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Liban - Communauté

Raï à Baalbeck : un accueil multiconfessionnel, pour des « constantes » politiques unifiées

La visite du patriarche à Baalbeck-Deir el-Ahmar est doublement significative : c’est la première fois qu’un patriarche maronite visite la région ; l’accueil que lui ont réservé Amal et le Hezbollah, les partis forts du caza, font écho à ses déclarations (très controversées) en leur faveur.

Le représentant du guide suprême de la révolution iranienne, cheikh Mohammad Yazbeck, confirmant avec le patriarche l’entente bilatérale sur « les constantes nationales ». Photo Wissam Ismail


La vallée de la Békaa-Nord, inondée d’un soleil aride, qui accentue la simplicité de ses maisons disparates et de ses vastes champs mal exploités, a accueilli en fin de semaine le patriarche maronite Mgr Béchara Raï. Il achevait hier la deuxième partie de sa visite (entamée le 14 août passé), à l’évêché de Baalbeck-Deir el-Ahmar. À l’entrée de chaque village, des banderoles accueillent avec « joie » le patriarche, louant « ses prises de position patriotiques », « sa loyauté à la résistance », ou tout simplement son appel à « la charité et la communion », devenu le slogan propre à Mgr Raï, et qu’il n’a pas manqué d’adapter à sa visite, programmée sous le titre « Viens et regarde ». Venir regarder le caza de Baalbeck, c’est pouvoir ressentir, dans le paysage d’une terre vierge, toute l’histoire de communautés qui s’entremêlent et résistent, chacune, pour la survie de la coexistence. C’est aussi cerner la spécificité de la présence chrétienne, nettement transie par la guerre civile, et aujourd’hui menacée par la précarité d’une économie qui dissuade les jeunes de s’y investir. Dans ce contexte, la visite du patriarche, qualifiée d’« historique », comme étant une première pour un patriarche maronite, aura permis de véhiculer deux messages : celui de la coexistence et de l’union dans la foi, qui s’est joint à un appel, pour les chrétiens surtout, à ne pas céder leurs terrains.

Une visite politique... sous couvert de coexistence ?
« Chacun de nous puise dans sa religion, sa foi et son entendement toutes les valeurs spirituelles, humaines, sociales et patriotiques. Nous croyons, au sein du siège patriarcal, que Dieu veut que nous construisions une société à son image », a déclaré le patriarche à Hadath Baalbeck, où il a commencé sa tournée avant-hier, accueilli sous des lancements de riz et de pétales de roses. « Ces régions sont notre rempart, celui de notre unité », a-t-il ensuite déclaré à Majdaloun, reçu sous les tintements de cloche qui épousaient les appels des muezzins. À Taybé, village natal de l’imam Moussa Sadr, le patriarche a rappelé que « c’est par l’entente islamo-chrétienne que ce pays est né et nous n’oublierons jamais l’image de l’imam Sadr évoquant le Liban, devant un autel surplombé d’une croix ». Le patriarche a alors été applaudi par plusieurs figures politiques présentes, notamment le vice-président du bureau politique de Amal Hassan Masri, le député Ghazi Zeaiter et l’ancien ministre Ali Abdallah. D’autres représentants de partis chiites, à savoir le Hezbollah, se sont mobilisés pour l’accueillir, comme le parlementaire Hussein Moussawi, chef du bloc des députés de Baalbeck, et le ministre de l’Agriculture Hussein Hajj Hassan, qui l’ont accueilli respectivement à Sariin et Talia. Ces villages, tout comme Iaat et Dourès où le patriarche a clôturé sa tournée avant-hier, sont marqués par un mélange confessionnel, même si, avant la guerre, la présence chrétienne y prédominait. Si le patriarche a quelque peu redynamisé la présence des chrétiens qui continuent à faire entendre leur voix dans ces villages, surtout lors des élections municipales, sa visite s’est imprégnée de la marque du Hezbollah et du Amal. L’accueil qu’ils lui ont réservé, sous l’égide de la coexistence, était également une gratitude déclarée pour ses récentes prises de position en faveur de la résistance.

Raï-Yazbeck
Rappelons que la forte controverse entourant les déclarations du patriarche à Paris a été reçue par des explications de celui-ci, selon lesquelles ses propos auraient été tronqués par les médias. Dans ce cadre, sa tournée dans la Békaa a été marquée par deux étapes-clés, parrainées par la présence du représentant du guide suprême de la révolution iranienne cheikh Mohammad Yazbeck. D’abord, le dîner que ce dernier a organisé avant-hier à Baalbeck en l’honneur du patriarche a été l’occasion pour Mgr Raï d’affirmer que « ce que nous avons exprimé lors de notre tournée en France, sur les craintes qui nous préoccupent, nous l’exprimerons de nouveau et en tous lieux, parce que ces craintes sont motivées par ce qui se passe dans le monde arabe, notamment en Irak et en Égypte ». Toujours au cours du même dîner, le patriarche s’est désolé de certaines atteintes par les médias à « la confiance mutuelle qui nous est nécessaire. Or, nous ne pouvons déclencher une grande guerre à partir d’un mot dans un journal ou une radio que nous prenons sur parole. Nous ne pouvons continuer ainsi, et c’est par un cœur brisé que je le dis ». Appelant les pôles politiques à la reprise du dialogue, Mgr Raï a estimé que « nous en sommes arrivés là parce que, au lieu de nous asseoir courageusement à la table de dialogue, nous avons préféré communiquer à travers les médias, derrière lesquels nous nous réfugions ». De plus, le patriarche a renchéri dans ce sens lors du déjeuner organisé hier, également en présence du cheikh Yazbeck, cette fois à Ras-Baalbeck, grand village exclusivement catholique à la frontière avec la Syrie. À cette occasion, le représentant du guide suprême a adopté « les positions déclarées du patriarche, qui fondent l’unité, l’indépendance et la souveraineté du Liban ». De son côté, le patriarche maronite a appuyé « les constantes nationales » exprimées par cheikh Yazbeck et a appelé à en faire un pacte national. Parmi ces constantes, « la résistance (du Hezbollah) qui perpétue sa lutte pour la souveraineté du Liban », ainsi que le dialogue national et la stratégie de défense « en tant que fondements de l’État fort », selon les propos de cheikh Yazbeck. Et Mgr Raï d’ajouter, dans une allusion à peine voilée à ses précédentes déclarations sur la protection des minorités en Syrie : « Tout homme a le droit de vivre dans le respect des libertés publiques (...) et a le droit de réclamer des réformes, mais ce que nous craignons est le passage de régimes de type autoritaire à d’autres qui le sont encore plus. » Une confirmation implicite de ses déclarations tenues à Paris ? Sans vouloir trancher sur ce point, un membre du conseil municipal d’un village, inclus dans la tournée du patriarche, fait part d’un incident qui traduirait le caractère étroitement politique de l’accueil réservé par le Hezbollah. Le président du conseil municipal, dont il fait partie, aurait fait devant le conseil une lecture du discours qu’il a préparé pour accueillir le patriarche. Toutefois, c’est un discours différent qu’il a fini par prononcer en public, amendé de sorte à valoriser les idées de résistance et les propos tenus par le patriarche en faveur du Hezbollah... Le Hezb aurait donc imposé au président de la municipalité le contenu de son discours, trahissant ainsi les enjeux de la visite patriarcale, selon le conseiller municipal en question.

Images de piété
Cette visite aura toutefois été « excellente », selon des sources épiscopales. Certes, ce sont les images d’une excellente coexistence et d’une profonde piété qui ont transparu dans la tournée du patriarche, en dépit des enjeux politiques : une femme septuagénaire, assise sur un siège spécialement aménagé pour elle dans l’enceinte du couvent de la Vierge miraculeuse à Ras-Baalbeck, écoute, à travers les barreaux d’une fenêtre, le prêche de Mgr Raï devant l’église. Les chrétiens du Kaa, meurtris par les massacres de la guerre, évoquent l’espoir de retourner à leur village, alors que le patriarche conclut sa tournée chez eux, après son passage dans la région mixte de Hermel. Le petit village chiite de Jabboula, à quelques kilomètres de Deir el-Ahmar, fait parader des chevaux et égorger des moutons, sous les youyous des femmes voilées, enthousiastes de voir le patriarche, d’autant que tous leurs enfants vont à l’école des sœurs du Bon service à moins d’un kilomètre du village. Le curé du village catholique de Jdeideh-Fakiha communique les doléances des habitants au patriarche maronite, derrière l’autel de l’église paroissiale.
La vallée de la Békaa-Nord, inondée d’un soleil aride, qui accentue la simplicité de ses maisons disparates et de ses vastes champs mal exploités, a accueilli en fin de semaine le patriarche maronite Mgr Béchara Raï. Il achevait hier la deuxième partie de sa visite (entamée le 14 août passé), à l’évêché de Baalbeck-Deir el-Ahmar. À l’entrée de chaque village, des banderoles...

commentaires (2)

Sa mission est semée d'entraves. Que Dieu lui vienne en aide. Mais, mon Patriarche, essayez d'avoir l'aval de tous les Chrétiens, pour parler au nom de tous s.v.p. Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

06 h 31, le 19 septembre 2011

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Commentaires (2)

  • Sa mission est semée d'entraves. Que Dieu lui vienne en aide. Mais, mon Patriarche, essayez d'avoir l'aval de tous les Chrétiens, pour parler au nom de tous s.v.p. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    06 h 31, le 19 septembre 2011

  • On ne peut que féliciter le patriarche Raï pour sa visite à la Bekaa au nom de la coexistence et la profonde piété qui sont deux constantes essentielles qui doivent toujours lier touts les libanais dans cet oasis de religions diverses et dans un Liban toujours unique en son genre. Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    03 h 51, le 19 septembre 2011

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