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Moyen Orient et Monde - Le point

Présidence vs armée : 1-0

Gamal Abdel Nasser se méfiait à juste raison des Frères musulmans. Après le coup d’État du 22 juillet 1952 qui avait débouché sur la déposition du roi Farouk puis la proclamation de la République, il avait fait embastiller l’un des leurs, le colonel Rachad Mehanna, pourtant membre du groupe des Officiers libres qui venait de s’emparer du pouvoir. La revanche aura attendu soixante longues années : dimanche, Mohammad Morsi a décapité le tout-puissant Conseil suprême des forces armées (CSFA). Exit Hussein Tantaoui, inamovible ministre de la Défense depuis 1991, et Sami Enan, chef d’état-major, appelés tous deux à faire valoir leur droit à la retraite mais « promus » conseillers du président de la République. Idem pour les chefs des principales divisions de l’appareil militaire. Dans la foulée, l’Égypte possède dorénavant un vice-président, Mahmoud Mekky, frère d’un certain Ahmad Mekky, ministre de la Justice et grand pourfendeur du régime de Hosni Moubarak, spécialiste comme on le sait des fraudes électorales.
Les militaires devraient inscrire au programme de leurs académies la magistrale manœuvre du nouveau régime ayant débouché sur cette révolution de palais – car c’en est une. Le prétexte, non invoqué mais qui n’en a pas moins servi de détonateur, aura été, paradoxalement, l’insécurité grandissante dans le Sinaï ayant débouché sur le massacre, le 5 août, de 16 gardes-frontières par des « terroristes », une faille béante dans le système de défense qui avait éclaboussé une institution militaire longtemps soupçonnée de négliger la péninsule et de nourrir la nostalgie de l’ancien régime. C’est pourquoi on absoudra ceux – dont le journal ad-Destour de samedi dernier – qui pensent que le coup de force de la présidence était destiné en fait à prévenir un mouvement de jeunes officiers contre leurs aînés. Aussi, au moment d’entreprendre ce qu’il faut bien appeler une épuration au sommet, la présidence s’était-elle assuré – deux précautions valant mieux qu’une – la bienveillante neutralité du chef des renseignements militaires, Abdel Fattah el-Sissi, et de Mohammad el-Assar.
La série de décapitations vous rappelle-t-elle quelque chose? Juillet 2011 : le bras de fer entre l’armée et le Premier ministre de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, grand vainqueur des législatives du 12 juin, tourne à l’avantage de ce dernier. Oh ! Il n’y a pas eu au Caire de complot Ergenekon contre le parti islamiste au pouvoir, pas d’arrestations en masse d’officiers supérieurs soupçonnés d’élaborer « un plan d’action destiné à combattre le fondamentalisme religieux », mais une opération dans le style désormais connu des héritiers de Hassan el-Banna, tout en souplesse et enrobé de circonlocutions mielleuses. Le chef de l’État s’adressant à ses concitoyens : « Aujourd’hui, cette nation est de retour, le peuple aussi, avec sa révolution bénie. » Quand on sait que les Frères ont longuement hésité avant de se joindre aux manifestants de la place al-Tahrir, qu’ils n’ont pas tardé à revenir sur leur engagement de ne pas prendre part à la bataille pour la présidentielle, qu’ils ont commencé par faire le gros dos face aux exigences du maréchal et de ses compagnons avant de passer à la contre-attaque...
La phase 2 de la riposte des civils a consisté, en outre, en l’abrogation d’un amendement constitutionnel adopté il y a deux mois par le CSFA, qui limitait les prérogatives du président de la République au profit des militaires. Désormais, il appartient au nouveau raïs de désigner les membres de la commission chargée d’élaborer une nouvelle Constitution et, en attendant la désignation d’un nouveau Parlement, de promulguer les lois. En clair, la confrérie a retrouvé la plupart des plumes qu’elle avait laissées ces derniers temps et fait perdre aux gradés qui détiennent le pouvoir depuis six décennies l’auréole d’invincibilité dont la légende populaire les avait parés. Qu’on le sache : le roi est nu.
Pour autant, ses féaux sujets sont-ils satisfaits ? C’est que les défis à venir portent moins sur la place des militaires dans la direction des affaires publiques ou sur l’issue de la confrontation dont on vient d’assister aux prémices que sur la conjoncture économique et sociale et sur le danger sécuritaire dans le Sinaï, dont les sanglantes escarmouches ne constituent que les aimables préliminaires. Sur la liberté de la presse aussi, comme le prouve le tout récent remplacement d’une cinquantaine de rédacteurs en chef des journaux gouvernementaux décidé par le Conseil de la choura, équivalent du Sénat. Jeudi dernier, plusieurs quotidiens ont paru avec des encarts blancs à la place habituellement réservée aux éditoriaux pour protester contre la tentative de museler la presse. Pour ceux qui l’ignoreraient, ledit Conseil est dirigé par Ahmad Fahmi, beau-frère de Mohammad Morsi. Voilà dissipés les derniers doutes que l’on pouvait encore avoir sur les bonnes intentions des Ikhwane.
Gamal Abdel Nasser se méfiait à juste raison des Frères musulmans. Après le coup d’État du 22 juillet 1952 qui avait débouché sur la déposition du roi Farouk puis la proclamation de la République, il avait fait embastiller l’un des leurs, le colonel Rachad Mehanna, pourtant membre du groupe des Officiers libres qui venait de s’emparer du pouvoir. La revanche aura attendu soixante...

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Mon seul commentaire, Cher Monsieur Christian Merville, : Hier soir la porte parole du département d'Etat des USA a déclaré que la visite de Madame Clinton au Caire était de préparer ces changements survenus, et que les USA étaient au courant, car demandés par EUX ! et avec leur Bénédiction ! Toutes les autres suppositions tombent dans l'eau...

SAKR LEBNAN

01 h 37, le 14 août 2012

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  • Mon seul commentaire, Cher Monsieur Christian Merville, : Hier soir la porte parole du département d'Etat des USA a déclaré que la visite de Madame Clinton au Caire était de préparer ces changements survenus, et que les USA étaient au courant, car demandés par EUX ! et avec leur Bénédiction ! Toutes les autres suppositions tombent dans l'eau...

    SAKR LEBNAN

    01 h 37, le 14 août 2012

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