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Liban

La force de l’indignation

C’est le plus souvent en temps de crise que la véritable nature d’une personne, sa structure mentale, sa mentalité même, émergent au grand jour. En clair, c’est en période de crise que la personne apparaît sous son vrai jour.
Encore une fois, et afin de se fonder sur un cas d’école bien précis, force est de relever que les circonstances qui ont entouré la participation des enseignants du secteur privé au mouvement de grève dont le pays est le théâtre depuis plusieurs jours ainsi que l’attitude des diverses parties concernées par ce débrayage ont braqué les feux de la rampe sur nombre de maux dont souffre malencontreusement la société libanaise.
À titre d’exemple, le comportement de certains parents d’élèves, tel que perçu sur les réseaux sociaux ou lors de la dernière réunion tenue au Collège du Sacré-Cœur par une assemblée de comités de parents, a laissé transparaître un déplorable état d’esprit en tous points moyen-âgeux, pour le moins qu’on puisse dire. « C’est nous qui payons les salaires des enseignants, ils sont obligés de reprendre les cours, qu’ils le veuillent ou pas ; ils ont suffisamment de privilèges » ; ou encore « la direction doit imposer la réouverture des écoles, un point c’est tout, sans discussion (...), et si les enseignants refusent d’obtempérer, nous leur briserons l’échine », pouvait-on lire et entendre, ici et là, ces derniers jours.
Les commentaires haineux ont atteint un tel degré d’irrationalité, pour ne pas utiliser le terme de sous-développement, qu’il devient peut-être nécessaire de rappeler que l’esclavage a été aboli dans le monde entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle ... Et ce serait à cet égard faire preuve sans doute d’une grande naïveté que d’évoquer à cette occasion un grand penseur et humaniste français décédé hier, Stéphane Hessel – auteur du célèbre ouvrage Indignez-vous ! – qui prônait sans relâche l’engagement, la solidarité, « l’indignation » constructive et active pour la défense de la dignité humaine et des droits de l’homme. Au Liban, nous sommes encore très loin, hélas un peu trop loin, d’un tel état d’esprit. Mais serait-ce quand même trop demander à certains de comprendre qu’il n’est nullement de l’intérêt des parents d’entrer en confrontation avec les enseignants et de se positionner en briseurs de grève ? Serait-ce trop leur demander de percevoir des lapalissades, certaines réalités, pourtant élémentaires, à savoir que lorsqu’un enseignant est contraint de multiplier, jusqu’au surmenage, ses heures de cours et de se disperser au plan professionnel pour subvenir aux besoins de sa famille, cela ne peut que se répercuter négativement sur le temps consacré à chaque élève et donc sur la qualité de l’enseignement; et lorsqu’un enseignant se voit contraint de renoncer à ses droits sociaux sous la pression des parents d’élèves dont il doit assurer l’éducation, cela ne peut qu’avoir, inconsciemment, un grave effet contre-productif dans la vie scolaire.
Certes, les scolarités constituent une très lourde charge pour les parents et toute hausse des salaires ne peut qu’accroître inéluctablement un tel fardeau. Là aussi, il s’agit d’une réalité qui ne saurait être occultée. La solution à cet égard est possible et accessible. Elle consiste à faire preuve d’initiative et de créativité, plutôt que de se lancer dans des épreuves de force fascisantes et, en tout cas, contraires, par ricochet, à l’intérêt des élèves. Certaines écoles de la capitale ont déjà institué une caisse de mutuelle à laquelle peuvent cotiser, sur base d’une contribution modeste, les milliers, voire les dizaines de milliers, d’anciens de l’établissement en question, de manière à assurer chaque année des centaines de bourses aux familles qui ne peuvent pas assumer toute la scolarité de leurs enfants. Le système fonctionne efficacement dans certaines écoles. Pourquoi ne pas le généraliser ? Il suffit d’un petit effort d’organisation et de gestion.
D’aucuns préconisent aussi le lancement d’un vaste mouvement revendicatif afin d’amener le gouvernement à mettre en place une forme d’aide à l’enseignement privé, puisque l’une des principales richesses du Liban réside, précisément, dans la pluralité de l’enseignement privé et religieux dont jouissent les Libanais.
L’une et l’autre de ces solutions envisageables nécessitent une condition préalable : un dialogue permanent et un climat constant de coopération constructive entre les directions des écoles, le corps enseignant et les comités de parents. Ce n’est sûrement pas en percevant les liens entre ces trois piliers sous l’angle d’un rapport de forces que l’on pourra sauver l’enseignement privé. Fort heureusement, certains directeurs et directrices d’établissements ont perçu l’importance d’une telle approche et ont, de ce fait, remarquablement bien géré la crise présente, en respectant la volonté et la liberté syndicale des enseignants. Un hommage marqué devrait leur être rendu, fut-il anonyme.
Il reste que bien au-delà de ces considérations « terre à terre » régissant le monde de l’enseignement, le mouvement de débrayage dont les établissements scolaires ont été le théâtre a mis en relief un (très) grave et déplorable phénomène social : le manque total de culture démocratique que manifestent nombre de Libanais dans leurs relations avec l’autre, l’esprit réducteur et égocentrique de leur approche des rapports sociaux.
Dans un article paru le 4 mai 2012 dans Le Monde, Stéphane Hessel mettait l’accent sur certaines valeurs nobles qui, à son sens, devraient dicter tout comportement individuel et collectif. Parmi ces valeurs, figurent la solidarité, le respect de l’autre et l’ouverture d’esprit. Dans le cas spécifique du Liban, et pour reprendre le leitmotiv cher à Stéphane Hessel, directeurs d’écoles, enseignants et parents éclairés ont tout intérêt à s’indigner en faisant front commun pour amener nombre de Libanais à s’engager enfin sur la voie constructive de la solidarité sociale et d’une véritable culture démocratique.
C’est le plus souvent en temps de crise que la véritable nature d’une personne, sa structure mentale, sa mentalité même, émergent au grand jour. En clair, c’est en période de crise que la personne apparaît sous son vrai jour. Encore une fois, et afin de se fonder sur un cas d’école bien précis, force est de relever que les circonstances qui ont entouré la participation des...

commentaires (1)

La solidarité n’a plus de sens au Liban, alors qu’un ‘’cliché’’ circulait dans l’opinion publique sur la légendaire entraide et fraternité méditerranéenne. Déjà les députés, sans aucun scrupule, osent décider pour eux-mêmes, une augmentation de revenu, sans se soucier du reste de la société qui souffre d’une crise sans précédent. En effet les parents d’élèves, malgré les charges sur leur budget, devraient montrer plus de compréhension envers les enseignants, et par idéalisme, je dirai même qu’ils fassent la grève avec eux. J’ajouterai que notre monde est impitoyable, où règne le chacun pour soi. J’y arrive, le doyen Hessel est parti, et paix sur ses cendres, (alors qu’il n’est pas ma tasse de thé), et qu’avant lui l’abbé Pierre et Coluche disait dans les mêmes termes leur solidarité avec ceux qui souffrent. J’invite tous les parents d’élèves à méditer cette phrase de Stéphane Hessel du 8 mai 2012 : ‘’La solidarité, justement, cet indispensable ciment pour que le rassemblement de plusieurs individus en société prenne corps et tienne debout, solidement.’’

Charles Fayad

14 h 53, le 28 février 2013

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Commentaires (1)

  • La solidarité n’a plus de sens au Liban, alors qu’un ‘’cliché’’ circulait dans l’opinion publique sur la légendaire entraide et fraternité méditerranéenne. Déjà les députés, sans aucun scrupule, osent décider pour eux-mêmes, une augmentation de revenu, sans se soucier du reste de la société qui souffre d’une crise sans précédent. En effet les parents d’élèves, malgré les charges sur leur budget, devraient montrer plus de compréhension envers les enseignants, et par idéalisme, je dirai même qu’ils fassent la grève avec eux. J’ajouterai que notre monde est impitoyable, où règne le chacun pour soi. J’y arrive, le doyen Hessel est parti, et paix sur ses cendres, (alors qu’il n’est pas ma tasse de thé), et qu’avant lui l’abbé Pierre et Coluche disait dans les mêmes termes leur solidarité avec ceux qui souffrent. J’invite tous les parents d’élèves à méditer cette phrase de Stéphane Hessel du 8 mai 2012 : ‘’La solidarité, justement, cet indispensable ciment pour que le rassemblement de plusieurs individus en société prenne corps et tienne debout, solidement.’’

    Charles Fayad

    14 h 53, le 28 février 2013

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