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Liban - Science

Les bouleversements climatiques historiques racontés par une stalagmite...

Et si une stalagmite pouvait nous révéler les changements climatiques qui se sont opérés sur des milliers d'années ? Une étude faite au Liban revient sur ces bouleversements historiques qui aideraient à prévoir l'avenir.

La stalagmite déjà brisée dans la grotte.

Un ancien professeur à l'AUB, géologue de formation, spéléologue par passion, Fadi Nader, a effectué une étude sur une stalagmite prélevée dans la grotte de Jeïta. L'étude a été effectuée en 2005-2006 à l'AUB, grâce à une bourse du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), avec le concours de Bilal Idriss, qui était alors étudiant. L'article a été publié en 2008.
M. Nader précise à L'Orient-Le Jour que c'est la première étude de ce type faite sur une stalagmite prélevée dans une grotte libanaise. Pourquoi, une telle recherche est-elle si importante ? « Le Liban fait partie du Levant, une région très riche d'un point de vue archéologique, et qui présente beaucoup de records climatiques de l'histoire et de la préhistoire, explique M. Nader. Il y a un grand nombre d'études sur cette région et il y existe une bonne base de données sur 400 000 à 500 000 ans. Or, la stalagmite est la meilleure méthode terrestre pour étudier les évolutions climatiques. Une seule autre étude intéressante a été effectuée ici sur les isotopes de Yammouné, dans un milieu humide. »
Pourquoi le Liban est-il si intéressant ? « Le Liban se trouve sur une ceinture climatique, bordé au sud par un climat désertique et au nord par un climat tempéré, souligne le chercheur. Quand il y a une fluctuation climatique, si elle s'opère vers le sud, le climat devient plus désertique, et si c'est vers le nord, il se transforme en plus tempéré. Notre montagne qui culmine à 3 000 mètres d'altitude confère un caractère spécial au pays. Pour toutes ces raisons, le Liban est un bon endroit pour étudier les changements climatiques. Et la grotte de Jeïta est l'endroit idéal pour y prélever un échantillon car celle-ci, de par son importance touristique, est bien surveillée, et il existe beaucoup d'informations sur elle. »
L'étude a porté sur une stalagmite que M. Nader a pris soin de choisir déjà cassée, pour ne pas en briser une. « Cette stalagmite fait un mètre vingt de long, souligne-t-il. Elle a été coupée en deux tranches sur toute sa longueur. Une partie a été réservée aux études, l'autre est exposée à la grotte, pour l'instruction des visiteurs. L'âge de la stalagmite a été mesuré à 11 149 ans, soit presque 12 000 ans. Elle s'est brisée pour une raison qui nous demeure inconnue il y a environ 1 100 ans, ce qui nous donne donc une marge de 11 000 ans. Nous avons daté la stalagmite grâce à un prélèvement de onze échantillons et à l'adoption d'une méthode radioactive qui assure une datation à 98 ans près. »
Pour étudier l'échantillon, il a fallu le polir puis en prélever des parties. « Nous avons remarqué qu'à partir de 6 000 ans, le centre de gravité de la stalagmite s'est déplacé, remarque-t-il. Peut-être est-ce dû à un séisme, ou alors les gouttes qui tombent et qui forment la stalagmite ont-elles dévié de leur cours initial. »

Pluies abondantes et désertification croissante
Quels sont les principaux résultats de cette étude ? « Quand on regarde la stalagmite, on remarque qu'il y a une différence de diamètre, explique M. Nader. Dans les époques plus anciennes, le diamètre était plus grand, ce qui signifie qu'il y avait plus d'eau en ce temps-là. Les échantillons que nous avons prélevés de chaque millimètre ont permis d'identifier des isotopes stables - taux d'oxygène et de carbone dans le CO2 - qui viennent de l'eau et de la roche. C'est le paramètre qu'on examine pour avoir des détails sur le climat. Les isotopes stables nous renseignent sur la nature du sol à une période donnée, et il y a des isotopes qui donnent une idée sur la température et la nature de l'eau. »
Ce que l'étude montre, c'est que les pluies ont baissé avec le temps au Liban, ce qui est en harmonie avec les résultats obtenus dans d'autres pays de la région. « Au Liban, les pluies les plus abondantes sont enregistrées de 6 000 à 9 000 ans en arrière, souligne M. Nader. Or, il y a 6 000 ans commençaient la sédentarisation de l'homme dans la région et la naissance des grandes villes. Reconnaît-on l'empreinte de l'homme dans ce recul des ressources hydrauliques ou s'agit-il d'un changement climatique semblable à ce que nous pourrions vivre aujourd'hui ? Il faut davantage d'études pour apporter une réponse à ces interrogations. Ce que nous savons, c'est que des études effectuées plus au sud, comme en Israël, ont montré un début de désertification à partir de 8 000 ans, et non pas 6 000. Peut-être le phénomène a-t-il été retardé chez nous par notre montagne. »
M. Nader estime qu'il serait primordial de lancer un projet de recherche qui intégrerait l'archéologie et la géologie pour déterminer si l'homme est responsable d'une manière ou d'une autre de la désertification. Cette démarche serait intéressante à plus d'un titre. « Il se peut que nous soyons en train de vivre une époque similaire à ce qui s'est passé il y a des milliers d'années, explique-t-il. Une telle recherche sur le passé pourrait nous permettre de simuler les scénarios potentiels pour l'avenir. C'est une démarche adoptée aujourd'hui un peu partout dans le monde, en raison du débat sur le changement climatique. »
Un ancien professeur à l'AUB, géologue de formation, spéléologue par passion, Fadi Nader, a effectué une étude sur une stalagmite prélevée dans la grotte de Jeïta. L'étude a été effectuée en 2005-2006 à l'AUB, grâce à une bourse du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), avec...

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