Chaque jour qui passe entraîne un peu plus le Liban dans la tourmente sur fond de pourrissement généralisé. De Tripoli à Beyrouth, en passant par le Akkar, la tension ne cesse de monter en dépit des déclarations apaisantes qui se font entendre çà et là.
Pour le 8 Mars, le complot évoqué depuis des mois est en train de prendre forme et de se concrétiser, et il a essentiellement deux objectifs : faire du nord du pays une zone de libre circulation pour l’opposition syrienne, loin de tout contrôle étatique, et notamment loin des yeux de l’armée libanaise en principe déployée à la frontière, ensuite provoquer une discorde entre sunnites et chiites pour affaiblir et discréditer le Hezbollah, ennemi d’Israël et allié du régime syrien.
L’arraisonnement par l’armée libanaise du navire Loutfallah 2 avec son chargement d’armes et de munitions, sur la base d’informations fournies par les Russes, qui ont installé une station de surveillance sur la côte syrienne, a accéléré le processus, selon le 8 Mars, surtout à la suite de l’arrestation par la Sûreté générale du réseau présumé d’el-Qaëda dont serait membre Chadi Mawlaoui. Au début des événements, le 8 Mars a un instant cru qu’il s’agissait d’une réaction spontanée à la suite de cette arrestation, en raison de la mobilisation de nombreux Tripolitains en faveur de l’opposition syrienne. Toutefois, il est rapidement apparu qu’il ne s’agissait pas d’un incident de parcours, mais bien d’une étape dans un plan parfaitement mis au point visant à discréditer les unes après les autres les institutions étatiques.
Le plan, toujours selon le 8 Mars, s’est toutefois heurté à Tripoli à la présence de groupes au sein de la ville hostiles à ce projet, et proches à la fois du régime syrien et du 8 Mars en général. C’est alors qu’a commencé la seconde étape qui visait à faire basculer le Akkar dans le giron de l’opposition syrienne et de ses alliés libanais pour revenir ensuite en force à Tripoli. Ne voulant pas là non plus laisser la scène libre à ces groupes, le PSNS a choisi d’organiser un meeting à Halba pour commémorer la tuerie qui avait eu lieu en mai 2008. Le rassemblement s’est déroulé dans le calme, mais l’initiative n’a pas plu à tout le monde, et les groupes proches de l’opposition syrienne ont choisi d’en organiser un à leur tour. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu une friction entre le convoi de cheikh Abdelwahed et le barrage de l’armée libanaise. L’enquête est en cours, mais il semblerait, selon le 8 Mars, que le convoi ayant refusé de s’arrêter aux injonctions des soldats en poste au barrage, ceux-ci ont tiré en l’air, les gardes du corps du cheikh ont riposté et la suite est connue, hélas, provoquant la mort du cheikh et d’un de ses compagnons.
Aussitôt une vague de colère a balayé le Nord et des voix extrémistes ont voulu exploiter la catastrophe sur le plan confessionnel. Toutefois, il est apparu que les militaires en poste à ce barrage appartiennent à trois communautés : sunnite, alaouite et chrétienne. Plutôt que de personnaliser les revendications, les extrémistes ont alors réclamé le retrait de l’armée du Nord et la démission du général Kahwaji.
Pour bien marquer le poids de ces revendications, le courant du Futur a voulu étendre les protestations à Tarik Jdidé à Beyrouth, dans ce qui ressemble à un test du terrain. C’est là qu’il s’est heurté au parti du Courant arabe mené par Chaker Berjaoui, qui a commencé sa carrière milicienne aux côtés des Mourabitoun lorsqu’ils étaient contre les soldats syriens, avant de se rapprocher du courant du Futur puis de se retourner contre lui après la guerre de 2006.
Les combats ont eu lieu autour de la permanence de Berjaoui dans laquelle se trouvaient 12 personnes, dont lui. Bilan des combats qui se sont poursuivis jusqu’à l’aube de lundi : 2 morts des partisans de Berjaoui et 18 blessés, alors que le chef du parti a été évacué in extremis par ses alliés des Mourabitoun.
Là aussi, donc, le courant du Futur et ses alliés se sont heurtés à des groupes appartenant à la même communauté qui refusent leurs options.
Le 8 Mars est convaincu que le plan initial visait à entraîner le Hezbollah et Amal, ou en tout cas les chiites, dans la confrontation pour alimenter et concrétiser la discorde entre les sunnites et les chiites, mais ce sont des sunnites qui se sont battus entre eux.
S’il y a donc des conclusions à tirer des derniers événements, elles se résument aux yeux du 8 Mars à trois : le Hezbollah et le 8 Mars ne comptent pas se laisser entraîner dans un affrontement avec les sunnites. Ni les provocations verbales ni la fermeture des routes, notamment celles du Sud et de la Békaa vitales pour la résistance, ne le pousseront à modifier son attitude.
Deuxième conclusion : il est désormais clair pour le 8 Mars que toutes les parties internes (sans parler de l’opposition syrienne au Nord et dans la Békaa) possèdent des armes, et à Tarik Jdidé, les partisans du courant du Futur ont utilisé des roquettes B7, les dégâts à la permanence de Berjaoui le montrent clairement. De même, le courant du Futur et ses alliés se sont comportés, ajoute le 8 Mars, comme des formations totalitaires refusant la diversité et l’existence d’une force sunnite qui ne partage pas leur point de vue.
Enfin, lorsque l’armée avait tiré sur des manifestants désarmés proches du Hezbollah et d’Amal qui protestaient contre l’absence de courant électrique dans leur quartier, faisant huit morts parmi eux à Mar Mikhaël, les deux formations s’étaient empressées de multiplier les appels au calme et d’empêcher les habitants chiites du quartier de réagir, alors que de nombreux députés du courant du Futur préfèrent utiliser un discours confessionnel et inciter à la discorde...
Et maintenant, faut-il prévoir des crises régulières du même type ?
Les sources du 8 Mars estiment que cela dépend de deux facteurs, l’un interne et l’autre externe.
Concernant le premier, les responsables du courant du Futur et leurs alliés devraient choisir : soit ils mettent un bémol à leur discours incitateur à la discorde, aboutissant ainsi à un apaisement sur le terrain, soit ils continuent à mobiliser leurs partisans en jouant sur la fibre confessionnelle, auquel cas ils se heurteront forcément à ceux qui rejettent leur plan et qui sont présents dans toutes les régions du Liban.
Le facteur externe, lui, est lié aux développements dans la crise syrienne et dans le contentieux entre l’Iran et le groupe des pays Cinq plus 1. Si, comme le croient de nombreux spécialistes, la tendance est au final à trouver un compromis, puisqu’aucune partie ne peut mener une guerre à l’heure actuelle, chaque camp cherche à renforcer ses cartes en vue d’une négociation. Et le Liban reste le terrain favori dans ce genre de situation.
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commentaires (6)
Aïe,aïe,aïe....Scarlett...c'est peut-être un peu plus compliqué que çà,non?Parceque là,et comme je le disais hier,c'est un peu beaucoup les gentils d'un côté et les méchants de l'autre,non?Là,on est en plein dans la réthorique des saints...la situation mérite mieux qu'une analyse en noir noir et blanc blanc...même si certains faits évoqués sont exacts,et d'autres,celui de Mar Mikhael par exemple, tronqués(et c'est le moins qu'on puisse dire)!
GEDEON Christian
03 h 50, le 22 mai 2012