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Liban - Éclairage

Otages libanais en Syrie : le rôle ambigu de la Turquie

Les autorités libanaises ont rempli leur devoir, à la Turquie de jouer maintenant. C’est ainsi que semble se résumer la situation après la libération jeudi soir du second et dernier otage turc enlevé par les proches des dix pèlerins chiites retenus « en hôtes » à Aazaz.


Officiellement toutefois, les autorités libanaises refusent de faire le lien entre la libération des Turcs et celle des dix pèlerins, assurant que leur rôle est de veiller à la sécurité des Libanais et des résidents étrangers au Liban. La vague d’enlèvements de Syriens et de Turcs qui a eu lieu au cours du mois précédent a constitué une faille sécuritaire et il fallait y mettre un terme, non pas pour entrer dans un bazar politique, mais pour préserver le prestige de l’État. D’ailleurs, depuis l’enlèvement des pèlerins chiites à Aazaz il y a plus de trois mois, les services libanais et en particulier la Sûreté générale suivent de près le dossier dans la plus grande discrétion. Une source sécuritaire précise à cet effet que dans ce genre d’affaire, la réaction des services ne peut pas être rapide. Ceux-ci ont besoin d’un temps pour repérer, surveiller et investiguer, avant de pouvoir agir.


S’il était clair depuis le début que le premier otage turc était aux mains des membres de la tribu des Moqdad, pour le second, c’était un peu plus compliqué. La première libération a donc eu lieu dans la foulée de la vaste opération sécuritaire menée par l’armée dans la banlieue sud. Mais la seconde a nécessité une action plus délicate, menée par la Sûreté générale dans les milieux des proches des pèlerins enlevés. Il s’agissait donc d’un mélange de négociation et de fermeté qui a finalement abouti à la libération du citoyen turc. En théorie et puisque le Liban considère qu’il n’a fait qu’accomplir son devoir, il n’attend aucune contrepartie. Il a simplement rempli ses engagements en tant qu’État et les visites successives du ministre de l’Intérieur accompagné du directeur général de la Sûreté générale en Turquie montrent qu’il ne souhaite que placer les relations avec ce pays dans le cadre étatique.


La source sécuritaire précise à ce sujet qu’en tant qu’État, la Turquie ne peut pas non plus se laisser entraîner dans un bazar ni céder au chantage que tentent d’exercer sur elle des familles ou des particuliers. Un membre de la famille de l’un des dix otages confie à ce sujet qu’il s’est rendu lui-même à Aazaz lorsque les ravisseurs des pèlerins ont autorisé la visite des médias et de certains membres des familles dans ce lieu. Il a ainsi pu constater que Aazaz dépend entièrement de la logistique en provenance de Turquie. C’est ce pays qui laisse passer les ravitaillements, les médicaments, les soins hospitaliers, les armes, les fonds et même l’essence dans cette région qui est la cible des attaques des soldats du régime d’Assad. Selon lui, si la Turquie le souhaite vraiment, elle peut donc exercer une pression efficace sur les ravisseurs en coupant la voie de ravitaillement par exemple. Pour l’instant, la Turquie affirme qu’elle est prête à aider les Libanais mais qu’elle ne peut pas intervenir directement, l’enlèvement n’ayant pas eu lieu sur son territoire et les personnes étant détenues hors du territoire turc. Les Libanais ne contestent pas ces affirmations, mais ils estiment que la Turquie peut avoir une grande influence sur les ravisseurs en raison de leur proximité géographique et de leur dépendance presque totale d’elle sur le plan logistique. Il faut simplement qu’elle décide de le faire. Le Libanais qui a fait partie de la délégation de proches des pèlerins, qui s’est réunie avec l’ambassadeur de Turquie au Liban Inan Özyildiz, affirme aussi que l’entretien a été franc et que ces questions ont été évoquées clairement par les familles, alors que l’ambassadeur a promis de faire de son mieux pour les aider.
Un spécialiste de la Turquie confie à ce sujet que l’affaire des Libanais enlevés fait l’objet d’un débat en Turquie.

 

Certaines parties la considèrent comme une priorité, d’autres non, estimant qu’il faut aussi tenir compte des alliés qui aident l’opposition syrienne, d’autant que la Turquie a pris une décision stratégique d’aider cette même opposition. De plus, les ravisseurs installés à Aazaz ont des relations directes avec des groupes libanais, à la fois politiques et religieux, comme cheikhs Salem Raféi et Bilal Dekmak, et les Turcs doivent aussi tenir compte de ces considérations. C’est pourquoi, aux responsables libanais, les autorités turques ont déclaré être prêtes à aider autant que possible à la libération des otages, mais en même temps, leur rôle s’est limité à celui de boîte postale ou de porteur de messages. Elles ne sont pas encore passées à l’action. Et lorsqu’elles sont sollicitées par les officiels libanais, les autorités turques rappellent qu’elles essaient de traiter plusieurs dossiers régionaux délicats en même temps, et forcément, dans ce cas, celui des Libanais enlevés à Aazaz prend plus de temps que prévu. Le spécialiste de la Turquie ajoute aussi que même la République islamique d’Iran serait intervenue dans ce dossier en raison du fait que les pèlerins enlevés sont chiites et qu’ils rentraient d’un voyage religieux en Iran. En principe donc, révèle le spécialiste, la marge de manœuvre de la Turquie est en train de se réduire, mais le dossier des pèlerins libanais enlevés en renferme plusieurs autres et il faut les régler l’un après l’autre dans un processus qui ressemble fort à un déminage...

Les autorités libanaises ont rempli leur devoir, à la Turquie de jouer maintenant. C’est ainsi que semble se résumer la situation après la libération jeudi soir du second et dernier otage turc enlevé par les proches des dix pèlerins chiites retenus « en hôtes » à Aazaz.
Officiellement toutefois, les autorités libanaises refusent de faire le lien entre la libération des Turcs et...

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