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Liban - Biens-fonds

Polémique sur les ventes immobilières entre chrétiens et musulmans au Liban

Le projet de loi du ministre du Travail Boutros Harb, visant à interdire sur 15 ans les ventes immobilières entre chrétiens et musulmans, suscite depuis quelques jours des débats passionnés au Liban. Un sujet explosif et à controverse, surtout si alimenté par des informations sur la vente de nombreuses terres "chrétiennes" à des chiites proches du Hezbollah.

Quelles que soient ses chances d'être votée au Parlement, cette proposition de loi semble être l'occasion attendue pour lancer le débat sur un sujet sensible, certes, mais vital pour l'avenir du pays et de tous les Libanais. Mais les responsables sauront-ils la saisir? /

"Un phénomène malsain se développe, je ne fais que tirer la sonnette d'alarme, je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas", affirme le ministre du Travail qui a soumis son projet le 30 décembre.
Le "phénomène", selon lui, ce sont des opérations d'achat "organisées ou semi-organisées de terrains appartenant à certaines confessions, par des individus ou des sociétés d'autres confessions". "Le Liban symbolise la coexistence entre confessions. Si l'un des piliers de cette coexistence tombe, c'est le Liban qui tombe", ajoute-t-il.
Si le ministre se garde bien de faire allusion à une communauté particulière, des médias et des responsables politiques ont accusé à mots couverts ou même ouvertement le Hezbollah chiite de grignoter des centaines de milliers de mètres carrés en "territoire chrétien".
"La politique immobilière, démographique et sécuritaire expansionniste du Hezbollah qui se traduit par l'achat de terrains est une stratégie qui pourrait changer le visage du Liban vers 2020", écrivait cette semaine un éditorialiste critique du "Parti de Dieu" dans le quotidien "an-Nahar". Contacté par l'AFP, le Hezbollah a refusé de commenter ces informations.
Autrefois tout-puissants sur les plans démographique et politique, les chrétiens sont désormais minoritaires (34% de la population) en raison d'une forte émigration et d'une faible natalité, mais continuent de jouir d'un partage du pouvoir fondé sur la parité avec leurs concitoyens. En plus de quelques régions à majorité chrétienne, ils coexistent également avec les musulmans dans plusieurs localités.
"Je veux préserver l'image de diversité et de mixité du Liban", assure M. Harb.
Son projet de loi a toutefois soulevé immédiatement une vague de protestations d'hommes politiques et d'intellectuels dénonçant une "dangereuse" tentative de "ségrégation religieuse" qui raviverait le spectre de la guerre civile à caractère confessionnel qui a déchiré le pays (1975-1990).
D'autres ont estimé que le vrai danger résidait non pas dans l'acquisition de terrains par des Libanais, mais par des étrangers, notamment des ressortissants du Golfe, importants investisseurs dans le pays.
Des analystes et des hommes politiques ont également qualifié ces transactions de purement "commerciales" ou "spéculatives".

"Il existe une offensive politique chiite qui consiste à acheter progressivement tous les terrains, à des prix supérieurs à ceux du marché, pour créer des îlots à l'intérieur des régions chrétiennes. Ce mouvement est facilité par l'afflux de capitaux pétroliers étrangers énormes", soutient le député Fouad el-Saad, dans un article publié sur le site cyberpresse.ca. "Si la loi est compréhensible politiquement parce qu'elle entend protéger les chrétiens, elle se heurte à la Constitution libanaise qui garantit le droit de propriété individuel et permet à tout Libanais de résider où il veut sur le territoire", explique toutefois le député.
En 1984, en pleine guerre, l'imam chiite, Mohammad Mehdi Chamseddine, a lancé une fatwa interdisant aux musulmans de vendre des terrains à des non-musulmans pour protéger les chiites d'un éventuel exode alors qu'ils n'étaient pas aussi puissants qu'aujourd'hui.
Même si les chrétiens ne sont pas visés systématiquement, "la situation est devenue inquiétante", affirme sous couvert de l'anonymat un responsable au sein de l'Église maronite.
"Nous avons une étude qui montre par exemple que dans la région de la Békaa (est), près de 68 millions de mètres carrés sont passés de chrétiens à de non-chrétiens au cours des cinq dernières années", ajoute-t-il.
Pour Edmond Gharios, président de la municipalité de Chiyah, localité mixte de la banlieue sud de Beyrouth -bastion du Hezbollah- qui connaît une expansion de la communauté chiite, les tentations financières sont très fortes.
"Quand, pour 200 mètres carrés, on vous propose 700 000 dollars, vous allez vendre et vous en aller", dit-il.

 

"Un phénomène malsain se développe, je ne fais que tirer la sonnette d'alarme, je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas", affirme le ministre du Travail qui a soumis son projet le 30 décembre.Le "phénomène", selon lui, ce sont des opérations d'achat "organisées ou semi-organisées de terrains appartenant à certaines confessions, par des individus ou des sociétés d'autres...

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