairement que le statut de la Palestine comme membre à part entière des Nations unies doit encore être déterminé et que les questions relatives au statut définitif comme les frontières, les réfugiés, Jérusalem et la sécurité doivent encore être négociées. Il est vrai que l’adoption de cette résolution pourrait donner à la Palestine un statut qui lui fait aujourd’hui défaut pour engager des poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI) pour des violations présumées du droit international. Mais la CPI n’est pas une parodie de tribunal et des allégations sans substance seraient traitées comme il se doit.
La création d’un État palestinien a toujours été une condition préalable indispensable à la paix, et il est très nettement dans l’intérêt d’Israël de désamorcer cette question au lieu de jeter de l’huile sur le feu. Cette exigence est aujourd’hui plus pressante que jamais au vu des nouvelles distributions du pouvoir dans la région. En bref, Israël ne devrait pas se servir du vote de l’ONU comme excuse pour une nouvelle confrontation, mais comme une occasion pour reprendre sérieusement les négociations. La réaction des États-Unis est cruciale : au lieu de s’opposer à l’Autorité palestinienne, voire aux Nations unies mêmes, ils devraient tirer parti de la résolution pour proposer le genre d’ouverture diplomatique que le monde attend depuis longtemps.


Mais mettre sur la table de négociation un projet de paix global et durable qui réponde à toutes les questions relatives au statut définitif, avec des compromis acceptables par toutes les parties, nécessite à l’évidence un grand sens des responsabilités politiques. Malheureusement, cette qualité est terriblement absente de la diplomatie au Proche-Orient, depuis aussi longtemps qu’on s’en souvienne.

© Project syndicate, 2012. Traduit de l’anglais par Julia Gallin.

 

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