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Liban - Liban

Comment sauver le patrimoine en temps de conflits

À l’initiative de l’ONG Biladi, une quinzaine de personnes ont pris part à « Lebanese for Lebanon », un projet dédié à la conservation du patrimoine.

La remise des diplômes aux participants.

La scène se passe dans la République de Libnania. Un attentat vient de viser le centre culturel de la minorité des Rioniens. Le ministre de la Culture s’est rendu sur les lieux. Des soldats gardent l’entrée en bloquant l’accès et, au pied d’un mur, des pièces archéologiques traînent au milieu des débris. Des trésors qu’il faut retrouver dans les décombres et ne pas laisser disparaître.


En réalité, la scène se passe dans la cour de la faculté de sciences humaines de l’Université libanaise, à Fanar, vendredi dernier. Parmi une petite foule d’étudiants, Rita et Nancy ne comprennent rien à ce qui se passe et regardent incrédules le spectacle donné par une quinzaine de personnes à gilets jaune fluo et casques de chantier rouges. Elles sont archéologues, architectes, militaires ou bénévoles humanitaires, tous sensibles à la question du patrimoine culturel libanais. Toutes ont participé, pendant douze jours, à une formation organisée par l’ONG Biladi, qui a été clôturée par une simulation grandeur nature (voir vidéo ci-dessous).

 

Comment réagir en situation d’urgence ? Comment agir efficacement et collectivement ? Le projet, nommé « Lebanese for Lebanon », visait à enseigner ce qui n’a jamais été enseigné au Liban : apprendre à préserver le patrimoine historique en cas de conflit ou d’aléas naturels.

 

Le remise de diplôme aux participants.


Il commence à pleuvoir, mais le jeu continue en Libnania. Chacun prend son rôle très à cœur et jusqu’à la fin de l’après-midi, ces adultes joueront avec un sérieux d’enfants. Tout le monde s’affaire. Il faut d’abord négocier avec l’armée et faire comprendre aux autorités que le patrimoine est une priorité en temps de crise. Puis il faut découvrir le trésor des Rioniens.

Chacun est à sa place dans la fiction élaborée par Rana Oubeissy de l’Inccrom (équivalent de l’Unesco). Il y a même de faux journalistes et un faux ministre. Cinq véritables militaires ont été mobilisés et se prennent au jeu, sautant de leur jeep pour baliser le lieu de l’explosion et refoulant les visiteurs, avec parfois un sourire. « Libnania, c’est notre pays que nous aimons », dit Rana, et alors on ne sait plus qui parle, du personnage ou de la personne.

 

(Lire aussi : Des militants antirégime appellent au respect du patrimoine de Damas)


Le pillage du musée de Bagdad en 2003 ou les pertes occasionnées en Haïti par le tremblement de terre en 2004 ont montré combien les acteurs du patrimoine étaient peu formés pour réagir à une situation d’urgence. « On devrait être plus sensibilisés. Il y a un gros travail à faire au Liban », dit Rawad, bénévole à la Croix-Rouge. « Le Liban a un patrimoine très riche, mais il est très vulnérable », continue le jeune homme qui joue ce matin le rôle d’un représentant de l’Union européenne.

Pendant la guerre de 2006, des villages historiques du Sud ont été endommagés, et à Beyrouth, c’est le personnel de la Direction générale des antiquités qui a évacué les pièces du musée national ; faute d’unité spécialisée, aucun rapport n’a jamais pu être présenté sur les dommages faits au patrimoine historique du pays. Jusqu’à l’initiative de Lebanese for Lebanon, on se contentait d’attendre la catastrophe et d’apprendre sur le tas ; et beaucoup se disent sûrement encore que s’occuper du patrimoine en temps de crise, c’est un luxe dont on pourrait se passer.

 

(Lire aussi : Le patrimoine archéologique victime de la guerre en Syrie)


« Le patrimoine n’est pas un luxe, c’est une urgence », répond Joanne Farchakh Bajjaly, qui a fondé Biladi en 2008. Son association se bat non seulement pour la préservation et la promotion du patrimoine libanais, mais aussi pour la sensibilisation des populations à leur propre héritage.

Si le ministère de la Culture a envoyé quelques-uns de ses archéologues, c’est bien la société civile qui a été le moteur de ce projet, venu combler les lacunes de l’État dans le domaine. De ce workshop naîtra la première unité de sauvetage du patrimoine, basée à Beyrouth. Le chantier de 2013 consistera à former de nouveaux groupes de travail dans d’autres villes libanaises.

 

 

Pour mémoire

Les grandes dates de l’histoire architecturale du Liban, par Gebran Yacoub

 

« Le patrimoine n’est pas forcément religieux, ni permanent, ni ancien... »


La scène se passe dans la République de Libnania. Un attentat vient de viser le centre culturel de la minorité des Rioniens. Le ministre de la Culture s’est rendu sur les lieux. Des soldats gardent l’entrée en bloquant l’accès et, au pied d’un mur, des pièces archéologiques traînent au milieu des débris. Des trésors qu’il faut retrouver dans les décombres et ne pas laisser...

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