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Liban - Papier d’angle

Samedi, place Samir Kassir, le cri du cœur de Moultazimoun : « Non à la guerre ; on veut faire de nous des morts-vivants ! »


Elles s'appellent Gloria el-Khazen et Colette Touma. Ce sont des mères de famille actives, engagées, passionnées, clairvoyantes. Des citoyennes, dans la pleine acception du terme. Elles ont vécu sous les bombes, durant les quinze ans de la guerre libanaise, et ont fait, comme chaque individu, chaque famille, entre 1975 et 1990, de la résistance civile à la violence absurde qui s'est abattue sur le pays. Terrible époque, heureusement révolue, où il fallait prendre en charge sa sécurité et celle des siens pour survivre dans le chaos absolu, dans l'irrationalité totale du langage des armes.
Heureusement révolue, cette époque ? Pas si sûr que ça. Gloria el-Khazen et Colette Touma font partie de cette opinion publique qui refuse de baisser les bras et de se résigner au fait accompli : celui de voir le Liban entraîné de nouveau et de force dans une spirale de violence, cette fois régionale, comme en 2006, en raison d'un groupe politique qui s'est arrogé le droit de vie ou de mort sur chaque individu du peuple libanais, à la manière des empereurs romains, sans consulter quiconque - à part peut-être une autorité suprême qui n'est pas l'État libanais, et qui se trouve même loin, très loin, des contrées libanaises.
C'est pourquoi, conscientes de la nécessité de rester mobilisées, elles ont toutes les deux contribué, avec un réseau d'individus indépendants et de cadres de la société civile engagés et animés des mêmes hantises, du même esprit d'initiative et de la même passion, à créer il y a peu une ONG dans l'esprit du 14 mars 2005 sous le nom de Moultazimoun. Objectif : défendre la souveraineté du Liban, soutenir l'édification de l'État libanais, œuvrer pour consolider la rencontre islamo-chrétienne au fondement de l'indépendance du pays, et surtout prôner une culture de paix et de vie au pays du Cèdre face à la culture de la violence et de la haine véhiculée par certains milieux et groupes politiques.
Gloria et Colette ne sont pas préoccupées par les enjeux de pouvoir et les querelles politiciennes. Elles veulent vivre, c'est tout, comme des millions de Libanais. Et, surtout, elles ne veulent pas mourir. En tout cas pas pour une cause qui ne les concerne pas, ou qui ne concerne pas directement leur pays, mais qui entre dans le contexte d'une stratégie régionale sur laquelle elles n'ont pas prise. Aussi ont-elles pris, avec leurs camarades de Moultazimoun, en réaction à la veillée d'armes savamment entretenue par certains discours depuis un moment - et qui va crescendo ces derniers temps -, l'initiative citoyenne d'organiser un sit-in le samedi 6 mars à 13h, place Samir Kassir, près l'immeuble d'an-Nahar dans le centre-ville de la capitale.
« Nous voulons juste dire non à la guerre, non à la destruction du Liban une fois de plus. Nous devons nous mobiliser. Comment d'ailleurs pourrions-nous ne pas le faire ? C'est l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants qui est en jeu. C'est l'avenir de tout un peuple. Tout un peuple peut-il se laisser mener à l'abattoir sans qu'il n'ait aucune prise sur son destin, alors qu'on s'apprête à lui enlever ce qu'il a de plus cher, son droit fondamental et basique à la vie ? » s'interroge Gloria el-Khazen.
Ce que Gloria et Colette réclament, c'est que le Liban cesse d'être l'abcès de fixation de la région, et que tous les va-t-en-guerre libanais, ainsi que ceux qui les soutiennent, se taisent enfin. Elles ne veulent plus que le Liban soit de nouveau l'unique théâtre de confrontation, ce qui conduirait à l'anéantissement politique et économique du pays, pour le compte de stratégies régionales qui n'ont rien à voir avec les Libanais. Aussi appellent-elles à une participation massive au sit-in de samedi, compte tenu du fait que chaque individu a le droit de déterminer librement son destin, sans qu'un parti politique le fasse à sa place, qu'un leader décide à sa place si le débat sur les armes du Hezbollah est clôturé ou pas, ou qu'une table de dialogue sur la stratégie de défense noie le poisson dans l'eau. D'autant que les élections du 7 juin dernier constituaient un référendum sur cette question, et que la réponse des Libanais sur le dossier des armes était claire comme de l'eau de roche : la majorité n'en veut pas. Même si les armes ont fini par annuler les résultats des élections démocratiques, et que c'est l'ensemble de la démocratie, voire la paix même, qu'elles mettent inlassablement en péril.
Pour Gloria et Colette, le message est limpide, la bataille si évidente : « Nous en avons assez d'être des victimes pour le compte des autres. Nous voulons prendre notre destin en main. Nous voulons la paix et nous voulons vivre. C'est tout. Personne ne peut se permettre de disposer d'un droit de vie ou de mort sur nous. En fait, on veut faire de nous pire que des vivants. On veut nous faire vivre dans un pays détruit et sans aucune volonté. On veut faire de nous des morts-vivants ! »
« On veut faire de nous des morts-vivants. » La formule est magnifique, frappante de vérité. Désarmante, oserions-nous dire. Aussi Moultazimoun et ses mères de famille militantes, Gloria, Colette et toutes les autres, espèrent que leur appel citoyen sera entendu et compris par tout un chacun, samedi, place Samir Kassir, au cœur de la cité, Beyrouth. Pour dire « non », massivement, au fait accompli, pour réagir tant qu'il est encore possible de le faire. Avant qu'il ne soit trop tard.
Elles s'appellent Gloria el-Khazen et Colette Touma. Ce sont des mères de famille actives, engagées, passionnées, clairvoyantes. Des citoyennes, dans la pleine acception du terme. Elles ont vécu sous les bombes, durant les quinze ans de la guerre libanaise, et ont fait, comme chaque individu, chaque famille, entre 1975 et 1990, de la résistance civile à...

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