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Liban - Éclairage

Des concessions de part et d’autre et un vainqueur, l’esprit de compromis

Au cours des quatre derniers mois, les Libanais ont eu l'impression d'avoir tout entendu, surtout le pire, avec force insultes et critiques, et ils en étaient arrivés au point de croire que le fameux gouvernement d'union ne verrait jamais le jour tant les positions semblaient opposées et la genèse difficile et complexe. Et pourtant, depuis la première désignation de Saad Hariri, 135 jours auparavant, pour former le gouvernement, les plus sages, puisqu'il y en a quand même, savaient que la seule formule possible est celle du compromis et que pour qu'il se concrétise, toutes les parties devront faire des concessions. Ces sages savaient aussi que ces concessions ne deviendront possibles que lorsque le climat régional et international sera favorable à une entente entre les Libanais et ces derniers trouveront alors entre eux le ressort nécessaire pour se mettre d'accord.
Après des mois de suspense, qui a d'ailleurs duré jusqu'à la dernière minute, l'atmosphère était hier au soulagement. Mais ce soulagement n'efface pas la nécessité de dresser un premier bilan.
Un rapide survol des derniers mois et des conditions exigées par les deux camps pendant les longues et difficiles négociations montre que la majorité et l'opposition ont obtenu ce qu'elles souhaitaient et, en définitive, consenti des concessions.
Lorsqu'après sa première désignation, Saad Hariri a accepté de former un gouvernement d'union nationale selon la formule 15-10-5, qui avait fait l'objet d'un accord entre les dirigeants saoudiens et syriens et qui confirme en quelque sorte l'esprit de l'accord de Doha, il avait aussi accepté d'accorder un tiers de blocage et une majorité déguisés à l'opposition et au camp du 14 Mars via les deux ministres chiite(Adnane Sayyed Hussein) et sunnite(Adnane Kassar) intégrés à la part du président de la République et bénéficiant de la confiance de l'opposition et de la majorité parlementaires. Hariri était ensuite revenu sur cet accord, refusant de reconnaître ouvertement la formule 15-10-5.
D'ailleurs, le camp du 14 Mars a menacé à plusieurs reprises de former un gouvernement entièrement issu de la majorité, formule qui était le plus souvent brandie par les Forces libanaises en particulier. Après sa démission et sa seconde désignation, Saad Hariri s'était d'ailleurs bien gardé de parler de gouvernement d'entente, dans une tentative de faire monter les enchères, mais finalement il y est revenu tout simplement parce qu'il n'y a pas d'autre formule possible au Liban, dans le contexte actuel.
De même, pendant plusieurs semaines, le camp du 14 Mars s'est opposé à la désignation de l'actuel ministre des Télécommunications Gebran Bassil au sein du nouveau gouvernement, selon le principe du refus de donner un portefeuille ministériel aux candidats malheureux aux élections législatives. Le chef du Bloc du changement et de la réforme a justifié sa revendication en affirmant qu'il existe une séparation des pouvoirs et que les élections législatives n'ont absolument rien à voir avec le choix des ministres qui relèvent de chaque camp. Il a finalement obtenu gain de cause. Gebran Bassil est ministre et c'est Aoun qui choisit les ministres qui représentent son bloc.
 Autre concession de la majorité, elle a accepté après maints tiraillements de laisser le portefeuille des Télécommunications au Bloc du changement et de la réforme, tout comme ce bloc a gardé le portefeuille de l'Énergie, alors que la majorité affirmait qu'elle ne souhaitait pas donner des maroquins économiques à l'opposition, car le Premier ministre voudrait appliquer un plan de réformes dans ce domaine en application des résolutions de la conférence de Paris III. Les Forces libanaises ont dû accepter de leur côté deux ministres grecs-orthodoxes, alors que les Kataëb doivent se contenter d'un portefeuille et Boutros Harb a renoncé à la Justice.
De son côté, le général Michel Aoun a aussi présenté des concessions pour faciliter la naissance du gouvernement d'union nationale. Alors qu'il avait commencé par réclamer une part gouvernementale proportionnelle à sa représentation au Parlement, autrement dit six ministres correspondant à 27 députés, il a finalement accepté que son bloc n'obtienne que cinq ministres. Il avait ensuite réclamé cinq portefeuilles et il a dû se contenter de quatre avec un ministère d'État attribué au ministre du Courant des Marada. Le général Aoun avait aussi réclamé un portefeuille régalien et il a finalement accepté les Télécommunications et l'Énergie, en plus de l'Industrie et du Tourisme. Son bloc parlementaire comptant 19 députés maronites, Aoun réclamait aussi 4 ministres appartenant à cette communauté, et il a en obtenu finalement trois, les deux autres étant un grec-catholique (Charbel Nahas) et un arménien orthodoxe (Abraham Dadayan). Enfin, ultime concession qui n'a d'ailleurs jamais été reconnue ouvertement par le général Aoun, Gebran Bassil a obtenu l'Énergie à la place des Télécommunications. Les proches du courant aouniste affirment que leur chef avait haussé les enchères pour pouvoir céder sur quelques points, mais ils insistent sur le fait que grâce notamment à l'appui de ses alliés, il a obtenu la plupart de ses exigences.
Du côté du bloc du président de la Chambre, aucune concession n'a été présentée, Berry ayant conservé trois portefeuilles, notamment les AE, la Santé et il a obtenu la Jeunesse et les Sports. Le Hezbollah, lui, a obtenu deux portefeuilles secondaires, l'Agriculture et le Développement administratif. Et pour la première fois depuis l'accord de Taëf, le portefeuille du Travail n'est pas attribué à un ministre proche de la Syrie puisque c'est cheikh Boutros Harb qui en hérite. Maintenant qu'une nouvelle page devrait en principe être tournée avec la Syrie, le ministère censé gérer le dossier de la main-d'œuvre syrienne ne devrait plus poser de problèmes...
La première analyse montre ainsi que chaque camp a plus ou moins mis de l'eau dans son vin pour que le gouvernement d'entente puisse voir le jour et comme l'a déclaré hier le général Aoun, c'est le Liban et l'unité qui sortent vainqueurs de ces longs mois de négociations. Mais il n'est pas facile d'effacer par une photo souvenir 135 jours de discussions houleuses, frôlant la rupture...
Au cours des quatre derniers mois, les Libanais ont eu l'impression d'avoir tout entendu, surtout le pire, avec force insultes et critiques, et ils en étaient arrivés au point de croire que le fameux gouvernement d'union ne verrait jamais le jour tant les positions semblaient opposées et la genèse difficile et complexe. Et pourtant, depuis la première...

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