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Moyen Orient et Monde - Le point

Boiteuses alliances

Quand on cherche les Pakistanais, on les trouve. Soupçonnés par Washington de pratiquer un double jeu, ils viennent de contre-attaquer en portant à leurs accusateurs un coup qui fait mal : ils ont révélé l'identité du chef de station de la Central Intelligence Agency à Islamabad. Le nom, quoique estropié, figurait dans l'édition de samedi dernier du quotidien The Nation, un journal au tirage confidentiel qui ne cache pas ses sympathies pour la redoutable direction de l'Inter Services Intelligence au sein de l'armée. Et afin que nul ne soit pris de l'envie d'établir un subtil distinguo entre celle-ci et le pouvoir civil, le Premier ministre,Youssef Riza Gilani, est monté au créneau dès lundi matin. Devant les députés, il a répondu aux allusions concernant une tacite protection dont aurait joui Oussama Ben Laden. C'est l'Amérique, a-t-il dit en substance, qui est responsable de la présence chez nous du chef d'el-Qaëda - un échec patent pour le monde entier. Et cette flèche décochée pour titiller l'amour-propre de ses concitoyens : « C'est l'Amérique qui a violé notre souveraineté nationale. »
Non, décidément, rien ne va plus entre ces deux pires amis, malgré les maladroits appels du pied d'un Oncle Sam écartelé entre une colère justifiée par tant de perfidie et la nécessité de s'assurer un minimum de coopération dans le combat contre le terrorisme.
Les démêlés de la CIA dans la patrie de Mohammad Ali Jinnah ne datent pas d'hier. En décembre dernier déjà, son « station chief » avait dû quitter précipitamment le pays quand, son nom étant apparu dans plusieurs journaux, il avait reçu des menaces de mort émanant de parents de victimes d'attaques de drones US.
En fait, la question des rapports entre les États-Unis et deux de leurs principaux alliés, le Pakistan et l'Arabie saoudite, officiellement engagés à leurs côtés dans la guerre contre le terrorisme, se pose depuis les attentats du 11 septembre 2001. Ces dix dernières années, il ne s'écoule pas de semaine sans que le royaume wahhabite ne se sente tenu (forcé ? ) de donner des preuves de sa bonne foi. À chaque fois, de telles protestations succédaient à des rumeurs, des faits avérés, des rapports diplomatiques soulignant la collusion entre une partie du clergé et les mouvements extrémistes, quand il ne s'agissait pas des sources financières de ces derniers à l'occasion, par exemple, de la saison de pèlerinage ou provenant de richissimes hommes d'affaires.
En décembre 2010, WikiLeaks révélait la teneur d'un rapport émanant de l'ambassadeur américain à Riyad, James B. Smith , rédigé à la veille de la visite de l'émissaire spécial de la Maison-Blanche Richard Holbrooke, évoquant les « sérieuses sources d'inquiétude » (serious concern) causées par le flot d'argent saoudien dans les caisses d'organisations extrémistes sunnites comme les talibans, le Hamas et le groupe pakistanais Lashkar e-Tayyiba, responsable des attentats de Mumbai en 2008. Plus grave, le document notait que le royaume « continue de dépendre presque entièrement de la CIA pour les directives données aux responsables des opérations de contre-terrorisme », tout en constatant une « coopération plus active » dans ce domaine. Un an auparavant, la secrétaire d'État Hillary Clinton notait, elle, combien « il est difficile des convaincre nos interlocuteurs d'accorder une priorité stratégique au dossier du financement du terrorisme » et croyait savoir que « le gros des donateurs dans le monde est constitué de Saoudiens ».
Dans la capitale fédérale, le désarroi ces temps-ci est visible, et on en comprend les raisons. Le fondateur du plus important mouvement terroriste du XXIe siècle a fini au fond de l'océan, mais la violence au nom d'une certaine idée de la religion n'a pas disparu pour autant. Plus dangereusement, elle est appelée, si le processus n'a pas commencé déjà, à donner naissance à quantités de « sous-produits » se réclamant tous de la même tendance, salafiste de préférence. On fera valoir qu'il y a là l'expression normale d'une frustration, d'un sous-développement, d'une aspiration à la liberté. Mais Ben Laden est né dans une famille de milliardaire et Ayman Zawahiri est médecin de formation ; quant à Mohammad Ata, cerveau de l'attentat des tours jumelles de Manhattan, il avait reçu une formation d'architecte à l'université du Caire avant de parfaire ses connaissances à l'université technique de Hambourg. L'autre argument selon lequel le « printemps arabe » est en train de court-circuiter ce courant ne tient pas la route quand on connaît l'art des Frères musulmans, pour ne citer qu'eux, à se fondre dans le paysage en attendant leur heure.
Autant de raisons qui font craindre le moment où l'Amérique pourrait constater que l'ennemi public numéro un pourrait, comme le duc de Guise abattu sur ordre d'Henri III, s'avérer « plus grand mort que vivant ».
Quand on cherche les Pakistanais, on les trouve. Soupçonnés par Washington de pratiquer un double jeu, ils viennent de contre-attaquer en portant à leurs accusateurs un coup qui fait mal : ils ont révélé l'identité du chef de station de la Central Intelligence Agency à Islamabad. Le nom, quoique estropié, figurait dans l'édition de samedi dernier du quotidien The Nation, un journal au...

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