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Liban - État de droit

Constructions illégales : deux morts à Tyr dans des affrontements avec les FSI, débordements verbaux et agressions à Ouzaï

L'opération démantèlement des violations contre les biens domaniaux a pris hier un tournant dramatique, notamment à Tyr, où l'intervention des forces de l'ordre agressées par les contrevenants s'est conclue par la mort de deux personnes, un Libanais et un Palestinien. À Ouzaï, ce sont les journalistes surtout qui ont subi manu militari la foudre des contrevenants qui ont également proféré des menaces
parlant même de « commettre un massacre ».

Les constructions illégales fleurissent à Ouzaï... Now Lebanon

Qui de la république ou des contrevenants aura gain de cause ? S'il est difficile de répondre pour l'instant à cette question vitale pour l'avenir de l'État de droit, il n'en reste par moins que le bras de fer entre les forces de l'ordre et les propriétaires des chantiers illégaux ne fait que commencer. Lancée il y a quelques jours sur une décision du Conseil central de sécurité, la campagne visant à réprimer les atteintes aux biens domaniaux et communaux avait été très mal accueillie par les transgresseurs. Déterminés à protéger leurs chantiers illégaux, ces derniers avaient exprimé parfois violemment leur refus d'obtempérer aux directives des forces de l'ordre qu'ils continuent d'affronter par tous les moyens, y compris la force.
Après un premier face-à-face musclé qui avait eu lieu avec les forces d'intervention mardi dernier faisant quatre blessés, la tension, hier, est montée d'un cran à Tyr qui, en l'espace de quelques heures, s'est transformée en un véritable champ de bataille. Selon un témoin sur place, l'intervention des forces de l'ordre était prévue, mais elle devait seulement concerner les nouvelles constructions illégales, qui en sont encore à leur début, et non celles dont les travaux sont à un stade avancé.
Intervenant sur l'un des chantiers illégaux pour faire cesser les travaux, les Forces de sécurité intérieure, secondées par l'armée, ont dû « tirer en l'air », pour disperser les manifestants. Deux personnes ont été tuées des suites de ces tirs, et deux autres blessées. L'incident tragique, dont on ignore encore les circonstances, a déclenché une fureur collective que la troupe et les FSI ont eu du mal à calmer.
Trois chars appartenant aux FSI ont été incendiés sur place par les protestataires qui s'étaient auparavant rassemblés en grand nombre pour faire front aux forces de sécurité. Les manifestants ont ensuite traîné un véhicule jusqu'à la route principale menant à la ville, coupant la circulation à l'aide de pneus. Il a fallu quelques minutes pour que le mouvement de protestation s'étende à plusieurs quartiers de Tyr, dont les ruelles ont été également paralysées.
Selon la version publiée par les FSI, ces dernières ont effectivement tiré en l'air, mais seulement en réponse à des tirs nourris en provenance des quartiers environnants, qui ont ciblé les unités des FSI.
« Une unité des FSI, secondée par des éléments de l'armée, est intervenue pour réprimer les empiètements sur les biens domaniaux dans les quartiers populaires de Tyr. Un groupe de jeunes, qui s'est rassemblé sur les lieux pour les empêcher d'accomplir leur mission, ont attaqué les forces de l'ordre à coups de pierre. En même temps, la force d'intervention a essuyé des tirs qui provenaient des quartiers voisins, ce qui a contraint les forces de l'ordre à tirer en l'air pour disperser les manifestants et les empêcher de s'approcher des unités déployées sur les lieux. »
Une enquête conjointe entre les FSI et l'armée a été ouverte pour mettre au clair les circonstances de l'incident. « L'enquête sera supervisée par la justice militaire », a encore précisé le communiqué des FSI.
Sitôt après l'incident, une réunion urgente s'est tenue à la caserne militaire de Tyr pour faire le point sur ce qui s'est passé. Elle a regroupé le directeur des services de renseignements militaires, le général Ali Chahrour, et plusieurs autres responsables de l'armée ainsi qu'un membre du commandement d'Amal, Mohammad Zaraët, et un autre du Hezbollah, Jihad Cherri. Une autre réunion s'était tenue auparavant en la présence des responsables de l'armée, des FSI, des représentants des partis et des municipalités pour envisager une solution à ces contraventions flagrantes et inacceptables des biens domaniaux. Il est difficile de savoir comment s'est conclue la journée tumultueuse de Tyr, aucune information n'ayant pu être obtenue pour vérifier si le chantier illégal visé a pu être démantelé.

Les journalistes attaqués à coups de gourdins
Le même scénario, moins les victimes, s'est réitéré en cours de journée à Ouzaï, où les habitants ont également empêché une patrouille de la police d'approcher un chantier où se construisait illégalement un hangar en fer blanc et en dur destiné à un commerce. Selon l'équipe de la LBC qui se trouvait sur les lieux, les propriétaires du chantier ont fait part de leur résolution à poursuivre les travaux, invoquant la crise sociale et les conditions de vie difficiles. Les personnes interrogées ont indiqué que « l'intervention des forces de l'ordre est venue un peu tardivement, plusieurs constructions illégales ayant déjà été achevées ».
C'est l'équipe de la LBC qui a subi cette fois-ci le courroux des protestataires qui ont encerclé la journaliste dépêchée sur place et les techniciens, alors que les FSI tentaient de les protéger et de les évacuer du quartier. La correspondante de la chaîne a précisé que des injures ont été lancées contre son équipe accusée de faire de la provocation médiatique. « Nous avons été empêchés de filmer et notre véhicule a été attaqué à coups de pierres et de bâtons », a-t-elle témoigné. Les FSI ont été encerclés à leur tour dans leur véhicule que les protestataires ont réussi à immobiliser pour les empêcher de transporter une des personnes arrêtées. Les gendarmes on dû libérer ces derniers sous la pression menaçante de la foule.
Le spectacle sur les lieux n'était pas moins désolant que celui de Tyr, puisque les protestataires ont même été jusqu'à empêcher la pelleteuse d'avancer en usant des enfants et des femmes comme boucliers humains. Cette nouvelle démonstration de force s'est toutefois conclue par « la victoire » des forces de l'ordre qui ont finalement réussi à démolir le chantier.

Le Hezbollah et Amal condamnent et « lèvent leur couverture »
Le foisonnement constaté depuis quelque temps des constructions illégales, mais aussi le timing de la décision, inopinée, d'y mettre fin, suscitent de multiples questions auxquelles les réponses ne sont pas aussi simples, dans un pays où n'importe quel sujet prend systématiquement une dimension politique épousant les clivages en présence. Certes, la plupart des empiètements ont lieu dans des régions dont l'allégeance va principalement au Hezbollah. Mais il serait risqué pour le moment d'en déduire que le parti chiite a assuré une couverture aux auteurs des violations, d'autant qu'il a, dernièrement, déjà exprimé son franc soutien aux forces de l'ordre et à l'application de la loi, soutien qu'il a réitéré hier officiellement.
En effet la fédération des municipalités de la banlieue sud a tenu une réunion à laquelle ont notamment pris part de hauts responsables du mouvement Amal et du Hezbollah, en présence du député Ali Ammar, ainsi que du président de la fédération et des présidents des municipalités de la région.
Dans un communiqué, les participants ont unanimement condamné toute atteinte au domaine public et stigmatisé les empiètements sur des biens publics et privés constatés notamment dans les parages de l'aéroport de Beyrouth. Après avoir assuré qu'aucune couverture politique ne sera garantie aux contrevenants sous aucune circonstance, ils ont invité les forces de l'ordre « à assumer leur devoir en mettant un terme aux irrégularités par les moyens légaux ». Ils ont en outre affirmé que les « portes de la banlieue sud sont toujours ouvertes aux institutions officielles, notamment sécuritaires, afin qu'elles puissent s'acquitter de leurs tâches (...) et préserver la sécurité sociale tout en assurant l'application de la loi et des règlements en vigueur ».
De son côté, le ministre des Travaux publics sortant, Ghazi Aridi, qui a insisté sur le danger que peuvent causer les constructions illégales dans le périmètre de l'aéroport, a assuré qu' « il n'est pas permis de faire preuve de laxisme au niveau de ce dossier qui dépasse le simple fait d'un empiètement sur des terrains domaniaux pour constituer une menace permanente sur la vie des gens en matière de sécurité aérienne ». À noter que le ministre a effectué des contacts avec le chef de l'État, Michel Sleiman, le président du Parlement, Nabih Berry, le ministre de l'Intérieur sortant, Ziyad Baroud, et les hauts responsables d'Amal et du Hezbollah, pour les inciter à intervenir le plus rapidement possible pour mettre un terme aux constructions illégales dans les environs de l'AIB.

Un timing douteux ?
Mais encore, pourquoi avoir décidé de réprimer aujourd'hui et non pas hier ? Selon une source proche du ministère de l'Intérieur, la situation a commencé à empirer dès qu'il y a eu vacance au pouvoir. Selon la source, « la multiplication des empiètements a été notable depuis qu'il n'y a plus de gouvernement, sachant qu'avant cette date, la situation était relativement contrôlée, plusieurs empiètements ayant été sanctionnés dans la banlieue sud notamment ». Priée d'expliquer le timing de la campagne que certains considèrent comme inopinée malgré son bien-fondé, la source a indiqué que la décision a été prise par le conseil central de sécurité il y a cinq jours, soulignant qu'elle a été motivée par l'exacerbation des empiètements au cours des dernières semaines. Et de laisser entendre que ce sont plutôt les réactions violentes des habitants concernés contre les forces de l'ordre qui sont douteuses. « Nous en avons assez de voir les FSI et l'armée subir à chaque fois des attaques et les autorités, des reproches, alors qu'elles tentent de faire appliquer la loi », s'est indignée la source.
Une source sécuritaire informée croit savoir pour sa part que le timing de l'explosion des constructions illégales, « très patentes depuis trois mois, n'est pas une simple coïncidence ». La source tient cependant à signaler que les derniers empiètements, qui sont évalués à près de 3 000 (un chiffre qui n'a pas été vérifié), « se trouvent principalement dans les régions contrôlées par Amal, et non par le Hezbollah comme le pensent certains ». Selon la source, il est très difficile de croire que ces débordements ont pu avoir lieu « sans avoir reçu un aval politique ».
Qui de la république ou des contrevenants aura gain de cause ? S'il est difficile de répondre pour l'instant à cette question vitale pour l'avenir de l'État de droit, il n'en reste par moins que le bras de fer entre les forces de l'ordre et les propriétaires des chantiers illégaux ne fait que commencer. Lancée il y a quelques jours sur une décision du Conseil central de sécurité, la...

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