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Liban - Alimentation

II- Pourquoi le bio est-il plus cher ?

Que les produits bio coûtent davantage que les produits conventionnels, c'est aujourd'hui une évidence. Mais en connaissons-nous les raisons et les prix sont-ils toujours justifiés ? Explications des producteurs.

Le désherbage pratiqué manuellement avec des machines, sans produits chimiques. Ce sont des procédés pareils qui font grimper le coût de production. Ici, dans la ferme gérée par Roula Farès.

Par une initiative personnelle, Hadi el-Solh, un jeune agriculteur, a décidé de transformer les terrains familiaux en exploitation biologique certifiée. Cela n'a pas été facile parce que les terrains sont aujourd'hui traversés par l'autoroute du Sud et que le processus a été long. «Il a fallu une période de transition où je vendais toujours les produits comme conventionnels, raconte-t-il. Cela fait trois ans que l'exploitation est certifiée, et elle vient juste de devenir rentable. On peut en vivre, mais cultiver bio reste plus compliqué, les pertes de récoltes sont plus lourdes, la production est moins intensive et il faut recourir davantage à la prévention puisqu'on n'a pas le concours des produits chimiques. » Hadi el-Solh estime que, selon les produits et les saisons, il est obligé de vendre de 50 à 70% plus cher, mais ce petit producteur a aujourd'hui son cercle de clients et de magasins spécialisés avec lesquels il traite.
Transformer son terrain en une exploitation bio est donc plus ou moins lourd, selon qu'il a servi pour l'agriculture conventionnelle ou non, ou selon son emplacement (plus la ferme est isolée, moins il y a de problèmes). Il y a aussi le coût de la certification qui, même fixe par an, peut constituer une contrainte pour certains. Cela dépend aussi des récoltes.
Youssef Farès a une exploitation d'oliviers qui, dès cette année, est désormais toute certifiée. Il a eu recours au certificat bio non seulement par conviction, mais parce qu'il cherche à mieux distinguer son produit, l'huile d'olives «Zejd», sur le marché de l'exportation. «Il y a des dépenses supplémentaires, mais le produit se vend plus cher aussi sous le label bio, explique-t-il. Les frais supplémentaires, dans mon cas, se sont limités à 22%, peut-être parce qu'il est plus facile de transformer des oliviers que d'autres plantations. Dans les procédés agricoles, il y a des dépenses importantes comme pour les pesticides bio ou les pièges à phéromones (attirer l'insecte pour le piéger), et il y a aussi des possibilités de faire des économies, comme avec les engrais naturels. Plus j'avance, plus je trouve des solutions qui réduisent mon coût de production. Je vends actuellement à 50% plus cher et j'aurais même pu augmenter mes prix vu le label bio, mais je ne l'ai pas voulu.» Sera-t-il possible de vendre au prix du conventionnel un jour? «Les prix vont baisser quand le bio ne sera plus une nouveauté, c'est pareil dans tous les pays du monde, mais une marge de 20% reste acceptable», dit-il.
Joseph Massoud, pour qui la culture bio a commencé comme un hobby avant de devenir une affaire sérieuse, explique que cela coûte cher d'ériger les bâtiments, de lancer les récoltes, d'importer, comme dans son cas, tous les équipements et les graines et d'embaucher un personnel nombreux. «C'est peut-être rentable à long terme, mais pas à court terme», dit-il. Il déclare vendre, sous sa marque Biomass, de 20 à 30% plus cher et ne pas changer de prix même si le marché fluctue.
Ayant transformé son terrain familial dans la Békaa en exploitation bio, Amine Issa explique que «le plus dur, c'est le manque à gagner la première année, quand la production chute et que le producteur vend au prix du conventionnel, mais il se rattrape après en vendant au prix du bio».
Roula Farès, consultante et gérante d'une ferme appartenant à Victoria Khoury, dans le Chouf, explique pourquoi les frais sont beaucoup plus importants dans les exploitations bio et ce qu'il faut en faire. «Les agriculteurs ont souvent besoin de consultation pour réduire leurs coûts et trouver des solutions à leurs problèmes, ce qui existe très peu au Liban, dit-elle. La ferme que je gère n'est pas encore rentable, mais elle aura une production proche du conventionnel en quantité d'ici à cinq ou six ans. Mondialement, les prix du bio sont plus chers de 20 à 30%. Au Liban, on peut aller jusqu'à 50% parce que l'agriculteur ne bénéficie d'aucun soutien de l'État.»
Parmi ces producteurs, une seule voix discordante. Khalil Allayq, gérant d'une grande ferme au Sud, à Nmeirieh, appartenant à Adnane Khayat et bientôt certifiée par IMC, pense qu'avec un peu d'efforts, il est possible de vendre du bio au prix du marché. «Si l'agriculteur connaît sa terre et apprend à prendre les précautions nécessaires, il peut réduire au minimum les pertes de récoltes et améliorer sa production, affirme-t-il. Ce qui coûte cher, ce sont les pesticides bio or, dans ce domaine, je crois que les importateurs font des profits au dépens de l'agriculteur. C'est pourquoi nous avons fondé une compagnie pour en importer à moindre prix. Pour l'instant, nous nous faisons livrer les nôtres à nos frais. Et du fait que nous avons trois grandes fermes et un magasin nouvellement ouvert, nous avons beaucoup diversifié nos récoltes, ce qui nous aide à lutter contre les fléaux.»

De « vrais » produits
Les prix sont-ils contrôlés une fois commercialisés ? La question posée à Healthy Basket (AUB), à Souk el-Tayeb, au magasin bio «New Earth» et au magasin «al-Marj» prouve plutôt que les producteurs ont la liberté de fixer leurs prix, qu'on leur conseille simplement de baisser s'ils paraissent
exagérés. Cependant, selon certaines sources, les prix seraient parfois tout à fait injustifiés, en l'absence de toute régulation du secteur. De manière plus générale, ils dépendent de l'offre et de la demande, qui a grandement augmenté récemment (voir la première partie de notre dossier parue dans l'édition du 26 avril).
Qu'en est-il des produits agroalimentaires bio? Autant Fadi Daou, producteur de la marque certifiée «Adonis Valley», que Walid Nasreddine, créateur de la marque bio «al-Coara», pensent que la différence de prix est justifiée, du fait de la qualité des matières premières utilisées. «Avec les produits bio, une purée de tomates, par exemple, est vraiment composée de tomates, non d'arômes artificiels, souligne Fadi Daou. De plus, étant plus surveillés que d'autres, nous sommes obligés de marquer nos ingrédients avec précision.»
Walid Nasreddine revendique une aide plus importante de l'État, à toutes les étapes de la chaîne, pour aider les producteurs à réduire leurs coûts. «Cette année, par exemple, les matières premières étaient plus chères en raison des conditions climatiques, souligne-t-il. De plus, nous avons souvent des problèmes de marketing. Pourquoi ne pas envisager une campagne nationale pour soutenir le bio?»

Un produit de luxe ?
Alors, le bio serait-il un produit de luxe? Il est évident que jusqu'à nouvel ordre, ces produits restent réservés à une certaine niche, même si la clientèle se diversifie. «Quand de nouveaux clients nous demandent notre avis sur la façon dont ils doivent changer leur mode de consommation, nous ne leur conseillons évidemment pas de se nourrir exclusivement de produits bio, parce que ça leur coûterait beaucoup trop cher, affirment Sabine Kassouf et Layan Makarem, propriétaires de "New Earth".  Mais nous leur proposons de commencer par les produits qui peuvent constituer un danger, comme les légumes et fruits, les graines... Ils pourront ensuite compléter leurs achats par un ou deux autres produits, selon leur goût.» Tout en avouant que leur affaire est encore loin d'être rentable, les deux femmes se disent obligées d'importer plusieurs produits. «Mais plus nous pourrons les remplacer par des produits locaux, plus le nombre de producteurs augmentera, plus les prix baisseront», ajoutent-elles.
Haïfa Abbas, copropriétaire de la boutique «al-Marj» avec Rameh Chaër, déclare tenter par tous les moyens de garder les prix dans une marge acceptable, en en parlant directement avec les producteurs locaux. «Notre marchandise bio reste un peu plus chère que la conventionnelle, mais le consommateur apprend à discerner aujourd'hui, dit-elle. En fait, nos prix sont équivalents au haut de gamme ailleurs, mais avec une qualité plus saine.»
Il en est une qui pense que le bio ne doit surtout pas être une affaire de nantis. «Il faut sortir le bio de sa niche élitiste, soutient Roula Farès. Pour cela, il faut une sensibilisation à grande échelle et des subventions de l'État. Pour moi, il est plus important que les moins nantis se nourrissent de produits bio, parce que ce sont justement eux qui n'ont pas de quoi se soigner.»
Par une initiative personnelle, Hadi el-Solh, un jeune agriculteur, a décidé de transformer les terrains familiaux en exploitation biologique certifiée. Cela n'a pas été facile parce que les terrains sont aujourd'hui traversés par l'autoroute du Sud et que le processus a été long. «Il a fallu une période de transition où...

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