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Moyen Orient et Monde - Analyse

Le Mossad a-t-il sous-estimé les Émirats en tuant Mabhouh ?

Les spécialistes divergent sur le prix diplomatique qu'Israël va devoir payer dans cette affaire.

Les services secrets israéliens ont-ils péché par excès de confiance en assassinant le 20 janvier à Dubaï un chef militaire du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh ? « Il n'y a aucune raison de penser que c'est le Mossad », a assuré hier le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, sans démentir catégoriquement l'implication d'Israël. Pourtant, pour beaucoup d'experts, il ne fait guère de doute que la mort de Mabhouh, qui jouait un rôle-clé dans l'infiltration à Gaza d'armes acquises auprès de l'Iran, porte la marque des « services » israéliens.
La question critique qui se pose vraiment, à leurs yeux, c'est : comment se fait-il que les hommes du Mossad impliqués aient pu être aussi vite démasqués ? En 1997, déjà, ce qui semblait être une opération facile pour éliminer un des dirigeants militaires du Hamas, Khaled Mechaal, avait tourné au fiasco. Deux agents du Mossad se faisant passer pour des touristes canadiens avaient tenté de l'empoisonner dans une rue de Amman. Mais ils s'étaient fait cueillir par les forces de sécurité jordaniennes. Le roi Hussein, qui avait conclu quatre ans plus tôt un accord de paix avec Israël, avait exigé de celui-ci l'antidote au poison. Pour récupérer ses agents, Israël, déjà sous la direction de Benjamin Netanyahu, avait dû concéder la libération du chef spirituel et fondateur du Hamas, cheikh Ahmad Yassine. Pour sanctionner ce ratage, Netanyahu avait obtenu la démission du chef du Mossad. Pour le Premier ministre israélien, qui est à nouveau au pouvoir, l'histoire semble bégayer.
Le silence israélien sur la mort de Mabhouh n'est plus de mise, presque un mois plus tard. La police émiratie a diffusé des images des assassins présumés, porteurs de faux passeports au nom de vrais immigrants européens en Israël. L'image cultivée de longue date voulant que le Mossad se montre plus malin que ses adversaires dans la guerre de l'ombre à l'étranger semble cette fois mise à mal.
Les agents israéliens se sont-ils fait surpasser par le contre-espionnage arabe, dont ils auraient sous-estimé les capacités ? Le débat semble désormais ouvert en Israël. Le projecteur est braqué sur Meir Dagan, un ancien général qui dirige le Mossad depuis bientôt huit ans et qui passe pour un as de la guerre secrète contre le Hamas, le Hezbollah et leur protecteur iranien. Amir Oren, chroniqueur spécialisé du quotidien libéral Haaretz, réclame sa tête en l'accusant de bellicisme et de maladresse. Il prédit en outre des moments diplomatiques difficiles avec la Grande-Bretagne, l'Irlande, la France et l'Allemagne, autant de pays dont les meurtriers présumés de Mahbouh ont utilisé de « vraix-faux » passeports. « Même si ceux qui ont manigancé l'assassinat parviennent à quelque arrangement avec ces États occidentaux ulcérés, ils doivent rendre des comptes à leurs propres citoyens », écrit Oren. Plusieurs des Israéliens d'origine européenne qui assurent que leur identité a été utilisée à leur insu ont exprimé leur crainte d'être désormais exposés à des représailles.
Les spécialistes divergent sur le prix diplomatique qu'Israël va devoir payer dans cette affaire, après avoir déjà dû batailler pour défendre le lourd bilan de son offensive de l'hiver dernier à Gaza. Mais tous conviennent que le Hamas a réussi à renverser le sort en insistant auprès de la police des Émirats pour qu'elle ouvre une enquête pour meurtre alors qu'elle avait conclu dans un premier temps que Mabhouh était décédé de mort naturelle. Les Israéliens serrent les rangs habituellement derrière le Mossad, dont la réputation d'efficacité impitoyable remonte à la traque et à l'élimination des Palestiniens qui avaient attaqué la délégation israélienne aux Jeux olympiques de Munich, en 1972. Mais, à l'époque du numérique, l'affaire Mabhouh souligne que la guerre de l'ombre se complique, avec l'omniprésence des caméras de surveillance et l'accès facilité aux données personnelles comme celles des passeports.
Les EAU ont déclaré avoir arrêté deux Palestiniens qui seraient complices de l'assassinat de Mabhouh. S'ils devaient mettre en cause Israël, la sécurité et la réputation du Mossad en pâtiraient à coup sûr. Que le Mossad ait pu être démasqué aussi vite dans cette opération a priori « de routine » pose une question plus large, aux yeux de Yossi Melman, auteur de deux ouvrages sur le service de renseignements israélien : « Est-ce que la politique israélienne d'assassinat est payante ? »

 

Dan Williams (Reuters)

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