En prévision des législatives, Than Shwe renforcerait son pouvoir

Vendredi, des informations faisaient état d'un remaniement d'une ampleur exceptionnelle opéré à la tête de l'armée birmane. Plus de 70 hauts officiers de l'armée ont pris leur retraite, dont le numéro trois, le général Thura Shwe Mann, afin de pouvoir se présenter devant les électeurs le 7 novembre, date des législatives, selon des sources birmanes.
Mais au terme du plus important remaniement militaire depuis une bonne vingtaine d'années, le flou demeure sur ce qu'il adviendra du généralissime Than Shwe, l'homme fort de la junte âgé de 77 ans, au pouvoir depuis 1992. D'insistantes rumeurs, démenties à Rangoun, ont déjà annoncé son départ. Une source proche du régime a assuré qu'il quitterait l'uniforme « bientôt » sans préciser son rôle futur dans le prochain organigramme civil du régime.Sans annonce officielle ni communication des médias gouvernementaux, les observateurs en sont réduits aux spéculations. « Le pays est noyé par les rumeurs », explique à l'AFP Aung Naing Oo, analyste birman basé en Thaïlande. « Il y a bien plus de questions que de réponses. » Parmi ces rumeurs figure l'hypothèse que Than Shwe s'assoie sur le fauteuil de président créé après le scrutin. Un autre scénario fait état de la nomination à cette fonction de Thura Shwe Mann, un de ses fidèles. « Ce que (Than Shwe) veut faire ne sera clair que le jour où nous connaîtrons le prochain président, un avenir pas si lointain, estime l'analyste. Ce qu'il a créé avec ce système est un énorme monstre, et il doit conserver une fonction officielle pour le contrôler. » Quelle que soit sa stratégie, le septuagénaire s'assure un soutien dans l'armée de demain, estime Win Min, un militant prodémocratie et universitaire birman basé aux États-Unis. Than Shwe « semble penser qu'il est préférable de choisir avant les élections une nouvelle génération de responsables militaires qu'il considère comme parfaitement loyaux », explique-t-il. Il peut du même coup écarter des cadres jugés trop proches de son numéro deux, Maung Aye. Les lois électorales assurent à l'armée un quart des sièges dans les futurs Parlements, auxquels s'ajouteront les ex-soldats devenus des représentants du Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP). Leur victoire ne fait guère de doute dans une élection que l'Occident et les opposants dénoncent comme une manipulation destinée à doter le régime de légitimité électorale. Car les quelque quarante partis d'opposition auront du mal à émerger des pressions et restrictions imposées par la junte. Et la plus grande menace du régime militaire, l'opposante Aung San Suu Kyi, est exclue du scrutin car en résidence surveillée. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), victorieux lors des dernières élections en 1990 sans jamais accéder au pouvoir, boycotte la prochaine consultation et a été officiellement dissous.Les candidats projunte partent donc avec une longueur d'avance. Mais tous pourraient ne pas goûter l'aventure parlementaire. Ce remaniement orchestré par Than Shwe « est une purge pacifique », assure Aung Naing Oo, selon lequel beaucoup d'entre eux « ne veulent pas partir ». La retraite de Than Shwe, lorsqu'elle interviendra, « pourrait apaiser une forme de mécontentement dans l'armée », poursuit-il. « Nous avons eu un homme et un homme seul, depuis qu'il a pris le pouvoir en 1992. Il laissera derrière lui beaucoup d'héritages malsains. Mais s'il part, nous pourrons assister à des changements d'ici à quelques années. »