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Liban - TSL

Deuxième et dernière confrontation publique entre Bellemare et Sayyed à La Haye

Il n’y aura pas eu de grandes surprises lors de l’audience qui s’est tenue hier au TSL, à La Haye. Le face-à-face qui a eu lieu entre l’ancien directeur de la Sûreté, Jamil Sayyed, et les représentants du procureur du tribunal, Daniel Bellemare, a été l’occasion pour les parties au litige de réitérer publiquement leurs arguments respectifs concernant la requête de M. Sayyed pour l’obtention des éléments de preuve qui auraient conduit à sa détention illégale pendant quatre années.

L’ancien général Jamil Sayyed aux côtés de son avocat, Akram Azouri, à Leidschendam, hier. Jerry Lampen / Reuters

Durant près d'une heure et demie, le requérant, représenté par son avocat Akram Azouri, et le représentant du bureau de M. Bellemare, Ekkehard Withopf, ont repris dans le cadre de cet affrontement judiciaire les mêmes arguments précédemment avancés par écrit, en y ajoutant le ton et l'attitude qu'il fallait, pour donner tout son sens à ce duel juridique public.
Deux nouveaux points ont toutefois été soulevés, à savoir, du côté de M. Azouri, la thèse de la politique de tergiversation suivie par le procureur qui a été accusé d'« occulter » les preuves des infractions commises à l'encontre de M. Sayyed. D'un autre côté, le représentant du procureur, qui a principalement repris l'argument de la confidentialité de l'enquête et de son indivisibilité, et avancé le fait que la divulgation de la teneur des témoignages risquerait à l'avenir de compromettre l'enquête et de dissuader des témoins potentiels de venir confier leur témoignage aux enquêteurs.
La séance a été ouverte par le juge de la mise en état qui a rappelé l'historique de la procédure et la nécessité pour les deux parties de répondre aux questions qu'il avait préalablement posées et portant sur les limites et les restrictions qui s'imposent dans ce cas de figure.
Durant près d'une heure, les deux parties ont exposé leurs points de vue devant le juge de la mise en état appelé à trancher ce débat dans un proche avenir, probablement à l'issue d'une audience ex parte et à huis clos qui serait tenue exclusivement en présence du juge de la mise en état et du procureur pour examiner les éléments et documents réclamés par le requérant.
Prenant la parole en premier, M. Azouri a accusé frontalement le procureur de se livrer à une « politique d'atermoiement » et à « des manœuvres procédurales » afin d'occulter les éléments de preuve réclamés par son client. « Cela fait cinq ans que M. Bellemare réclame un délai supplémentaire pour répondre aux questions posées », plaide M. Azouri. « Le but de ce comportement est précisément de tergiverser », a ajouté l'avocat avant de s'interroger : « Qui assumera la responsabilité du retard ? Ce dont j'ai peur c'est qu'il n'y ait prescription sur les preuves que dissimule le procureur », a-t-il ajouté.
Et de reprendre : « Tout procureur qui enquête sur des crimes est indiscutablement au courant des preuves. S'il venait à les dissimuler, il serait accusé de l'avoir fait. C'est la raison pour laquelle il doit condamner cette infraction », a encore affirmé l'avocat en reprochant au procureur de n'avoir pas précisé à ce jour les limitations qui s'imposent aux éléments de preuve.
À la question de savoir comment le requérant pourra utiliser ces éléments, M. Azouri a rappelé que, jusque-là, son client n'a pu porter plainte devant les tribunaux que pour « diffamation », n'ayant pas entre les mains les preuves nécessaires pour des poursuites pénales. Qui plus est, la justice libanaise n'a pas fait preuve de coopération, et les poursuites engagées devant la justice syrienne n'ont pas abouti non plus, a rappelé en substance l'avocat.
Évoquant le principe de l'indivisibilité de l'enquête avancé par le procureur, M. Azouri a tenu à rappeler que M. Bellemare avait lui-même déclaré qu'il n'était pas intéressé par les faux témoins et qu'il ne les convoquera pas par conséquent devant le tribunal. Démonstration à l'appui, M. Azouri a enfin rejeté l'argument de la confidentialité des témoignages prévu dans le code de procédure pénale libanaise, affirmant que M. Bellemare « a mal interprété » les textes libanais.
M. Sayyed, à son tour, a pris la parole pour dénoncer également la méthode suivie par le procureur, affirmant que M. Bellemare « est en train de réitérer ce qu'il avait défait lorsqu'il était à la tête de la commission d'investigation ». Et de citer les propos qu'avait avancés, à l'époque, M. Bellemare, qui avait indiqué que « le non-respect des critères internationaux dans le cadre d'une enquête entraînera le discrédit du tribunal ». M. Sayyed a également repris les propos du prédécesseur de Bellemare, le juge Serge Brammertz, qui, selon lui, aurait confié à son avocat Me Azouri « n'avoir pas eu le courage de faire plus » pour les officiers détenus.
Après une courte intervention symbolique du chef du bureau de la défense, le représentant du procureur, Ekkehard Withopf, a pris la parole pour réfuter les accusations de tergiversation adressées au procureur. Il a rappelé dans son plaidoyer qu'à aucun moment l'avocat du requérant n'a réussi à répondre aux questions posées par le procureur, à savoir quels sont les tribunaux devant lesquels le requérant compte engager des poursuites et quelles sont les procédures de communication des éléments appliquées par ces instances.
M. Withopf a également reproché au requérant d'avoir élargi la teneur de sa requête, en demandant non seulement le contenu des témoignages faits devant la commission d'enquête, mais également des documents, des vidéos, des mémos internes à la commission d'enquête, bref, dit-il, autant d'éléments confidentiels qui ne sauraient être divulgués dans le cadre d'une audience publique.
« La communication de ces éléments constitue un grand risque pour le procureur », a-t-il dit, avant de réclamer une audience à huis clos pour discuter des restrictions et limitations qui s'imposent aux éléments réclamés.
Et de rappeler qu'il existe des centaines, voire des milliers d'éléments que le requérant prétend vouloir consulter, « ce qui demande du temps ». « Par conséquent, vous devez trouver un juste milieu entre les procédures de confidentialité de l'enquête et la réponse à la requête » de M. Sayyed, a affirmé le représentant du procureur en s'adressant au juge de la mise en état.
M. Withopf a tenu au passage à rappeler que le requérant n'est ni une personne en détention ni une victime, et par conséquent « il n'a pas le droit de prendre connaissance des preuves qui sont aux mains du procureur ». Selon lui, M. Sayyed « ne réclame pas ces preuves pour intenter un recours pour détention illégale, mais pour d'autres raisons ». Le représentant du procureur a réitéré le fait que le droit des personnes doit être préservé dans cette affaire, soulignant que l'enquête est appelée à se prolonger pour un certain temps, et que les témoins, qui ont reçu des enquêteurs la promesse de la confidentialité, doivent être protégés. Évoquant les multiples articles et les occasions au cours desquels l'ancien officier s'est exprimé publiquement et librement sur son dossier, M. Withopf a indiqué que c'est précisément ce point-là qui inquiète le procureur, craignant que M. Sayyed ne puisse révéler la teneur des preuves et que la situation ne devienne incontrôlable à un moment ou un autre.
Après un dernier round de débats au cours duquel M. Azouri s'est prononcé, suivi de M. Withopf, le juge de la mise en état a clôturé l'audience en s'engageant à publier sa décision « le plus tôt possible ».
Durant près d'une heure et demie, le requérant, représenté par son avocat Akram Azouri, et le représentant du bureau de M. Bellemare, Ekkehard Withopf, ont repris dans le cadre de cet affrontement judiciaire les mêmes arguments précédemment avancés par écrit, en y ajoutant le ton et l'attitude qu'il fallait, pour donner tout son sens à ce duel juridique public. Deux nouveaux points ont...

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