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Liban - Ces jeunes de la diaspora libanaise qui font parler d'eux

Chady Mattar, le Libanais qui veut rapprocher Hollywood du Moyen-Orient

Bien introduit dans le monde du 7e art américain, le jeune producteur vient de décrocher un contrat avec la « 20th Century Fox » pour un film de science-fiction dont l’histoire se déroule en Égypte.

Chady Mattar, producteur libanais à Hollywood.

Pour quelqu’un qui n’a « jamais » pensé faire du cinéma, Chady Mattar, trentenaire, affiche un parcours pour le moins exceptionnel.
Si c’est un peu par hasard que le jeune Libanais découvre le monde de la production audiovisuelle, ce n’est qu’en travaillant dur, très dur même, qu’il est finalement parvenu à se faire une place dans le cercle ultrafermé du 7e art hollywoodien.
« Tout a commencé lorsqu’un ami qui travaillait pour la chaîne saoudienne MBC m’a demandé de l’aider dans la production de la série télé portant sur les voitures Top Gear. C’était durant l’été 2001 », se rappelle Chady lors d’une entrevue téléphonique avec Lorientlejour.com. « Enfant, j’ai toujours été fasciné par le fabuleux monde du cinéma. Les films et la télévision étaient pour moi comme une escapade vers un autre monde, mais je n’ai jamais pensé à m’y lancer parce que Hollywood me paraissait comme un rêve lointain et inaccessible », poursuit le jeune homme, né au Liban. « Après mon expérience chez MBC, j’ai senti qu’une carrière en production n’était peut-être pas une si mauvaise idée, et c’est alors que j’ai décidé de faire des études de cinéma parce que je n’avais pas assez de connaissances techniques dans ce domaine. »


Sa licence en marketing et en publicité en poche, Chady se spécialise dans la production audiovisuelle à l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA), à Beyrouth. « J’ai tellement aimé cette expérience, dit-il, que j’étais déterminé à m’investir encore plus dans le domaine et compléter mes études aux États-Unis. »
Une détermination qui finit par payer puisque, en 2005, Chady Mattar devient le premier Arabe à être admis à l’American Film Institute (AFI), l’une des écoles de cinéma les plus prestigieuses de Los Angeles. Tous les trois ans, vingt-huit étudiants, issus du monde entier, sont sélectionnés pour y accomplir une formation de deux ans à Hollywood.
« Je n’y croyais pas ! confie Chady. J’étais très angoissé, par peur que les bagages culturel et éducatif que j’avais acquis à l’ALBA ne soient pas assez solides par rapport aux autres étudiants. Mais non, ce n’était pas le cas. J’ai réalisé que l’enseignement que j’avais suivi au Liban n’était en fait pas si mal que ça. »

 

 

 

Lors d'un tournage à Malibu, en Californie.

 

 


Une fois accepté à l’AFI, la vie de Chady prend un nouveau tournant. Ne faisant jamais les choses à moitié, il se consacre entièrement à ses études. « Je me suis retrouvé dans un monde qui va tellement vite, à un moment où un sentiment islamophobe et arabophobe en général était encore très palpable aux États-Unis, explique Chady. Il fallait que je redouble d’efforts pour améliorer mes connaissances, en langue anglaise surtout. Mon accent me trahissait souvent et certains de mes collègues me faisaient sentir que je n’ai pas d’avenir aux États-Unis. Il fallait donc que je lutte contre vents et marées pour être accepté, socialement du moins. »


Une lutte qui n’aura, finalement, pas été vaine puisqu’elle lui permettra de rencontrer Mark Canton, un producteur hollywoodien dont le nom est associé à des films à gros budget tels que Red Planet, 300 et Immortals. « Mark est devenu mon parrain dans le business, mon “Godfather”, comme on dit ici. Dans ce domaine, il vous faut un mentor pour être introduit dans le cercle hollywoodien », raconte Chady.


Une fois dans le cercle, le jeune Libanais travaille pendant quatre ans sur des « blockbusters » avec Mark Canton, dont 300 et Immortals, sans être payé un sou. « C’est comme ça dans ce domaine, il faut faire ses preuves avant tout... »

 

Avide de nouvelles expériences, le jeune Chady décide ensuite de retourner à l’AFI pour rechercher un stage dans une production relevant plus de la « niche », comme il aime l’appeler. « J’avais envie de travailler sur des films moins commerciaux, où le jeu tourne autour du personnage et non pas uniquement autour des effets spéciaux », explique-t-il.
C’est à ce moment-là qu’il fait la connaissance de Scott Rudin, grand producteur hollywoodien qui a travaillé sur plus de 100 films, dont The Dictator, The Social Network, Revolutionary Road, Doubt, There Will Be Blood, No Country for Old Men, The Village, etc.

Chady aura participé au développement de plusieurs de ces films, dont No Country for Old Men et The Social Network. « J’ai travaillé sur le développement des personnages et de l’histoire, dit-il. Le côté créatif m’a beaucoup plu. Je crois que c’est ça l’essence du travail d’un producteur à l’américaine, être impliqué dans le développement du film et pas seulement se limiter à la recherche de ressources financières, comme c’est le cas en Europe. »

 

 

De gauche à droite : le producteur Scott Silver, l'acteur

Elliot Gould, Chady Mattar et l'acteur Oz Perkins‏.

 


Fort de son expérience et n’ayant pas peur de prendre des risques, Chady décide quelques années plus tard de lancer sa propre compagnie de production. « J’avais envie de voler de mes propres ailes et de produire les films qui me tentaient. » 
En 2008, il s’associe avec Scott Silver, issu de la même promotion que lui à l’AFI, et lance alors Silvatar Media à Los Angeles.
Leur premier projet s’intitule Removal (2010), un film d’horreur réalisé par Nick Simon. « C’était un grand défi personnel pour moi, avoue Chady. Nous avons réussi à produire ce film alors que les États-Unis et le monde entier passaient par une crise économique très difficile. Nous avons pu collecter près de trois millions de dollars pour sa réalisation. Pour ce faire, j’ai dû appeler tous mes contacts, tous les investisseurs que je connaissais... Ce n’était pas facile du tout ! »


Une fois le défi relevé, rien ne semble plus arrêter le jeune producteur libanais. Aujourd’hui, il travaille à la réalisation de trois films à gros budget, dont une adaptation du roman Onze minutes du Brésilien Paulo Coelho, une biographie de Ferdinand Porsche, le fondateur de la fameuse marque de voiture, et, enfin, un film de science-fiction dont l’histoire se déroule sur le site des pyramides en Égypte en pleine révolution anti-Moubarak. Le film, intitulé Site 146, devrait être réalisé par le Français Alexandre Aja. Un accord a déjà été conclu avec la grande compagnie de production hollywoodienne 20th Century Fox.

 


« Plus de 50 % des effets spéciaux nécessaires pour la réalisation de Site 146 seront produits par une compagnie libanaise – Cliché VFX, affirme Chady Mattar. Le tournage a déjà commencé au Maroc début septembre. » 
« À l’origine, le tournage de Site 146 devait avoir lieu au Liban, mais le lieu a été changé à la dernière minute en raison de la situation sécuritaire dans le pays et dans la région, dit-il. Aucune compagnie d’assurances américaine ou européenne n’a accepté de couvrir la production du film au Liban, bien que ces compagnies soient connues pour avoir couvert des films tournés dans des zones beaucoup plus dangereuses, en Amérique latine notamment... » « J’avais vraiment le cœur brisé, affirme Chady. J’aime beaucoup le Liban et j’essaie toujours d’aider les Libanais autant que possible. Mon ambition est de créer un vrai pont de talents entre le Moyen-Orient et Hollywood, trouver des projets intéressants et inviter des compagnies ou des personnalités arabes ou libanaises à travailler avec moi dans la réalisation de ces projets... C’est un moyen pour moi de montrer ma gratitude envers cette région. »

 

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