« Ils ont construit cette route sur nos terres, sur les champs des paysans et nous n'avions pas le droit de l'utiliser », s'indigne Ibrahim, un villageois de Beit Sira. Mais si les Palestiniens sont soulagés de pouvoir reprendre la route 443, les conducteurs israéliens qui l'utilisent par dizaines de milliers chaque jour craignent pour leur sécurité. « Je vais continuer à rouler sur la 443 car je n'ai pas d'autre choix » à cause des restrictions de circulations sur les autres axes, confie Moshe Sasson, un chauffeur routier. « Mais je ne permettrai pas à ma femme ni à mes enfants de le faire, surtout la nuit, à cause des jets de pierres et de bouteilles incendiaires », ajoute-t-il.
Protégée par des barbelés, des murs et des clôtures, la route longe des villages palestiniens, des champs d'oliviers, des bases militaires et un centre de détention près de Ramallah. La 443 est interdite d'accès aux Palestiniens depuis le début de la seconde intifada, en 2000, alors qu'une partie de leurs terres avaient été réquisitionnées pour sa construction « dans l'intérêt du public ». Toutes les routes secondaires menant à des villages palestiniens le long de la 443 sont également barrées. L'interdiction a été justifiée par des tirs palestiniens visant des véhicules israéliens ainsi que des jets de cocktails Molotov, des attaques parfois mortelles.
En décembre 2009, la Cour suprême, saisie notamment par l'Association israélienne des droits civils (ACRI), a finalement ordonné à l'armée israélienne de lever l'interdiction. La Cour a donné cinq mois à l'armée pour lever les barrages et appliquer de nouvelles mesures de sécurité afin de contrôler la circulation des Palestiniens sur la portion de route (une quinzaine de kilomètres) qui passe en Cisjordanie. Si le terme n'a pas été utilisé par la Cour suprême, les juges ont clairement signifié leur opposition à une véritable « route de l'apartheid ». Leur décision a couronné une longue bataille juridique, les représentants de l'armée, des colons israéliens voisins et d'organisations d'extrême droite exigeant le maintien de l'interdiction.
« En principe, les Israéliens n'ont pas le droit de se rendre en Cisjordanie et d'emprunter cette route, les Palestiniens si. Or c'est le contraire qui s'est produit. L'armée a fait fi de la loi et de la morale pour permettre aux Israéliens de circuler librement et de limiter les mouvements des Palestiniens », explique un avocat de l'ACRI, Dan Yakir. Le porte-parole de l'administration militaire, le commandant Peter Lerner, assure quant à lui que l'armée « va appliquer la décision de la Cour conformément aux règles de la démocratie ». Il souligne qu'il s'agit d'un axe routier « d'importance stratégique ». C'est en effet la seule route à grande circulation entre Jérusalem et Tel-Aviv, avec l'autoroute n° 1, souvent engorgée à la sortie de la Ville sainte mais qui ne traverse que le territoire israélien.
En outre, l'armée israélienne va également ouvrir un passage près de la ville de Hébron et lever 60 autres points de blocage.Dans un communiqué, l'armée qualifie ces mesures de « gestes de bonne volonté » et précise qu'elles seront mises en œuvre « dans un avenir proche ». Les restrictions à l'entrée des touristes à Bethléem seront également assouplies, a ajouté une source militaire.
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