Une aide du Hezbollah ?
Deraa ressemble à « une caserne militaire », a affirmé un autre militant sur place. Un photographe de l'AFP a été malmené par les forces de l'ordre qui lui ont confisqué son appareil photo. Interviewé par la chaine al-Arabiya, l'opposant Mamoun Homsi a déclaré que le Hezbollah avait envoyé 3 000 de ses combattants soutenir les forces de sécurité en Syrie.
À Deraa, les habitants estiment avoir surmonté des décennies d'humiliation et de répression, ainsi qu'une appréhension qui les amenaient à suspecter jusqu'à leurs propres parents d'être des indicateurs du régime. « Je sens maintenant le parfum de la liberté », confie un jeune habitant de la ville. Dans le Hauran, des affiches autres que celles appelant à la gloire du président Assad, des affiches appelant simplement à la « liberté », ont fait leur apparition. Mais douchant momentanément les espoirs, les autorités ont arrêté hier à Damas Lou'aï Hussein, un ancien détenu politique qui s'était fait le porte-parole des manifestants du Sud.
Dans l'après-midi, un réseau d'information militant sur la Syrie indiquait que les protestataires avaient réussi à empêcher les forces de l'ordre de donner l'assaut à la mosquée. Selon les activistes de ce groupe Facebook baptisé SNN (Syrian News Network), un cheikh de Deraa, cheikh Ibrahim el-Mousalmé, aurait appelé les manifestants à mettre en place plusieurs comités pour gérer la logistique du mouvement de protestation.
« Dr Bachar, écoutez-nous »
Autre signe d'un changement d'ère, Montaha al-Atrach, dont le père avait conduit une révolte contre l'occupation française dans les années 1920, s'est adressée directement à Bachar el-Assad lors d'une interview à la BBC. « Dr Bachar, écoutez-nous. La pression et la répression incessantes ne conduiront qu'à l'explosion », l'a-t-elle apostrophé. « Le régime continue à présenter toute demande de changement comme un ferment de troubles et de divisions, et en lâchant sur les manifestants les membres des forces de sécurité qui sont déjà partout dans les rues », a-t-elle encore déclaré dans cette interview accordée en Syrie.
Dans une interview accordée à Reuters, Haïtham al-Maleh, grande figure de l'opposition, a, pour sa part, déclaré que « la révolution est aux portes (de la Syrie) et le régime continue de flirter avec le changement ». Libéré de prison il y a deux semaines, cet opposant pacifiste de 80 ans a ajouté que « toutes les provinces syriennes vont entrer en éruption. Il y a un quasi-consensus selon lequel le régime ne peut plus tenir. 60 % de la population est pauvre. Près d'un tiers de la main-d'œuvre est au chômage ». « Avant ma dernière arrestation, a également raconté M. Maleh, un chef de la sécurité avait déjeuné avec moi pour écouter mes opinions. Quand nous avons fini, il a dit : "Vous allez devoir tolérer notre répression." Et pourquoi devrais-je la tolérer ? Et pourquoi le reste de la Syrie devrait la tolérer ? »
Riad al-Turk, autre grand opposant, estime, pour sa part, que les dirigeants syriens sont aujourd'hui confrontés à un « moment de vérité ». « Ce qu'il faut, a-t-il dit, ce sont des mesures sérieuses et claires pour faire passer la Syrie d'un système répressif à un système démocratique. » Et de poursuivre : « Il y a des mesures exigées avec constance : la libération des détenus politiques, la levée de l'état d'urgence, la mise en place d'un système pluraliste, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et l'abolition de la clause faisant du parti Baas le leader de l'État et de la société. » « Ce que je sais, aujourd'hui, c'est que la Syrie ne restera pas le royaume du silence. La peur ne nous fera plus suffoquer et ma patrie ne restera pas une immense prison », se prend à rêver cet octogénaire, qui a passé sous le règne de Hafez el-Assad 25 ans de sa vie en prison, dont 18 dans une cellule sans lumière de deux mètres sur deux.
Les autorités syriennes ont annoncé des mesures d'apaisement, parmi lesquelles un « fonds national pour l'aide sociale » ou encore un projet d'eau potable pour Deraa d'un coût de 4 millions de dollars.
Mais pour Bourhane Ghalioune, directeur du Centre des études arabes à la Sorbonne à Paris, « la Syrie ne peut rester loin du mouvement. Nous vivons dans un nouveau climat ». « Les gens refusent désormais d'être sous tension, ils s'élèvent contre l'irrespect, la mauvaise gouvernance, le contrôle des services de sécurité, estime-t-il. Le régime se trompe s'il pense régler les problèmes par la répression. »
Le haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'homme, Rupert Colville, a demandé hier à la Syrie de « mettre en œuvre une enquête indépendante, transparente et efficace sur les meurtres de six manifestants (dont un enfant) ». La répression des manifestants est « inacceptable », a également estimé hier la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton.
(Source : agences)
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