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Liban - Éclairage

Des mesures judiciaires « indépendantes »... qui tombent à point nommé

Les jeux sont désormais à découvert. L'illusion entretenue depuis quelques semaines par le camp du 14 Mars sur des divergences entre l'Iran et la Syrie, et par ricochet entre la Syrie et le Hezbollah - la première préférant se rapprocher de l'Arabie saoudite et cherchant à circonscrire l'influence du Hezbollah - est tombée. Rompant la routine dominicale libanaise riche en déclarations de toutes sortes, la justice syrienne a donc émis des mandats d'arrêt à l'encontre de 33 personnalités libanaises, arabes et européennes, dont une partie des proches collaborateurs du Premier ministre. La nouvelle est tombée comme la foudre, même si pour l'instant, rien n'indique que cette décision judiciaire syrienne sera suivie d'une exécution immédiate, sachant que les procédures judiciaires sont en principe lentes, et elles le sont encore plus lorsqu'elles interviennent dans un climat politique tendu. Le général Jamil Sayyed, qui est à l'origine de ce développement judiciaire syrien - puisque c'est lui qui a déposé une plainte devant le parquet syrien contre les 33 personnalités, en se basant sur le fait qu'au moins deux des personnes mises en cause sont de nationalité syrienne -, a rappelé d'ailleurs, au cours de sa conférence de presse du 12 septembre, qu'il avait déposé sa plainte un an auparavant et que le juge syrien faisait preuve d'une grande lenteur, en tout cas plus que la justice française. Avec franchise, Sayyed avait alors conseillé au Premier ministre de ne pas ignorer les convocations lancées par le juge d'instruction syrien, car au bout d'un certain temps, elles deviendront des mandats d'amener, puis des mandats d'arrêt transmis à Interpol et l'affaire ne fera que se compliquer.
Sayyed a expliqué aussi que la justice syrienne a envoyé quatre fois les convocations au premier juge d'instruction de Beyrouth, qui a fait la sourde oreille, et il a insisté sur le fait que face à ce silence, la procédure judiciaire devait suivre son cours et les mandats d'arrêt sont désormais une réalité.
Sayyed a toutefois beau insister pour garder la démarche syrienne dans son cadre judiciaire, son timing ne peut qu'avoir une dimension politique. En effet, cette décision de la justice syrienne intervient après une première déclaration de l'ambassadeur syrien au Liban, Ali Abdel Karim Ali, qui avait salué les déclarations du Premier ministre Saad Hariri au quotidien saoudien al-Chark al-Awsat, tout en ajoutant « que ce pas positif doit être suivi d'autres mesures ». Cet appel non déguisé, que certains milieux de l'opposition avaient qualifié de « feuille de route », est resté sans écho. Quelques semaines plus tard, c'était au tour du ministre syrien des AE, Walid Moallem, de tenir des propos très clairs sur « la politisation du TSL » et sur les problèmes internes que susciterait la publication d'un acte d'accusation incriminant des membres du Hezbollah. Là aussi, le camp du Premier ministre est resté sans réaction. Le vice-ministre syrien des AE, Fayçal Mokdad, a été, deux jours plus tard, encore plus clair au sujet de l'attitude à adopter face aux rumeurs concernant le TSL et son acte d'accusation. Toujours pas de réaction dans le cercle du Premier ministre, alors que le leader du PSP Walid Joumblatt menait lui aussi une campagne systématique et à échelons, commençant par douter de l'utilité du TSL pour finir par le considérer comme nuisible s'il doit faire couler le sang au Liban. Dans un entretien accordé à la chaîne al-Jazira, Joumblatt a même affirmé que la stabilité du Liban est plus importante que le sort de quelques personnalités.
 En clair, il fallait, selon les messages syriens, traiter coûte que coûte le dossier des faux témoins et il ne suffit donc pas de reconnaître leur existence. Si la justice internationale refuse de le faire alors que la justice libanaise fait la sourde oreille ou cherche à gagner du temps, ce sera donc directement la justice syrienne qui le fera...
Hier pourtant, aussi bien le général Jamil Sayyed que les proches du Premier ministre et les sources prosyriennes insistaient pour affirmer que la décision du juge d'instruction syrien ne signifie pas une rupture des relations entre le commandement syrien et Saad Hariri. Sayyed la plaçait dans le cadre d'une routine judiciaire après le refus de la justice libanaise de réagir aux convocations reçues. Même écho chez l'ambassadeur de Syrie au Liban à l'issue d'une visite chez Walid Joumblatt, alors que les proches du Premier ministre se gardaient bien de critiquer ouvertement la Syrie. Tout en précisant que l'émission des mandats d'arrêt est un message politique adressé à Saad Hariri, les proches du Premier ministre insistaient sur le fait qu'elle ne remet pas en cause les relations avec le président syrien, dans une volonté réelle de ne pas atteindre le point de rupture avec les autorités de Damas. La question qui se pose aujourd'hui porte sur la prochaine étape. Selon des sources judiciaires, les mandats d'arrêt sont arrivés au greffe du parquet de Beyrouth. Si la justice libanaise ne réagit pas dans les délais légaux requis, la procédure judiciaire devrait se poursuivre et la justice syrienne devrait ouvrir les procès des personnes incriminées, qui devront se terminer par des jugements par défaut, qui, selon le traité de coopération judiciaire entre le Liban et la Syrie, sont exécutoires dans les deux pays.
Mais avant d'arriver à cette extrême, les traitements sont encore possibles, et même si officiellement la justice est « indépendante » de la politique, c'est celle-ci qui aura le dernier mot.
Les jeux sont désormais à découvert. L'illusion entretenue depuis quelques semaines par le camp du 14 Mars sur des divergences entre l'Iran et la Syrie, et par ricochet entre la Syrie et le Hezbollah - la première préférant se rapprocher de l'Arabie saoudite et cherchant à circonscrire l'influence du Hezbollah - est tombée. Rompant la...

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