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Liban - Fronde

Les forces spéciales lancent l’assaut à la prison de Roumieh après la reprise de la mutinerie

Les forces de l'ordre ont donné hier soir l'assaut à la prison de Roumieh après l'échec des discussions engagées depuis plusieurs jours afin de mettre un terme pacifiquement à la mutinerie lancée par les détenus.

La brigade antiémeute des FSI en action hier devant la prison de Roumieh. Photos Marwan Assaf

Les forces de l'ordre n'avaient vraisemblablement plus le choix. Après plusieurs tentatives de négociations menées avec les détenus de Roumieh, la décision de donner l'assaut à cet établissement aux problèmes multiples a été prise hier soir. C'est à 19h, soit à l'issue d'une nouvelle journée de pourparlers, que les forces spéciales ont lancé leur opération militaire pour mettre fin à la mutinerie qui avait repris dès les premières heures de la matinée.
Rien n'était acquis. Alors que les autorités semblaient être parvenues, dimanche soir, à calmer les esprits en faisant moult promesses aux prisonniers, ces derniers ont repris du poil de la bête, relançant dès lundi soir leur mutinerie qui devait aller crescendo avec les premières heures de la matinée d'hier. Les raisons qui expliquent cette reprise de la violence dans cet établissement carcéral ne manquent pas, et les incidents se sont succédé hier, aboutissant à l'heure H, c'est-à-dire l'assaut final. La prison de Roumieh rassemble en effet près de 65 % des détenus du pays, dont le tiers attend de comparaître devant la justice. Les émeutiers ont réitéré les revendications formulées il y a quelques jours, à savoir une amnistie générale et l'amélioration des conditions de détention.
Après une relative accalmie en cours de nuit, la révolte devait reprendre hier matin alors que le responsable de la prison venait d'entamer des travaux de réparation des dégâts occasionnés lors de la première mutinerie. Selon une source citée par Nowlebanon, les détenus, qui avaient probablement planifié leur coup, ont pris en otages plusieurs membres des FSI chargés des travaux et ont subtilisé leur matériel. Sur-le-champ, les quatre éléments pris en otages ont été ligotés et leurs photos, prises à l'aide des téléphones mobiles, envoyées au responsable de la prison, lui signifiant que les prisonniers contrôlaient désormais les locaux. Toujours selon Nowlebanon, les détenus du bâtiment D, qui avaient été à l'origine de la première mutinerie, auraient également subtilisé aux éléments des FSI pris en otages il y a trois jours les clés permettant d'ouvrir les portails séparant les différents bâtiments, qui étaient auparavant cloisonnés.
L'aumônier général des prisons, le père Marwan Ghanem, a affirmé de son côté que c'est depuis lundi soir que les prisonniers retiennent trois gardiens dans l'un des bâtiments. « Les gardiens sont en bonne santé. Les prisonniers les considèrent comme leurs frères, ils veulent juste faire pression », a-t-il dit. « Les gardes ne sont pas menacés. On les empêche juste de sortir du bâtiment », a indiqué de son côté un responsable des services de sécurité.

Les prisonniers prennent le contrôle de la prison
En quelques heures, le chaos total s'est emparé de l'établissement pénitentiaire que les prisonniers avaient réussi à contrôler. Selon le témoignage de l'un des détenus, Samir Sobhi Zeaïter, aucun élément des forces de l'ordre ne se trouvait plus à l'intérieur. Le prisonnier a confirmé la prise d'otages et fait appel à la conscience des responsables politiques pour sauver les otages. Un autre détenu a affirmé que le problème des prisonniers « n'est pas avec les FSI mais avec la justice ». Dans un communiqué remis à deux médiateurs, Ali Akil Khalil et cheikh Ahmad Azir, les détenus ont réitéré leurs revendications, réclamant principalement une amnistie générale « à l'instar des amnisties accordées à Samir Geagea, à Michel Aoun, à Sultan Aboul Aïnayn, aux éléments responsables des incidents de Majdel Anjar et de Denniyé ». Faisant assumer aux autorités politiques et judiciaires la responsabilité de la crise, les détenus ont estimé être victimes de « jugements erronés et politisés », qui, ont-ils dit, « ne se fondent sur aucune preuve réelle, les aveux ayant été arrachés par la torture et la menace ».
Le communiqué a en outre dénoncé le fait que les promesses qui leur ont été faites « n'ont pas été tenues », déplorant en outre la lenteur de la justice qui tarde à trancher leur dossier. « Par conséquent, nous réclamons l'amnistie générale pour les prisonniers se trouvant à Roumieh ainsi que dans les autres prisons, à l'instar de ce qui s'est passé dans le monde arabe », précise encore le texte.
Notons dans ce cadre que l'amnistie est accordée par le vote d'une loi. Or le Parlement ne pouvant se réunir en l'absence d'un gouvernement, les institutions de l'État se trouvent actuellement paralysées et les solutions reportées.
La prison de Roumieh, conçue pour accueillir 1 500 détenus, en abrite près de 4 000, pour près de 200 gardiens, selon l'AFP. Quelque 700 prisonniers seulement ont été condamnés. Certains détenus restent en prison des années avant que leur procès ne s'ouvre. Seuls quelques condamnés ont accès à un traitement privilégié à la faveur d'un système pénitentiaire miné par la corruption et le laxisme.

Les mutins mettent le feu à un réservoir de mazout
En début d'après-midi, les détenus avaient réussi à parvenir aux cuisines de l'établissement carcéral, près duquel se trouve le réservoir de mazout auquel ils ont mis le feu. La Défense civile n'ayant pu atteindre les lieux, ce sont les hélicoptères de l'armée qui ont procédé à l'extinction du feu, qui aurait fait deux blessés parmi les prisonniers. Ce n'est que quatre heures plus tard, la pluie aidant, que la troupe a réussi à éteindre l'incendie.
Parallèlement à l'agitation qui a fini par s'étendre à tous les bâtiments, à l'extérieur de l'enceinte, les parents des détenus tenaient également tête aux forces de l'ordre. Dès la matinée, et après avoir essuyé un refus de la part des FSI qui leur ont interdit les visites auxquelles ils ont droit les mardis, les parents des détenus se sont rassemblés autour de la prison pour protester contre cette interdiction, décrétée après la mutinerie de dimanche dernier. Quelque 70 proches de prisonniers en colère ont bloqué ainsi la route donnant accès à l'établissement en brûlant des pneus. Ils ont fini par obtempérer et se sont dispersés à la suite de pourparlers avec les forces de l'ordre. Mais ce n'était que partie remise, puisqu'ils sont revenus à la charge, quelques heures plus tard, bloquant cette fois-ci l'accès à la prison à l'aide de balises. La tension est montée d'un cran, et les manifestants s'en sont pris aux forces de l'ordre qu'ils ont attaquées à coups de pierres. Les altercations se sont soldées par l'arrestation de plusieurs protestataires, principalement des hommes. Craignant un assaut qui, au fil des heures, semblait de plus en plus inévitable, les parents ont cru pouvoir bloquer l'entrée pour empêcher l'accès des véhicules des forces de l'ordre à l'intérieur de l'enceinte de la prison.
Jusqu'à la dernière minute, les FSI continuaient d'affirmer que leur intention n'était pas de provoquer des affrontements avec les prisonniers mais de faire en sorte que le retour au calme soit assuré, précisant que leur souci premier était la protection des prisonniers aussi bien que des otages. C'est à 19h que la décision de lancer l'assaut contre la prison a été prise, une opération exécutée conjointement par les forces spéciales des FSI et les forces spéciales de l'armée, sous la supervision du directeur général des FSI, le général Achraf Rifi.
Le début de l'opération militaire consistait à bloquer les voies de communication qui avaient été percées entre les bâtiments par les détenus et à tenter de ramener les prisonniers dans leurs cellules. Selon la LBC, certains prisonniers se seraient rendus avant le début des opérations. Les détenus islamistes n'auraient d'ailleurs par pris part à la mutinerie. Mais plusieurs cas de résistance de la part des prisonniers ont été relevés. Dès 19h, les véhicules de la Croix-Rouge, qui ont été mobilisés en grand nombre, ont commencé à sortir de l'enceinte pour évacuer les premiers blessés. Vers 21 heures, et alors que l'assaut se poursuivait, le général Rifi annonçait la libération de deux otages, et les forces spéciales tentaient toujours de reprendre le contrôle des lieux.
Tard en soirée, on pouvait apercevoir à nouveau la fumée qui se dégageait des bâtiments, les mutins ayant tenté de détourner l'attention des forces spéciales en brûlant leur matelas et leurs effectifs. On apprenait également que certains prisonniers ont tenté de prendre en otages d'autres prisonniers, une information qui n'a pu être confirmée. Quelques détenus qui se trouvaient dans les bâtiments B et D se seraient enfuis en direction du bâtiment réservé aux personnes condamnées. Six autres blessés ont été évacués au cours des opérations. Deux blessés graves ont été transportés à l'hôpital, les quatre autres ayant été soignés sur place par la Croix-Rouge.
À l'heure d'aller sous presse, rien n'était encore clair, mais le ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, qui s'est rendu sur les lieux, a affirmé vers 23h que l'opération était sur le point d'aboutir. Le ministre a démenti les informations selon lesquelles l'assaut aurait fait des blessés, laissant entendre que les quelques blessures occasionnées sont dues aux troubles qui ont eu lieu en cours de journée.
Signalons par ailleurs qu'une autre mutinerie à éclaté hier à Jib Jannine, qui compte près de 70 prisonniers. Les forces spéciales ont été dépêchées sur les lieux. Les responsables ont immédiatement engagé le dialogue avec les mutins et le calme a été rétabli en début de soirée.
Les forces de l'ordre n'avaient vraisemblablement plus le choix. Après plusieurs tentatives de négociations menées avec les détenus de Roumieh, la décision de donner l'assaut à cet établissement aux problèmes multiples a été prise hier soir. C'est à 19h, soit à l'issue d'une nouvelle journée de pourparlers, que les forces spéciales ont lancé leur opération militaire pour mettre...

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