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Liban - Psychanalyse

Colloque du CEP sur les rapports mères-filles, mères-fils

À l’initiative du Cercle d’études psychanalytiques de Beyrouth (CEP), un colloque ayant pour thème les relations « mères-filles, mères-fils » s’est tenu à l’Université Saint-Joseph en présence d’universitaires étrangers et d’un large auditoire attiré, certes, par le sujet abordé, mais également par la notoriété des intervenants.
Le coup d’envoi du colloque a été donné par le professeur Houria Abdelouahed, maître de conférences à l’Université Denis Diderot de Paris, psychanalyste et traductrice du poète Adonis, auteure d’un très récent ouvrage : Figures du féminin en Islam (Paris, PUF, mai 2012). Elle a abordé, au cours de ses deux interventions – s’appuyant sur la tradition islamique et sur des figures emblématiques de femmes parmi les épouses et les filles du Prophète de l’islam –, les nombreuses figures du féminin qui débouchent (à travers l’épouse-mère de son mari dans la figure de Khadija, la fille sevrée et destinée à l’immolation de Fatima, la petite rousse Aïsha, épousée à l’âge de 9 ans et devenue par la suite la mère des croyants et non des croyantes, femme ultrasavante conduisant les hommes au combat par milliers) sur toutes ces figures présentant la femme dévouée à la personne et à la cause du mari, la fille toute au service de l’expansion missionnaire de son père devenant ainsi la mère de son père et, enfin, la femme « déserotisée » qui n’aura pas d’enfants pour servir de parangon maternel absolu.

L’emprise maternelle sur la fille
Mme Françoise Couchard, professeur émérite à l’Université Paris X et psychanalyste membre de l’Association psychanalytique de France, auteure de plusieurs ouvrages, dont le très célèbre Emprises et violences maternelles (Paris, Dunod 1991), a entretenu d’abord l’auditoire de « l’emprise maternelle sur la fille à travers le masochisme et le terrorisme de la souffrance », puis dans un second temps, elle a abordé « les secrets transmis par les mères aux filles sur la sexualité et leurs fonctions ». La souffrance vécue par la mère pour diverses raisons, à travers sa vie, et vécue sur un mode masochiste, est souvent transmise à la fille qui la transforme en un ensemble de comportements victimaires.
Prenant appui sur certains points de vue théoriques de Sandor Ferenczi, notamment son fameux article « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant », Mme Couchard a mis l’accent sur l’effet de séduction de l’adulte sur l’enfant sur le plan de la sexualité, mais aussi sur le fardeau et le poids excessif de la souffrance dont on le rend témoin, l’amenant ainsi à intérioriser ces schémas et à verser dans un dolorisme destructeur. La fille se construit alors une image d’elle-même fortement dévalorisée. Il faut craindre que la femme ne finisse par imposer ce terrorisme de la souffrance à l’homme comme elle l’a imposé à sa fille.
Abordant ensuite le problème des secrets transmis par les mères sur le plan de la sexualité, le Pr Couchard a exposé un très large rappel historique de cette question depuis l’Antiquité pour retenir ce que les mères, depuis toujours, transmettaient de leur expérience, comme de leur ignorance, le modèle idéalisé de la fille : la virginité, le secret et le silence, et combien elles ont toujours voulu soumettre leurs filles à un modèle féminin stéréotypé et consacré par la contrainte sociale. Certes, les temps ont changé ; on n’en est plus, du moins la chose est unanimement réprouvée, à l’infibulation ou à l’excision des filles. Mais les conceptions anciennes hantent toujours l’univers imaginaire des mères, et c’est bien cela qu’elles continuent à transmettre, directement ou indirectement, à leurs filles. L’auteure ajoute : « Au moment de terminer ce texte, nous lisons dans un quotidien cette information aberrante : en Norvège, dans une crèche, on a décidé de ne plus désigner les enfants par les pronoms “il” ou “elle”, mais tous le sont par un pronom neutre au nom de la liberté, pour l’enfant, d’échapper aux stéréotypes que porte le genre, et pour lui permettre plus tard de choisir son appartenance sexuelle, mâle, femelle ou... transgenre ! »

La maternité comme sublimation
Le professeur Sophie de Mijolla-Mellor, psychanalyste, membre du Quatrième groupe, professeur à l’Université Denis Diderot de Paris et directrice de l’une de ses écoles doctorales, a traité le problème épineux de « La maternité comme sublimation ». Il s’agit là d’un thème central dans la réflexion de l’auteure auquel elle a consacré déjà de nombreux ouvrages et pour lequel elle met au point un véritable traité. La mère revit, par l’expérience de la maternité, sa propre enfance, avec toutes ses vicissitudes et ses aléas ; ce qui la porte à effectuer en elle une véritable réélaboration pulsionnelle qui est autre qu’un refoulement des pulsions sexuelles et agressives, une véritable sublimation, une négociation avec son narcissisme et ses désirs. Ce qu’elle doit dépasser, pour ainsi dire, c’est le fait que le couple accepte de ne plus jamais être seul et qu’elle sublime ses fantasmes infanticides lui faisant percevoir l’enfant comme persécuteur ou comme menace. Sublimer donc le pulsionnel narcissique, comme l’incestuel ou tout ce qui peut compromettre la relation mère-enfant. En somme, le processus sublimatoire a pour fonction d’empêcher l’amour maternel de devenir destructeur. C’est à ce prix que peut s’instaurer la tendresse, et l’amour maternel sublimé en tendresse repose, comme l’amour en général, sur la reconnaissance de l’altérité de l’autre et l’investissement de son devenir.

La relation mère-fils
À ces considérations pertinentes dues à la réflexion et à l’expérience de collègues vivant et opérant en Occident, vint s’ajouter l’analyse de la relation mère-fils dans notre culture orientale arabo-musulmane. Le professeur Mounir Chamoun, fondateur du CEP, a tracé d’abord le profil de la mère traditionnelle dans les pays d’Orient, marginalisée dans la vie sociale et politique mais relativement souveraine à l’intérieur de son foyer. Son emprise sur son fils aîné en particulier, devenu pour elle une sorte de substitut du mari qui lui échappe ou qui la frustre, de même que ses comportements intrusifs dans la vie des différents membres de sa famille, ne sont que des conduites compensatoires de sa vie affective et sexuelle déçue et de sa revanche sur l’ensemble du masculin. Ce par quoi elle transmet à ses enfants, et à ses filles en particulier, une image déformée ou nettement négative de l’homme en général et du mariage comme destin redoutable pour la femme.
Mme Sandra Khawam, psychologue clinicienne et psychothérapeute, jeune mère de trois garçons de 14 à 19 ans, a fourni un témoignage par lequel elle a montré comment, dans une nouvelle perspective éducative, une mère, aujourd’hui, peut introduire ses garçons, progressivement, dans le respect des autres et dans une démarche intériorisée, faite d’aptitude au dialogue et d’entrée véritable dans un processus civilisateur, tant personnel que collectif et social.
L’auditoire, soumis comme d’habitude à un bref sondage pour le choix du thème de la journée d’étude pour 2013, a opté pour le sujet : « Le virtuel et nous : rêver, fantasmer, virtualiser », qui sera principalement traité par le professeur Serge Tisseron et d’autres collègues psychanalystes, le samedi 11 mai 2013.
À l’initiative du Cercle d’études psychanalytiques de Beyrouth (CEP), un colloque ayant pour thème les relations « mères-filles, mères-fils » s’est tenu à l’Université Saint-Joseph en présence d’universitaires étrangers et d’un large auditoire attiré, certes, par le sujet abordé, mais également par la notoriété des intervenants. Le coup d’envoi du colloque a été...

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