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Moyen Orient et Monde - Tribune

Intervenir ou non en Syrie

* Harold Brown, ancien secrétaire à la Défense sous la présidence de Jimmy Carter, est membre du Defense Policy Board, qui conseille l’actuel secrétaire à la Défense. Il est membre émérite du conseil d’administration de la Rand Corporation et l’auteur de « Star Spangled Security, Lessons Learned Over Six Decades Safeguarding America ».

Plus que tout autre événement du printemps arabe, les troubles en Syrie présentent de grandes difficultés pour les décideurs politiques occidentaux. La Syrie, dont la société est plus complexe que celle des autres pays arabes qui font l’expérience d’une transition politique, a également des relations extérieures plus complexes. Toute tentative d’intervention militaire décisive serait donc non seulement difficile, mais également très risquée.


Le rôle prépondérant de la Syrie au Liban, même après le retrait de ses forces d’occupation, n’est que l’un de ces facteurs. Un autre est que le pouvoir est détenu par une minorité alaouite, dans un pays à majorité sunnite, ce qui en fait un intermédiaire de l’Iran chiite dans le monde arabe sunnite. D’autres groupes minoritaires syriens – les chiites non alaouites, les chrétiens orthodoxes et catholiques, et les druzes – sont liés aux pays voisins et aux acteurs régionaux, donnant lieu à des jeux d’intérêtes externes intenses, voire à un soutien actif. La Turquie, l’Arabie saoudite et la Russie ont des intérêts stratégiques et des connexions avec les diverses factions syriennes.


Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN préféreraient bien sûr voir émerger en Syrie un régime démocratique, favorable à l’Occident. Mais compte tenu de la complexité de la société syrienne et de ses relations extérieures, les pays occidentaux devraient être prêts à accepter un régime stable qui ne soit pas contrôlé par la Russie ou l’Iran, ou engagé dans un conflit avec ses voisins, dont Israël.


Quelle serait donc la meilleure politique à suivre pour les États-Unis et les pays occidentaux ? Une fin négociée à la guerre civile actuelle pourrait laisser le régime de Bachar el-Assad en place, avec une autre personne à sa tête. Une telle issue représenterait toutefois le triomphe de la dictature, de la négation des droits humains, et une victoire de l’Iran et de la Russie. Elle devient également de moins en moins plausible au fur et à mesure que les violences s’intensifient. L’alternative est de soutenir les rebelles, mais lesquels et comment ? Un autre facteur s’opposant à une intervention est que les États-Unis ne disposent plus que d’une influence et d’informations limitées à la suite de la redistribution du pouvoir induite par le printemps arabe. Les États-Unis et les pays occidentaux ne peuvent pourtant pas laisser cette question entièrement aux mains de tierces parties ou limiter leurs efforts au cadre des Nations unies, où la Russie et la Chine peuvent bloquer toute action effective.


Que faire? À mon avis, les États-Unis pourraient coopérer avec la Turquie, l’Arabie saoudite (en prenant soin de ne pas soutenir les extrémistes islamiques) et leurs alliés de l’OTAN, en particulier la France et la Grande-Bretagne, pour créer un gouvernement de succession en Syrie, et armer sa composante militaire. Ce gouvernement devrait être représentatif et cohérent. Et les pouvoirs occidentaux devraient être sûrs que les armes fournies ne tombent pas aux mains d’ennemis potentiels.


Le fait que l’Iran arme le régime d’Assad plaide en faveur de mesures compensatoires. Un rôle militaire plus actif des États-Unis, dont l’application d’une zone d’exclusion aérienne, a été évoqué et est une éventualité qui n’est pas à exclure. Mais les Britanniques et les Français, qui avaient défendu cette approche en Libye, n’ont rien proposé de la sorte pour la Syrie. L’une des raisons est que la Syrie dispose d’un système de défense aérienne performant qui devrait être anéanti par une campagne de bombardements qui feraient de nombreuses victimes civiles et pourraient entraîner la perte d’avions et d’équipages. Avant de suivre cette voie, les États-Unis devraient être certains qu’une intervention militaire ne les obligerait pas à stationner des troupes en Syrie. Ils devraient également être certains de la nature du gouvernement de succession (ce qui est impossible à ce stade).


Pour répondre à ces critères, il serait nécessaire de réunir les parties intéressées pour mieux comprendre les implications internes et régionales d’une intervention militaire en Syrie. L’attention portée à la question syrienne lors du récent sommet des non-alignés à Téhéran n’a été qu’une parodie de cette approche. Organiser une telle conférence est plus facile à dire qu’à faire. Rien que finaliser la liste des participants serait un succès diplomatique majeur. La Turquie, l’Égypte, l’Arabie saoudite et l’Irak devraient bien sûr être invités. Mais négliger un pays voisin comme Israël, un pays client de la Syrie comme le Liban et un pays protecteur comme l’Iran serait bizarre – et les inviter tous serait une invitation au chaos.


La rébellion en Syrie, le plus violent des soulèvements populaires du printemps arabe, n’en finit pas et fait toujours plus de victimes. Les dizaines de milliers de morts depuis le début de la rébellion il y a un an et demi peuvent correspondre au nombre de personnes tuées à Hama en 1982 en quelques jours par le père du président actuel, Hafez el-Assad. Sa politique de la terre brûlée, qui lui a permis de raffermir son emprise sur le pouvoir, n’a pourtant donné lieu qu’à des condamnations rhétoriques de la part de la communauté internationale. Les répercussions de la chute du régime, qui interviendra tôt ou tard, n’en seront que plus dévastatrices. Les Assad, comme les autres dirigeants autoritaires arabes, ont réprimé les violences internes et les aspirations de leurs citoyens. Mais l’extrême complexité des forces en jeu en Syrie signifie que la chute du régime pourrait déboucher sur une transition très différente de celles qu’ont connues d’autres pays durant le printemps arabe, à la fois au plan intérieur et au plan de ses répercussions dans la région.


Les diplomates font carrière en trouvant des solutions procédurales à des dilemmes insolubles ; il existe sûrement, espèrent-ils, une table de négociation qui se conforme à une configuration stratégique donnée. Jusqu’à présent, les États-Unis ont su faire face aux diverses transitions politiques du printemps arabe sans maladresses préjudiciables. La Syrie présente clairement le défi le plus sérieux à ce jour.

© Project Syndicate, 2012. Traduit de l’anglais par Julia Gallin.

Plus que tout autre événement du printemps arabe, les troubles en Syrie présentent de grandes difficultés pour les décideurs politiques occidentaux. La Syrie, dont la société est plus complexe que celle des autres pays arabes qui font l’expérience d’une transition politique, a également des relations extérieures plus complexes. Toute tentative d’intervention militaire décisive...

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Il y a déjà de l'intervention étrangères en Syrie, certains pays arabes aident les terroristes en armes et argent. D'autres ferment les yeux en laissant passer des groupes de salafistes armés. Il y a des conseillés militaires étrangers avec les terroristes. Il y a 150 "conseillers" américains en Jordanie pour aider l'armée jordanienne pour "les réfugiés",c'est peut-être les mêmes troupes que la Jordanie avait au moment de la guerre contre l'Irak

Talaat Dominique

04 h 28, le 10 octobre 2012

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Commentaires (1)

  • Il y a déjà de l'intervention étrangères en Syrie, certains pays arabes aident les terroristes en armes et argent. D'autres ferment les yeux en laissant passer des groupes de salafistes armés. Il y a des conseillés militaires étrangers avec les terroristes. Il y a 150 "conseillers" américains en Jordanie pour aider l'armée jordanienne pour "les réfugiés",c'est peut-être les mêmes troupes que la Jordanie avait au moment de la guerre contre l'Irak

    Talaat Dominique

    04 h 28, le 10 octobre 2012

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