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Moyen Orient et Monde - Tribune

De l’importance – ou pas – de l’identité sexuelle

La candidate canadienne Jenna Talackova, 23 ans, avait dans un premier temps été disqualifiée fin mars de la finale de la version canadienne de Miss Univers prévue en mai, au motif qu'elle n'était pas née femme. Elle y a été réintégrée quand les organisateurs du concours de beauté ont décidé que les transsexuelles seraient désormais autorisées à y participer dans toutes les épreuves pour 2013. Frederic J. BROWN/AFP

Jenna Talackova était parvenue en finale du concours de Miss Univers Canada le mois dernier avant d’être disqualifiée pour ne pas être « naturellement née » femme. Cette magnifique blonde élancée a déclaré aux médias qu’elle s’était toujours considérée femme depuis l’âge de quatre ans, qu’elle avait débuté un traitement hormonal à 14 ans avant de subir une chirurgie d’inversion sexuelle à 19 ans. Sa disqualification soulève la question de ce que signifie réellement être une « Miss ».


Une question plus large s’est aussi posée dans le cas d’un enfant de Los Angeles âgé de huit ans, anatomiquement né fille mais qui s’habille et veut être considéré un garçon. Sa mère a essayé sans succès de l’inscrire dans une école privée en tant que garçon. Est-il réellement essentiel que chaque être humain soit déterminé « homme » ou « femme » en fonction de son sexe biologique ?


Les personnes transgenres sont clairement discriminées. L’année dernière, le National Center for Transgender Equality et la National Gay and Lesbian Task Force publiaient une enquête montrant que le taux de chômage des personnes transgenres est deux fois supérieur à celui du reste de la population. De plus, 90 % des répondants de cette enquête ayant un emploi ont déclaré avoir subi des formes de mauvais traitement sur leur lieu de travail de type harcèlement, moqueries, diffusion inappropriée d’informations personnelles par les superviseurs ou les collèges, ou des difficultés pour accéder aux toilettes. En outre, les personnes transgenres peuvent faire l’objet de violences physiques et d’agressions sexuelles du fait de leur identité sexuelle. Selon Trans Murder Monitoring, au moins 11 personnes ont été assassinées aux États-Unis l’année dernière pour cette raison.


Les enfants qui ne s’identifient pas au sexe déterminé par leur naissance sont dans une position particulièrement délicate, et leurs parents sont confrontés à un choix difficile. Nous n’avons pas encore les moyens de transformer les jeunes filles en des garçons biologiquement normaux, et inversement. Et même si nous le pouvions, les spécialistes mettent en garde contre les démarches irréversibles visant à leur donner l’identité sexuelle à laquelle ils s’identifient. De nombreux enfants montrent des signes de comportement transgenre ou expriment leur désir de changer de sexe, mais lorsque l’option chirurgicale leur est proposée, seul un tout petit nombre d’entre eux vont jusqu’au bout. Le recours à des agents hormonaux bloquants pour retarder la puberté semble une option raisonnable, dans la mesure où elle offre aux parents comme aux enfants un temps supplémentaire de réflexion avant d’envisager cette option décisive et définitive.


Mais le problème majeur reste que les personnes qui doutent de leur identité sexuelle, basculent de l’une à l’autre, ou sont dotées à la fois d’organes féminins et masculins ne rentrent pas dans la dichotomie homme/femme standard. L’année dernière, le gouvernement australien s’est penché sur cette question en introduisant trois catégories sur les passeports : homme, femme, indéterminé. Ce nouveau système permet de choisir son identité sexuelle, laquelle ne doit pas nécessairement correspondre au sexe assigné à la naissance. Cette rupture avec la rigidité de la classification habituelle montre un respect pour tous les individus, et si d’autres pays devaient adopter ce même système, il permettrait de leur éviter d’avoir à expliquer aux douaniers la différence entre leur apparence et leur identité sexuelle telle qu’indiquée sur leur passeport.


Néanmoins, on peut se demander s’il est réellement nécessaire de demander aussi souvent aux personnes d’indiquer leur sexe. Sur Internet, nous communiquons fréquemment avec des personnes sans connaître leur identité sexuelle. Certains sont extrêmement attentifs au type d’informations personnelles pouvant être divulguées, alors pourquoi les obligeons-nous, dans tant de circonstances, à déclarer s’ils sont homme ou femme? Ce phénomène n’est-il pas le résidu d’une époque dans laquelle les femmes étaient exclues d’un grand nombre de rôles et de positions, et se voyaient donc nier les privilèges qui y étaient associés ? Si le nombre d’occurrences où cette information est demandée sans raison valable était réduit, la vie de ceux qui ne peuvent entrer dans les cases d’une stricte classification serait plus facile, et cela permettrait aussi de limiter les inégalités subies par les femmes. Les injustices qui affectent aussi parfois les hommes, par exemple en ce qui concerne le congé parental, seraient peut-être aussi évitées.


Imaginons encore comment, là où les relations homosexuelles sont autorisées, les obstacles contre le mariage gay et lesbien disparaitraient si l’État n’exigeait pas des épouses qu’elles déclarent leur identité sexuelle. Il en serait de même avec l’adoption (d’ailleurs, certains éléments semblent indiquer qu’un enfant élevé par deux femmes lesbiennes en tant que parents bénéficie d’un meilleur départ dans la vie que dans n’importe quelle autre combinaison de parents).


Certains parents s’opposent déjà à la question traditionnelle « fille ou garçon » en ne révélant pas l’identité sexuelle de leur enfant à la naissance. Un couple suédois a expliqué qu’il voulait éviter à son enfant d’être plongé dans un « moule sexuel spécifique », prétendant qu’il est cruel « de mettre un enfant au monde avec un timbre bleu ou rose collé sur le front ». Un couple canadien s’est étonné du fait que « le monde entier veuille absolument savoir ce que le bébé a entre les jambes ».


Jane McCreedie, auteure de Making Girls and Boys : Inside the Science of Sex, critique ces couples qui vont trop loin. Dans notre monde actuel, elle marque un point, parce que dissimuler le sexe d’un enfant ne fera que concentrer plus d’attention sur ce dernier. Mais si un tel comportement devait se généraliser – ou même se normaliser –, serait-ce véritablement un problème ?

 

Peter Singer est professeur lauréat à l’Université de Melbourne et enseigne la bioéthique à l’Université Princeton. Parmi ses ouvrages parus : Animal Liberation (Libération animale), Practical Ethics (Ethique Pratique), The Expanding Circle (Le Cercle croissant), et The Life You Can Save (Une vie à sauver). Agata Sagan est chercheur indépendant dont le travail actuel se concentre sur les victimes de la répression soviétique.

© Project syndicate, 2012. Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats.

Jenna Talackova était parvenue en finale du concours de Miss Univers Canada le mois dernier avant d’être disqualifiée pour ne pas être « naturellement née » femme. Cette magnifique blonde élancée a déclaré aux médias qu’elle s’était toujours considérée femme depuis l’âge de quatre ans, qu’elle avait débuté un traitement hormonal à 14 ans avant de subir une chirurgie...

commentaires (1)

C'est du RACISME ! Si pour devenir Miss on devrait aussi prendre en compte et montrer son "nichon", il faudrait aussi être "Vierge". Et, nous voilà plongé dans l'extrémisme fanatique, que je ne veux pas prononcer. Condamnable à tout point de vue !

SAKR LEBNAN

02 h 25, le 17 avril 2012

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Commentaires (1)

  • C'est du RACISME ! Si pour devenir Miss on devrait aussi prendre en compte et montrer son "nichon", il faudrait aussi être "Vierge". Et, nous voilà plongé dans l'extrémisme fanatique, que je ne veux pas prononcer. Condamnable à tout point de vue !

    SAKR LEBNAN

    02 h 25, le 17 avril 2012

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