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Liban - Société

Le trafic d’enfants au Liban, un sujet encore bien tabou

Le trafic d'enfants existe-t-il au Liban ? Si oui, quelles en sont les représentations et quelle en est l'ampleur ? Difficile de le dire en l'absence d'études et de données statistiques.
On se doute, évidemment, que nombre de petits mendiants ne se trouvent pas dans les rues par leur seule volonté ou que de nombreux enfants qui travaillent le font sous la contrainte et viennent de régions lointaines, parachutés là par des adultes. On sait aussi que l'adoption ne se fait pas toujours dans les normes légales. On soupçonne des magouilles dont sont victimes les enfants, par ouï-dire, sans preuves tangibles, sans compréhension du problème réel. Car le sujet est tabou et surtout caché.
Mieux connaître l'ampleur du trafic d'enfants au Liban et en identifier les différentes facettes est l'objectif principal de l'organisation World Vision qui a mis en place une étude, en coopération avec le Conseil supérieur pour l'enfance dépendant du ministère des Affaires sociales. Dans l'attente des résultats, la responsable des affaires liées au trafic et au genre auprès de l'organisation, Carla Lewis, explique à L'Orient-Le Jour les différentes formes que pourrait prendre le trafic d'enfants, un dossier qui fait débat, jusque dans ses définitions, car il est important de ne pas faire la confusion entre l'exploitation des enfants et le trafic de mineurs.
Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), le trafic d'enfants est le recrutement et le transport d'enfants à motifs d'exploitation. Ce déplacement peut se faire à travers des frontières ou au sein d'un pays, d'une ville à l'autre, de la campagne à la ville, et même au sein d'une même région. « Le trafic d'enfants pourrait donc toucher des enfants libanais, à l'intérieur du pays, et ne se limiterait pas aux enfants étrangers introduits au Liban », précise Mme Lewis.
« Des ONG locales ont ainsi observé des cas de trafic d'enfants, notamment dans certaines fermes agricoles ou dans certains chantiers de construction, qui emploient une main-d'œuvre enfantine », affirme Carla Lewis. Elle donne, à ce propos, l'exemple d'une enfant violée dans l'exploitation agricole familiale où elle a été envoyée pour travailler.
Les petits mendiants, lorsqu'ils sont « contrôlés et transportés par des adultes », sont aussi considérés comme des victimes de traite. Quant à l'exploitation sexuelle des enfants, des cas ont bien été évoqués à Nabaa et à Tripoli, et un rapport des Nations unies datant de 2005 fait part « d'opérations de transport, à travers la frontière syro-libanaise, de mineures syriennes et irakiennes », indique Mme Lewis. « Mais peu d'associations ou de travailleurs sociaux évoquent le sujet », ajoute-t-elle. Aucune recherche n'a donc jamais été menée au Liban sur cette forme de trafic, vu l'aspect tabou du sujet.
Carla Lewis précise, de plus, que des cas de vente de nourrissons ont été rapportés, dans le cadre de l'adoption illégale. Elle évoque aussi les cas de mariages forcés de jeunes filles, notamment d'adolescentes australiennes d'origine libanaise, mariées de force au Liban par leurs familles, à l'occasion d'un séjour au pays.

Aucune loi ne criminalise ce trafic
« La gravité du problème réside dans le manque d'informations », insiste Carla Lewis. C'est la raison pour laquelle World Vision met tous ses espoirs dans la recherche dont les résultats doivent être publiés bientôt. Une recherche qui vise à identifier le problème et à connaître les formes que prend le trafic. Cette étude qui a été menée dans cinq régions, au Akkar, dans la Békaa, à Tripoli, à Beyrouth et à Saïda, veut également comprendre la façon dont les enfants eux-mêmes perçoivent leur situation. « Souvent, ils ne se considèrent pas comme des victimes », dit-elle. Mme Lewis ajoute que l'étude devrait enfin identifier les causes et les facteurs sociaux qui rendent les enfants vulnérables. « Nous saurons au moins identifier les victimes de trafic. Cela nous permettra de mettre en place une intervention meilleure et plus efficace », souligne-t-elle encore, tout en assurant que les enfants qui travaillent et les petits mendiants ne sont pas tous nécessairement victimes de trafic.
Il existe toutefois un frein de taille à la lutte contre le trafic d'enfants au Liban, indique la responsable. « Le pays a bien ratifié, en 2005, le protocole de Palerme de l'ONU. Il est donc dans l'obligation de promulguer des lois domestiques contre la traite des personnes, estime Carla Lewis. Or, il ne l'a toujours pas fait, et aucune loi libanaise ne criminalise le trafic d'enfants », constate-t-elle, affirmant qu'« aux yeux de la loi libanaise, le trafic d'enfants n'existe pas ». Elle insiste sur la gravité de cette lacune, précisant que les coupables ne sont pas sanctionnés et que l'enfant n'est pas reconnu comme victime. Et de remarquer, à ce propos, qu'un petit mendiant est souvent traité comme un vagabond par les autorités, alors qu'il pourrait être victime de trafic. « La loi devrait pourtant le protéger », assure-t-elle, tout en affirmant que l'UNODC et le ministère de la Justice s'attellent actuellement à mettre en place une loi pour criminaliser le trafic d'enfants.
Une proposition d'un texte de loi a, en fait, été présentée par l'UNODC au ministère de la Justice qui l'a soumise, pour examen, à la commission de Consultation et de Législation. On attend aujourd'hui la formation d'un nouveau gouvernement, qui devrait plancher sur le texte.
Il reste à espérer que ce dossier sera considéré prioritaire, pour une meilleure protection de l'enfance au Liban.
On se doute, évidemment, que nombre de petits mendiants ne se trouvent pas dans les rues par leur seule volonté ou que de nombreux enfants qui travaillent le font sous la contrainte et viennent de régions lointaines, parachutés là par des adultes. On sait aussi que l'adoption ne se fait pas toujours dans les normes légales. On soupçonne des...

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