La mort, Suleiman Baraka l'a vécue de près, de trop près. Il était aux États-Unis où il travaillait comme professeur à Virginia Tech avec la NASA lorsqu'il a appris la mort de son fils, Ibrahim, âgé de onze ans. Ibrahim a été tué le 5 janvier 2009 par un raid israélien lors de l'offensive « Plomb durci » contre la bande de Gaza. Sa maison à Khan Younes a été complètement détruite par les bombardements et sa famille s'est retrouvée du jour au lendemain sans abri ni nourriture. « C'était très difficile pour moi émotionnellement et psychologiquement parce que je n'arrivais pas à rejoindre ma famille, alors que je savais qu'elle était en danger, dit-il. Ma maison n'était pas une base militaire. Sur le toit de mon immeuble, il n'y avait pas de lance-roquettes, mais un télescope qui permettait à mes enfants d'observer les étoiles et l'univers. »
Après la mort de son fils, Suleiman, bouleversé, décide de quitter les États-Unis et de rentrer définitivement à Gaza. « Je rêvais que ma famille me rejoigne au États-Unis. J'avais même préparé toutes les formalités nécessaires, dit-il. Mais j'ai très vite réalisé que c'est à Gaza que je serais le plus utile. Je n'ai pas besoin de travailler à la NASA ou d'obtenir un prix Nobel pour donner un sens à la vie. Je suis rentré parce que ma famille a besoin de moi et parce que c'est à partir d'ici que je veux continuer à faire partie de la communauté scientifique internationale. »
Aujourd'hui, grâce à des contacts aux États-Unis mais également en France, où il a effectué ses études, Suleiman a réussi à se procurer le matériel nécessaire pour faire découvrir aux enfants de Gaza le ciel, tel qu'il le connaît, à travers son télescope. « Pour moi, c'est un moyen d'éveiller l'imagination des enfants et d'échapper au blocus imposé par Israël, explique-t-il. Le ciel ne connaît pas de limites, et le ciel de Gaza, en dépit de tout, est magnifique avec toutes ses étoiles et ses galaxies. » Suleiman compte aussi mettre en place un observatoire et un programme d'étude en astronomie dans les universités de Gaza. Il espère également ouvrir prochainement un centre de recherche dédié à l'étude du champ magnétique de la Terre. « Bien sûr, ce n'est pas très facile de réaliser tous ces projets à partir de la bande de Gaza, reconnaît l'astrophysicien. La recherche scientifique a besoin de financement et de beaucoup de matériel, alors que les gens ici n'ont même pas suffisamment d'électricité pour éclairer leur maison la nuit ou se réchauffer en hiver. » Pas suffisant, toutefois, pour lui faire baisser les bras.
« Certains pensent que mon travail est sans intérêt pour les habitants de Gaza, mais ce que je fais est en soi un acte de résistance », insiste-t-il, avant d'ajouter: « Je veux changer l'image des Palestiniens et montrer que nous ne sommes pas des terroristes nés le kalachnikov à la main. Nous aimons lire, écouter de la musique, nous apprécions la beauté de la vie et de la science. » Comme le reste du monde.
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