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Liban - Reportage

À Maroun el-Rass, un jardin pour Ahmadinejad

Le « luna-park » de la résistance a désormais son adresse au Liban-Sud. Perché sur une colline surplombant Israël, un immense jardin aux activités « politiquement orientées » a fleuri sur la colline de Maroun el-Rass, le village-héros par excellence. Baptisée « le Jardin d’Iran », cette nouvelle oasis de la résistance, qui s’apprête à accueillir Mahmoud Ahmadinejad, se veut être une véritable provocation pour l’État hébreu.

Le Jardin d’Iran : une vue imprenable sur « l’ennemi ». Photo Antony Paone

« Ispahan - Superficie : 107 029 km² ; nombre d'habitants : 4 499 327 ; sites touristiques : Nakch Jihan, Jisr Khawaja, Manar Jinyan, etc. » Ces informations ne sont pas puisées d'un guide touristique, ni d'une brochure du genre, mais à partir d'un grand panneau planté à l'entrée du « Jardin d'Iran », un « cadeau offert par la République islamique au village de Maroun el-Rass », insiste le guide touristique des lieux.

 

Le contremaître du projet, Sleiman Karnib, promu guide pour l'occasion, nous introduit le projet en insistant sur la symbolique du choix de Maroun el-Rass, premier village à être envahi par « l'ennemi » en 1996, le dernier aussi que les soldats israéliens ont évacué, un mois après la cessation des hostilités.
«La résistance qui a eu lieu dans ce village est légendaire », lance-t-il. D'emblée, le guide se prête volontiers au jeu des photos. En toute fierté, il pose tout près du portrait du président iranien, placé à l'entrée du jardin, avant d'annoncer avec un brin d'émotion que ce sera Mahmoud Ahmadinejad en personne qui viendra inaugurer les lieux, lors de sa visite prévue le 13 octobre.
C'est la raison pour laquelle les nombreux ouvriers qui s'agitent sur place semblent pressés par le temps : l'achèvement des travaux en cours devra inéluctablement coïncider avec la visite de celui qui est désormais considéré comme le «parrain de la résistance ».
Le Jardin d'Iran est d'ailleurs bien plus qu'un jardin. Situé sur une colline donnant directement sur Israël, face aux «sept villages frontaliers », le projet comprend un grand espace vert regroupant sur une large superficie tous les symboles réunis de l'Iran et de la résistance libanaise. Outre le nom du jardin qui est dédié à la République islamique, c'est un dégradé de photos à l'effigie des hauts responsables iraniens et de leurs martyrs qui nous accueille à chaque niveau de l'esplanade. Des panneaux d'information présentant les principales villes et localités touristiques d'Iran encadrent tout au long de l'allée l'entrée des trente-trois paillotes plantées face à la frontière, avec vue sur « l'ennemi ». «Trente-trois, pour représenter le nombre de jours qu'a duré l'agression israélienne contre le Liban, en juillet 2006 », s'empresse d'expliquer Sleiman Karnib, avant d'affirmer sans ambages que le projet dans son ensemble «se veut être une provocation pour l'État hébreu ».
Chaque paillote est équipée d'un grill, d'un lavabo, d'une grande table avec des chaises, pour accueillir les familles qui viennent passer leur journée et profiter des activités offertes sur les lieux et de «la vue sur la Palestine occupée», située à 500 mètres à peine à vol d'oiseau. À cette fin, les concepteurs ont même installé deux énormes jumelles sur des promontoires de plusieurs mètres de haut, histoire de rendre la vue de «l'autre» encore plus captivante. La fascination de l'ennemi vient s'ajouter au sentiment d'orgueil et de défi que ressentent les visiteurs des lieux. Consciente de la proximité insolite des soldats israéliens, une sympathisante du parti de Dieu lance : «Ils sont certes en face de nous. Mais ils ne nous font pas peur. Nous sommes sur notre territoire. »
«La résistance a déjà fait ses preuves et elle est devenue une véritable force de dissuasion», ajoute-t-elle en tirant sur son narguilé.
En face, on peut apercevoir un baril bleu, de la même couleur que la ligne qui sépare les deux frontières. Elle marque le début des étendues vertes des kibboutzim, installés sur des territoires à l'origine libanais, mais occupés par Israël en 1948.
Conçu à plusieurs niveaux, le projet, qui est devenu aujourd'hui une sorte de parc de loisirs «orientés», comprend, outre les paillotes, un espace de jeu pour les enfants, un immense terrain prévu pour les sports collectifs (minifoot, tennis, volley-ball, basket-ball), une salle de musculation. Les promoteurs du projet ont également prévu des activités à thème, tel ce jeu apparenté à la tyrolienne rappelant les entraînements militaires, ou encore le jeu du paint-ball, version revue et corrigée par le Hezbollah.
«Le jeu du paint-ball consiste en plusieurs obstacles et une position stratégique israélienne qu'une équipe de joueurs est appelée à prendre d'assaut pour chasser l'équipe adverse», explique le guide, le sourire aux lèvres.
On a pensé aux plus petits détails, notamment aux treillis dont doivent se vêtir les joueurs, aux casques de protection qui sont remis aux participants après une décharge de responsabilité signée par les tuteurs. Sleiman Karnib tient cependant à préciser que le document n'a certainement pas été envisagé à cause du risque que constitue la présence des soldats israéliens en face - «ils ne nous font pas peur du tout», dit-il -, mais parce que ce jeu peut faire mal !
Prévu pour être au départ un simple jardin public, le projet ne devait pas dépasser les 100000 dollars en termes de coût. «Une fois inauguré dans sa version initiale, l'ingénieur iranien qui se trouvait sur les lieux en 2008 a été stupéfait par le nombre de visiteurs - entre 5000 et 6000 par jour durant l'été. C'est alors que la décision d'agrandir le projet a été prise », commente le guide. Ainsi, de nouvelles paillotes, 22, ont été rajoutées au niveau inférieur, et une magnifique mosquée, réplique de la mosquée d'al-Aqsa de Jérusalem, a surgi aux confins du jardin. On a même prévu dans les plans un sorte de Rest House avec un restaurant et des chambres au style oriental, et « peut-être, mais cela n'a pas encore été décidé, un hôtel dont la première pierre pourrait être posée lors de la venue d'Ahmadinejad », ajoute le guide.
Coût total du projet: six millions de dollars, sans compter l'hôtel à venir. Une somme qui a été versée par la Commission iranienne pour la reconstruction du Liban, sous le patronage du président de la municipalité de Téhéran, Mahdi Chamran, présent lors de l'inauguration de la première partie du projet. C'est donc au tour du président iranien de venir consacrer, dans une semaine, ce lieu symbolique sur plus d'un plan.
Une chose est sûre, promettent les organisateurs: «Mahmoud Ahmadinejad sera attendu par une foule de sympathisants, venus le remercier notamment pour ce nouvel oasis en terre de résistance.»

« Ispahan - Superficie : 107 029 km² ; nombre d'habitants : 4 499 327 ; sites touristiques : Nakch Jihan, Jisr Khawaja, Manar Jinyan, etc. » Ces informations ne sont pas puisées d'un guide touristique, ni d'une brochure du genre, mais à partir d'un grand panneau planté à l'entrée du « Jardin...

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