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Liban

Harb fait état de plans visant à acheter les biens-fonds des chrétiens dans certaines régions

Le ministre et député du Batroun Boutros Harb a rendu visite hier au patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, à qui il a exposé les tenants et aboutissants du projet de loi qu'il a présenté à la présidence du Conseil visant à interdire provisoirement, et à titre exceptionnel, pour une période de quinze ans, la vente de biens-fonds entre Libanais de religion différente, dans le but d'empêcher un tri démographique sur base confessionnelle et préserver ainsi le « vivre ensemble » dans les régions mixtes. Soulignant que sa proposition exprime publiquement ce que nombre de Libanais pensent tout bas et entre quatre murs, M. Harb est revenu à la charge hier à cet égard, faisant état de plans visant à acheter des biens-fonds appartenant aux chrétiens dans des régions bien précises. M. Harb a rappelé dans ce cadre qu'en 1984, l'imam Mohammad Mehdi Chamseddine, vice-président du Conseil supérieur chiite, avait publié une « fatwa » interdisant, en raison de la conjoncture qui prévalait à l'époque, la vente à des non-musulmans de terrains appartenant à des musulmans.
À sa sortie de Bkerké, M. Harb a souligné qu'il avait présenté son projet de loi afin de « canaliser et juguler les opérations de vente de terrains de manière à mettre un terme au laisser-aller actuel, plus particulièrement à la lumière des appréhensions qui se manifestent actuellement » à cet égard. « Il existe des plans visant à acheter des terrains appartenant à des chrétiens dans des régions bien précises, ce qui aboutit à un tri démographique et à un repli des chrétiens dans les régions chrétiennes et des musulmans dans les régions musulmanes, a déclaré M. Harb. Ceci empêche l'opération d'osmose (entre communautés différentes) qui était la raison d'être du Liban. Le Liban ne serait plus, auquel cas, ce pays donnant naissance à une culture libanaise, assurant une interaction entre les communautés. Si cette thèse fondée sur le dialogue et l'interaction tombe, le Liban risque alors d'être en danger car la présence des chrétiens et leur avenir seraient en danger. »
M. Harb a d'autre part rappelé qu'en 1983 (après la guerre de la Montagne) il avait présenté une proposition de loi similaire en vue d'empêcher la vente de terrains appartenant à des chrétiens à des non-chrétiens dans les régions du Chouf, de Aley et du Metn afin d'éviter un exode définitif des chrétiens de ces zones. Précisant qu'à cette époque, personne n'avait contesté sa démarche, M. Harb a indiqué qu'il y a 27 ans, le chef spirituel de la communauté chiite à l'époque, l'imam Mohammad Mehdi Chamseddine, avait rendu publique une « fatwa » interdisant la vente de terrains appartenant à des musulmans à des non-musulmans. « Cette fatwa se basait sur les mêmes attendus sur lesquels j'ai fondé mon projet de loi, a relevé M. Harb. Le président du Conseil supérieur chiite à l'époque (cheikh Chamseddine) avait justifié sa démarche par le fait que de nombreuses opérations de vente de terrains et de biens-fonds dans les régions n'étaient pas le fruit d'une activité commerciale et économique naturelle, mais se faisaient, par le biais de sociétés et de transactions suspectes, du fait d'une ligne de conduite politique qui avait pour but de porter un coup décisif à la formule de coexistence et d'isoler chaque communauté dans une zone géographique bien déterminée. »
Précisant que la démarche de cheikh Chamseddine n'avait suscité aucune critique, M. Harb a souligné que le but de sa proposition est de préserver le vivre ensemble et d'empêcher un tri démographique sur une base confessionnelle afin d'éviter l'émergence de « ghettos confessionnels isolés l'un de l'autre, ce qui mettrait en danger l'unité du Liban ».
Tout en soulignant qu'il « respecte » les critiques formulées à l'égard de sa démarche, M. Harb a déclaré qu'il avait tenu à « tirer la sonnette d'alarme ». « Il existe un danger qui plane sur la coexistence, la présence et l'avenir des chrétiens au Liban, a-t-il déclaré. J'ai présenté un projet qui n'est nullement parole d'Évangile. Celui qui a une idée plus propice, qu'il la présente. Je ne suis pas attaché au projet en tant que tel, mais plutôt à sa finalité. » Réaffirmant son attachement au vivre ensemble, M. Harb a déclaré en conclusion : « J'ai dit à haute voix et avec courage ce que les gens chuchotent et disent en privé. Nul ne peut faire de la surenchère au sujet de mon attachement à la coexistence. Je peux donc me permettre de présenter un projet qui pourrait choquer de prime abord, mais qui reflète une réalité qui constitue un danger pour le Liban. Je demande à toutes les personnes sincères de bien réfléchir à ce projet, avec calme et sérénité, et de présenter de nouvelles idées susceptibles d'aboutir au même objectif. »
Par ailleurs, dans une interview express à la chaîne Futur News, M. Harb a précisé que « la Constitution n'empêche pas d'imposer des restrictions au droit de propriété lorsque la propriété privée est en contradiction avec l'intérêt public, de même que la Constitution autorise d'imposer des contraintes et des limites aux opérations de vente et d'achat de biens-fonds si l'intérêt du Liban est en danger ».

Les réactions
La proposition de M. Harb a suscité au cours des dernières vingt-quatre heures des réactions mitigées dans divers milieux politiques. Le chef du CPL, Michel Aoun, l'a critiquée, la qualifiant d'anticonstitutionnelle.
Le député Serge Torsarkissian, membre du bloc parlementaire du Courant du futur, a appuyé ouvertement le projet de M. Harb, mettant l'accent sur sa détermination à aller de l'avant dans ce projet « qui empêchera le tri démographique à caractère confessionnel ainsi que l'exode interne ». « Les chrétiens ont une cause, celle de leur pérennité au Liban, et le Liban n'a pas de raison d'être sans les chrétiens », a déclaré M. Torsarkissian.
Le député Ammar Houry a souligné de son côté que le projet Harb devrait être examiné « sous l'angle de l'arrêt de l'émigration ». Il a toutefois indiqué qu'il n'approuvait pas la proposition en question.
Le ministre d'État Adnane Sayyed Hussein (proche du président Michel Sleiman) a déclaré pour sa part que le ministre Harb est « mû par de bonnes intentions » pour ce qui a trait à son projet. « Sur le plan de la loi, a-t-il affirmé, ce projet ne peut pas cependant être appliqué car il est contraire à la Constitution. Il peut toutefois être appliqué par le biais des présidents des conseils municipaux » dans les régions concernées. Et d'ajouter que « la présence chrétienne est importante non seulement pour les chrétiens, mais également pour les musulmans et le Liban ».

Chamseddine :
Oui... mais

Quant à l'ancien ministre Ibrahim Chamseddine, fils de l'ancien vice-président du Conseil supérieur chiite, feu l'imam Mohammad Mehdi Chamseddine, il a confirmé que l'imam Chamseddine avait bel et bien rendu publique en 1984 une « fatwa » interdisant la vente de terrains appartenant à des musulmans à des non-musulmans, précisant cependant que cette « fatwa » avait été adoptée dans le contexte de l'occupation israélienne et des bouleversements politiques dont le pays était le théâtre à cette époque.
Soulignant que cette « fatwa » était donc parfaitement justifiée dans un tel cadre, M. Chamseddine a déclaré que les mêmes appréhensions qui avaient été à la base de la « fatwa » de l'imam Chamseddine se manifestent aussi actuellement. « J'appuie la démarche du ministre Boutros Harb qui est l'un des grands juristes du pays, a déclaré M. Chamseddine. Les appréhensions quant à un comportement erroné existent. Quant au mécanisme suggéré (le projet de loi présenté par M. Harb), il pourrait être anticonstitutionnel du fait qu'il impose des limites à la liberté des gens. J'en discuterai prochainement avec le ministre Harb. »
Et M. Chamseddine de poursuivre : « D'aucuns peuvent penser qu'ils se livrent à des conquêtes islamiques s'ils achètent de grandes superficies dans de vastes régions chrétiennes. Il n'existe pas de conquêtes islamiques. Cela aboutit à un déséquilibre politique et national. » En réponse à une question, M. Chamseddine a ajouté : « Il n'y a pas de conquêtes musulmanes au Liban. Si certains investisseurs pensent qu'ils accomplissent un devoir (religieux) ou qu'ils servent une cause (en achetant des terrains), ils se trompent. Une telle approche est erronée. »
Signalons, enfin, que le bureau de presse de la présidence de la Chambre a publié un communiqué dans lequel il souligne que dans sa « fatwa » du 29 juillet 1984 interdisant la vente à des non-musulmans de terrains appartenant à des musulmans, l'imam Chamseddine avait précisé que cette mesure était motivée par les circonstances de l'époque.
Le ministre et député du Batroun Boutros Harb a rendu visite hier au patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, à qui il a exposé les tenants et aboutissants du projet de loi qu'il a présenté à la présidence du Conseil visant à interdire provisoirement, et à titre exceptionnel, pour une période de quinze ans, la vente de biens-fonds entre Libanais de religion différente, dans...

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