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Liban - Sécurité

Inquiétude et malaise après le déploiement d’hommes en noir dans des quartiers mixtes de Beyrouth-Ouest

Hier, au petit matin, des hommes en noir sont apparus l'espace de quelques heures à certains croisements et artères de la capitale. La peur a paralysé divers quartiers et le déploiement de l'armée n'a pas rassuré la population.

Il a suffi de l’apparition d’hommes en noir dans certaines artères de Beyrouth pour fermer les écoles de la ville. Jamal Saidi / Reuters

Tôt hier matin, des centaines d'hommes habillés en noir et munis de talkies-walkies, appartenant au Hezbollah et au mouvement Amal, se sont déployés à des croisements et des artères de Beyrouth-Ouest, créant la panique parmi les habitants.
Des témoins oculaires rapportent que ces rassemblements ont eu lieu entre 5 heures 30 et 8 heures, selon les zones du déploiement qui a englobé notamment la route de l'aéroport, le rond-point Tayyouné, Basta, Noueiri, Zokak el-Blatt, Ras el-Nabeh, Béchara el-Khoury et le centre-ville.
Quelques miliciens ont expliqué aux passants qui leur posaient des questions qu'ils se rassemblaient « pour partir en excursion ».
L'armée a rapidement renforcé sa présence dans les quartiers mixtes de Beyrouth, ce qui n'a pas empêché des écoles dans la zone de fermer leurs portes, demandant aux parents de venir chercher leurs enfants ou raccompagnant bien avant la fin de la journée les élèves chez eux.
Dans l'après-midi, la vie n'était pas encore revenue à la normale dans les quartiers de Beyrouth, témoins des rassemblements matinaux orchestrés par le Hezbollah et le mouvement Amal. La circulation était fluide dans des secteurs qui grouillent de monde habituellement. Nombreux sont ceux qui avaient choisi de ne pas s'aventurer dans les rues, préférant rester chez eux.
Dans les quartiers populaires de Beyrouth, hier après-midi, il n'y avait pas une seule version des faits. Cette dernière dépendait de l'appartenance communautaire de votre interlocuteur. Pourtant, les personnes interrogées avaient deux points en commun : toutes manifestaient leur ras-le-bol de la situation politique et soulignaient qu'elles voulaient juste vivre tranquillement dans leur pays ; toutes, ou presque, voulaient préserver l'anonymat. C'est que l'insécurité, la peur et la méfiance règnent désormais dans les quartiers de Beyrouth.

« Les événements du 7 Mai qui se prolongent des mois »
À Ras el-Nabeh, Hoteit, boulanger, indique : « Je n'ai rien vu. Je suis là depuis 5 heures du matin. Tout ça, c'est la faute à la télévision al-Arabiya qui a menti en rapportant qu'il y avait des rassemblements. Tout le monde a paniqué. L'école des religieuses ici à Beyrouth, où mes filles suivent des cours, a fermé vers 11 heures, mais au lycée de mon fils, dans la banlieue sud, tout s'est déroulé normalement. »
Adel est mécanicien. Il habite Tarik el-Jdidé. « J'ai ouvert l'atelier à 11 heures. J'ai préféré ne pas m'aventurer avant. On ne sait pas où va le pays et comment les choses se termineront », dit-il.
Dans une boucherie, un homme, qui préfère se présenter comme « citoyen beyrouthin », raconte : « J'étais là vers 7 heures. J'ai tout vu. Des hommes se sont rassemblés devant les artères principales de la zone, celles qui mènent de Ras el-Nabeh à Basta et à Noueiri. Ils étaient une cinquantaine à chaque croisement. Ils étaient habillés de noir et étaient munis de talkies-walkies ; ils étaient âgés entre 16 et 40 ans. Les automobilistes ont paniqué quand ils les ont vus. Beaucoup d'entre eux ont rebroussé chemin, préférant rentrer chez eux. Ces miliciens voulaient paralyser la ville et ont réussi à le faire. Ils voulaient passer un message et montrer qu'ils pourront occuper facilement Beyrouth si jamais ils le décident, nous mettre en garde quoi. À 8 heures, il n'y avait plus personne. Le déploiement était très bien encadré et très bien organisé. »
Un peu plus loin, dans une épicerie, un homme dit qu'il n'a rien vu alors qu'une femme voilée souligne : « Les hommes en noir se sont déployés vers 6 heures, à Béchara el-Khoury, Basta, Khandak el-Ghamik, Zokak el-Blatt. Ils n'ont rien fait, ils n'étaient pas armés. La troupe s'est vite déployée dans la zone. Les écoles ont fermé et la ville a été paralysée. Dieu seul sait ce qui adviendra du pays. »
Un changeur affirme de son côté : « Il n'y a rien eu ce matin. J'ai fait mes courses à Beyrouth comme d'habitude. Je n'ai rien vu. Ce ne sont que des rumeurs véhiculées par la télévision al-Moustaqbal. Quel pays de voleurs et de menteurs ! Nous voulons que la vérité soit reconnue : nous avons gagné la guerre contre Israël en 2006. »
Dans la rue principale de Basta, les commerçants se plaignent car depuis le matin tout fonctionne au ralenti. Des habitants vous indiquent les endroits où les hommes en noir se sont déployés.
Un boucher affirme : « J'ai eu bien peur ce matin. Mais l'armée s'est vite déployée. Personne ne sait ce que l'avenir nous réserve. »
Deux jeunes discutent devant un atelier de fabrication de miroirs. L'un d'eux raconte sa journée. « Ce matin, ma petite sœur m'a réveillé en me disant qu'elle n'a pas été à l'école à cause de la situation. Je ne suis pas sorti de chez moi jusqu'à midi parce qu'on ne sait jamais comment un tel déploiement peut se développer. Souvenez-vous du 7 Mai (2008). Cela avait commencé par une manifestation pacifiste. Vous vous rappelez des rues bloquées, du nombre de morts en l'espace de quelques jours... Imaginez qu'une telle situation se présente et se prolonge des mois. C'est une éventualité. Qu'est-ce qui adviendra à ce moment du pays ? » demande-t-il.
Plus pessimiste, son camarade renchérit : « Ce que ne nous avons vu aujourd'hui n'est que le début. »
Un peu plus loin, chez un changeur de Basta, des sexagénaires affichent leur lassitude. L'un d'eux indique que « depuis 1975 rien n'a changé dans ce pays. Il y a toujours quelqu'un qui veut se battre. Il y a toujours quelque chose qui ne tourne pas rond. Il faut que l'on trouve une solution, que l'on comprenne qu'il faut qu'on reste unis. Las, je suis vraiment las. Je veux juste travailler tranquillement et vivre en paix ».
Tôt hier matin, des centaines d'hommes habillés en noir et munis de talkies-walkies, appartenant au Hezbollah et au mouvement Amal, se sont déployés à des croisements et des artères de Beyrouth-Ouest, créant la panique parmi les habitants.Des témoins oculaires rapportent que ces rassemblements ont eu lieu entre 5 heures 30 et 8 heures, selon les zones du déploiement qui a englobé...

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