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Moyen Orient et Monde

Tunisie : pour protéger une démocratie naissante, l’État doit être neutre en matière religieuse

Trois questions à Hamadi Redissi, intellectuel tunisien et professeur de sciences politiques.
Q. Selon vous, quel est le poids du mouvement laïc dans la société tunisienne actuellement ?
R. « Je crois que le mouvement laïc est très puissant en Tunisie, mais il est diffus et peu structuré. Déjà une bonne partie de l'opposition est laïque, notamment le mouvement Tajdid (aujourd'hui dans le gouvernement national) et le Parti ouvrier communiste de Hamma Hammami, très actif parmi les jeunes et les syndicalistes. Sur facebook, il y a de nombreux groupes de jeunes constitués se réclamant de la laïcité. Ils sont, croyez-moi, des milliers. C'est incroyable. Un seul mot d'ordre a été scandé durant la révolution : Liberté. Le seul étendard exhibé, le drapeau national, et le seul poster affiché, celui du Che. Je suis moi-même le président de l'association pour la promotion de la culture laïque en Tunisie. L'ancien régime a refusé notre demande. Aujourd'hui, le gouvernement d'union nationale est disposé à nous reconnaître (même les islamistes sont en passe d'être reconnus). Un responsable du ministère de l'Intérieur a contacté le secrétaire général de notre association, lui demandant simplement de refaire la demande. La Tunisie vit un moment exceptionnel. »

Avec la chute de Ben Ali et le retour de plusieurs dirigeants islamistes au pays, croyez-vous que la laïcité en Tunisie est en danger ?
« À court terme, aucun danger. Comme je vous l'ai dit, la révolution tunisienne a été spontanée et populaire. Elle avait deux objectifs : s'opposer à un pouvoir familial corrompu et prôner la démocratie. Les islamistes eux-mêmes ne prétendent pas avoir pris part au mouvement, encore moins le diriger. Maintenant, un nouveau dispositif est mis en place : un gouvernement intérimaire, des élections dans 6 ou 7 mois, trois commissions (réforme constitutionnelle, lutte contre la corruption et contre les débordements sécuritaires). Les islamistes feront sûrement profil bas aux prochaines élections. Mais plus tard ! J'ai proposé (par écrit, dans des passages radiophoniques et télévisuels) de modifier l'article premier (l'islam religion de l'État) par : l'État est neutre en matière religieuse. J'ai aussi proposé un conseil de la République (sur le modèle turc mais civil) de protection de l'article premier. C'est à mon sens le seul moyen de protéger une démocratie naissante pour qu'elle ne bascule pas dans une "théo-démocratie". »

Alors que la révolution du Jasmin fait tache d'huile, estimez-vous que le modèle laïc tunisien pourrait être un exemple pour d'autres pays ?
« C'est déjà fait. L'Égypte est en train de copier la Tunisie en tout, du mot d'ordre en français "Dégage" (la contribution tunisienne à la francophonie !) jusqu'à la mimique d'un président qui joue au dur, puis se rétracte, s'engage à ne plus se représenter aux prochaines élections, promet des réformes, change de gouvernement. Kant disait que ce qui fait la révolution est moins l'héroïsme des acteurs que l'enthousiasme des spectateurs (en l'occurrence les peuples arabes) pour ce qui est universel et moral dans la révolution : l'idée de droit. »
Q. Selon vous, quel est le poids du mouvement laïc dans la société tunisienne actuellement ?R. « Je crois que le mouvement laïc est très puissant en Tunisie, mais il est diffus et peu structuré. Déjà une bonne partie de l'opposition est laïque, notamment le mouvement Tajdid (aujourd'hui dans le gouvernement national) et le Parti ouvrier communiste de Hamma Hammami, très actif parmi...

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