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Liban

La loi orthodoxe « signera la fin du Liban », selon le collectif chrétien mené par Boutros Harb

Une quinzaine de députés et de personnalités politiques chrétiennes réunies au domicile du député de Batroun voient dans la loi électorale dite de la rencontre orthodoxe « un projet dangereux » qui pourrait signer « la fin du Liban ».

Alain Aoun, ici entouré de Samy Gemayel et Georges Adwan, s’est retiré de la commission parlementaire.  Photo Nasser Traboulsi

L’adoption du projet de loi électorale dit orthodoxe – proposée par l’ancien député prosyrien Élie Ferzli – signerait la fin du Liban, a averti hier Boutros Harb et un groupe de personnalités réunies à son domicile, pour lesquels ce projet est un véritable « saut dans l’inconnu ». Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion, les présents ont proclamé leur attachement indéfectible à « l’unité du corps électoral pluricommunautaire » et ont refusé sa « dissociation » pour des besoins électoraux.


Assistaient à la réunion les députés Michel Pharaon, Dory Chamoun Henri Hélou, Fouad el-Saad, Antoine Saad, Nicolas Ghosn, les anciens députés Samir Frangié, Salah Honein, Élias Atallah, Jawad Boulos et Camille Ziadé, ainsi que l’ancien ministre Michel el-Khoury et Antoine Haddad. Les positions prises au cours de la réunion ont été endossées par Carlos Eddé et le député Farid Makari, qui, l’un pour raison de santé, l’autre du fait de sa présence à l’étranger, n’y ont pas assisté.


Dans le communiqué cité, les personnalités présentes ont condamné dans les termes les plus vifs un projet qui, ont-ils souligné, « porte atteinte à l’unité nationale et au système politique » libanais, et pointe en direction de « la fin du principe de la parité de représentation entre chrétiens et musulmans, et l’adoption d’un système de représentation tripartite » sunnite, chiite et chrétien.


Le communiqué souligne que le projet de loi dit orthodoxe est « dangereux ». « C’est la formule politique libanaise (...) qui a permis aux chrétiens du Liban, contrairement à tous les autres chrétiens du Machrek arabe, d’affirmer leur personnalité nationale et de préserver leur présence et leurs particularités, dans le cadre de l’unité nationale basée sur la diversité, l’ouverture et la modération », souligne le communiqué.

 

(Pour mémoire : Vague de réprobation au sein du 14 Mars contre le document orthodoxe)

Prendre la commission restreinte de vitesse
Bien qu’il l’ait poliment nié, la réunion au domicile de M. Harb avait pour but de contrebalancer celle de la commission parlementaire restreinte dont les membres étaient réunis au Parlement dans le but de s’entendre sur une nouvelle loi électorale, en remplacement de celle de 1960, jugée caduque.


Emboîtant le pas au chef de l’État, qui a franchement reproché au projet de loi d’être anticonstitutionnel, et de crainte d’être pris de court par les décisions d’une commission restreinte dont les composantes chrétiennes adhéreraient au projet de loi contesté, le communiqué a noirci à souhait le projet de loi dont l’adoption, a-t-il dit, signerait la fin du Liban.


« Le projet de la Rencontre orthodoxe pave la voie à une dérive électorale en direction de la majorité numérique », affirme le communiqué, dans la mesure où il révèlerait le poids démographique véritable de la communauté chrétienne, toutes confessions confondues, par rapport aux deux autres larges communautés sunnite et chiite.

Le tissu social déchiqueté
Le projet, accuse en outre le communiqué, « encourage l’extrémisme et abolit la modération, il déchiquète le tissu social historique du Liban, divise les chrétiens et les trie en entités confessionnelles étrangères les unes aux autres, en donnant naissance à 18 mini-États confessionnels opposés par des luttes intestines, incapables de communiquer et de coopérer (...) sans compter l’atteinte qui serait ainsi portée à la culture commune des Libanais qui a, depuis toujours, formé l’environnement propice à l’exercice de toutes les libertés d’opinion et à une démocratie qui est la raison d’être des chrétiens et a été depuis toujours au cœur de leur rôle au Liban ».


Par ailleurs, le communiqué relève que, si le projet de loi vient à être adopté, les électeurs minoritaires de chaque communauté seraient réduits au rôle de citoyens de seconde classe sur l’échiquier électoral et que ce sont leurs coreligionnaires des régions de prédominance qui décideraient pour eux.


« C’est la désintégration et la disparition à terme du Liban que l’adoption du projet de loi signerait, dans le cas où il serait adopté, a ajouté le communiqué. Ce sera la fin de l’essence philosophique, historique et sociale du Liban. »
« En outre, ajoute le texte, ce projet contredit directement la Constitution dont le préambule précise que le peuple libanais ne saurait être distingué en fonction de l’appartenance communautaire » ; préambule qui « prive de toute légitimité tout ce qui contredit le vivre-ensemble ». « Le projet contredit les dispositions de l’article 27 qui précise clairement que le député est le représentant de toute la nation », souligne enfin le communiqué qui dénonce « les illusions » de parité qu’il fait miroiter dont les avantages apparents à court terme masquent le « danger existentiel » que son adoption représenterait.


En marge de ces dénonciations, la rencontre chez M. Harb a réaffirmé l’attachement du groupe de personnalités présentes à l’organisation des élections législatives dans les délais constitutionnels.

 

(Pour mémoire : Samir Frangié : Si la loi dite « orthodoxe » passe, je lancerai un appel au boycott)

Un Sénat masqué, dit Husseini...
Un grand nombre de personnalités musulmanes du 14 Mars et du courant du Futur ont par ailleurs émis des avis hostiles au projet de loi orthodoxe. Citons, notamment, le député Mohammad Kabbara qui a vu dans le projet de loi « une incitation au fanatisme confessionnel, une violation de l’accord de Taëf et un préambule à une nouvelle guerre civile » ; Mouin Meraabi, qui y voit la partition du Liban en cantons confessionnels ; Ammar Houri, Moustapha Allouche, Mohammad Hajjar et Mohammad Kabbani, qui a réclamé la poursuite de l’application de l’accord de Taëf et l’élection d’un Sénat et enfin de M. Tammam Salam.


Pour sa part, dans une déclaration de presse, Hussein Husseini a assuré que le projet de loi pourrait être utile « pour l’élection d’un Sénat » et dénoncé la dérive d’une Chambre des députés qui s’est transformée en « Sénat masqué ».

 

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