Héritière de l’Empire ottoman, la Turquie récuse catégoriquement ce terme de génocide, et cette détermination s’exprime depuis des décennies, avec un soutien inconditionnel de tous les partis, par des remontrances plus ou moins vigoureuses aux pays souhaitant reconnaître le génocide ou pénaliser sa négation. Cette position n’a pourtant pas empêché la reconnaissance par plus d’une vingtaine d’États. Et surtout, elle est de moins en moins tenable pour Ankara, estime l’éditorialiste Semih Idiz dans le quotidien Milliyet. « La Turquie multiplie les menaces contre la France. Mais dans quelques semaines le sujet refera son apparition au Congrès américain. Et il y a d’autres pays dans la file d’attente. Est-ce que la Turquie va rappeler son ambassadeur à chaque fois ? Nous sommes face à une situation absurde », écrit-il. « Cette stratégie négative et réactive a échoué, et personne n’est prêt à le reconnaître. J’espère qu’à un moment les autorités vont réfléchir et proposer autre chose pour faire face au centenaire du génocide arménien qui approche », confirme Cengiz Aktar, professeur de relations internationales à l’université stambouliote de Bahçesehir.
Pour Hugh Pope, de l’International Crisis Group, la solution passe par une normalisation des relations avec l’Arménie, bloquée par la question du génocide aussi bien que par le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, allié de la Turquie, pour la possession de l’enclave du Nagorny-Karabakh. « De nombreuses personnes en Turquie s’inquiètent de la façon dont le pays va gérer la situation en 2015 et pensent qu’elle doit se lancer sur la voie de la réconciliation avec les Arméniens, pour être du même côté que les gens qui vont commémorer les communautés arméniennes disparues d’Anatolie (...) et ne pas être une cible », commente l’analyste. Une avancée historique s’était produite en 2009 avec la signature par Ankara et Erevan de protocoles prévoyant la normalisation de leurs relations, mais ces textes n’ont jamais été ratifiés, la Turquie réclamant une résolution préalable de la question du Nagorny-Karabakh. La Turquie ne pourra pas non plus échapper à son devoir de mémoire, et à une forme de contrition, affirme Soli Özel, chroniqueur du quotidien HaberTürk et professeur de relations internationales à l’université stambouliote Kadir Has. « Il faut tout d’abord exprimer un chagrin, et ça, l’État turc ne l’a jamais fait. C’est vraiment le point de départ » d’un apaisement de la question arménienne, déclare-t-il.
Ankara réfute le terme de génocide mais reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500 000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917, les Arméniens évoquant 1,5 million de morts.
(© AFP)
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