Rechercher
Rechercher

Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole - Législatives 2013 : Les électeurs libanais ont la parole

Le rêve des Khoury de Ayto : permettre la vie au village

Premier volet de notre série en partenariat avec la Fondation Samir Kassir sur les attentes des électeurs libanais : la famille Khoury, à Ayto, au Liban-Nord.

Fabiola Khoury accueillant les visiteurs chez elle à Ayto, dans le caza de Zghorta, au Liban-Nord.

Ayto, par une douce matinée de week-end. Ce village du caza de Zghorta (Liban-Nord), bordé à l’est par Ehden, s’étend sur sept petits kilomètres carrés, presque entièrement couverts de forêts. Du plus haut point du village, situé à 1300 mètres d’altitude, le panorama est grandiose, une véritable plongée vers le littoral libanais.
La présence humaine paraît réduite à une rue principale, qui serpente à travers le village. Les façades de pierre aux volets colorés des bâtisses disparates donnent au village un aspect de désordre et l’impression d’un certain délabrement. Une chienne erre sur l’asphalte endommagé, refroidie par les neiges qu’estompe peu à peu un soleil d’hiver.
Ayto résonne de la quiétude de ses quelque 400 résidents permanents, en même temps qu’il absorbe leur angoisse muette. Celle de voir leur contrée se vider
progressivement.
Hanna Khoury, 56 ans, et Fabiola, 52 ans, mariés depuis seulement sept mois, sont une métaphore de l’espoir. Artisan-pâtisser de renom depuis près de 30 ans, Hanna est né à Ayto et y a fait sa vie. Sa détermination et sa patience lui ont valu une aisance financière et la possibilité de construire un immeuble moderne de quatre étages surplombant une petite colline à l’entrée du village. «C’est pour convaincre mes frères de rentrer des États-Unis que j’ai fait construire cet immeuble», confie l’homme menu au regard bleu, un peu mouillé. Alors que 1400 habitants sont inscrits au cadastre du village, 7000 autres Libanais d’Ayto vivent aujourd’hui dans l’État d’Illinois.

Opportunités de travail
Assise près de Hanna sur un canapé rembourré et beige, en harmonie avec les tons de terre de l’appartement, Fabiola se désole de «voir le village se vider en hiver». Elle aussi a vécu plusieurs années aux États-Unis.
La convivialité de son salon bien chauffé paraît comme le reflet de son désir, et celui de son époux, de réunir les membres de leur famille. «Si seulement l’État pouvait créer des emplois ici!» s’exclament-ils en chœur, avant d’évoquer l’ouverture d’usines ou d’ateliers de manufacture dans les villages de la région. «La main-d’œuvre est peu chère, argumente Fabiola, comme d’ailleurs tout ici. Même les mères au foyer souhaitent travailler, pour accroître les revenus du ménage.»
Et pourquoi pas l’ouverture d’un hôtel dans le village « dont l’emplacement, en contrebas d’Ehden, est idéal en toute saison», poursuit-elle. «Si l’État ou les élus du caza parrainaient un tel projet, plus personne n’irait travailler à Beyrouth et les entrées de la capitale se décongestionneraient...» Des idées et suggestions qui, assure Fabiola, «sont celles du village». 

 



Les transports publics
«Le manque de transports publics est un problème fondamental», renchérit Hanna. Un problème particulièrement prégnant dans les zones retirées où les jeunes, explique son épouse, peinent à travailler à cause du coût des transports, surtout en hiver. «Le bus vers Ehden, qui concentre les opportunités de travail, n’est pas toujours disponible et les jeunes doivent payer 10000 livres libanaises par jour pour le trajet en taxi.»
«Nous n’avons pas de demandes personnelles», insiste Hanna, regrettant au passage «le parti pris absolu, presque servile, de certains habitants du village pour les leaders locaux dont ils ont sollicité les services, notamment des pistons pour un emploi dans une banque ou une usine».
Aujourd’hui, Hanna et Fabiola ont besoin à eux seuls de 1000 dollars pour couvrir leurs dépenses mensuelles, ce qui n’est pas peu pour un couple sans enfants habitant en milieu rural. Mais les problèmes de la ville ont rattrapé les villages, comme le rationnement du courant qui contraint les habitants à recourir à un générateur.
Tous les Libanais subissent les défaillances des services publics. Mais ce qui est désolant dans ce coin du pays, encore plus que l’absence d’initiatives, est la disparition de structures qui y avaient existé. C’est le cas précisément de l’école semi-gratuite de Ayto, qui a reçu pendant plus de vingt ans les enfants du village, mais aussi de localités voisines, comme Sebhel, Ejbeh ou encore Mazraat el-Teffah. L’établissement a fermé ses portes il y a deux ans à cause de l’accumulation des versements dus à la Caisse sociale.
Les élèves qui ont été obligés de poursuivre leur parcours scolaire ailleurs «ont brillé, tant l’enseignement qu’ils avaient reçu à Ayto était rigoureux. Les classes ressemblaient à des cours particuliers, grâce au nombre restreint d’élèves», explique Hanna, dont le frère était directeur de l’école, avant d’émigrer après la fermeture.
À la demande d’emplois pour les jeunes, Fabiola ajoute une autre revendication essentielle, celle de procurer aux retraités qui ne bénéficient ni d’assurance ni de couverture sociale «une sorte de carte vermeille qui leur faciliterait l’accès aux soins médicaux».
«Les politiciens promettent et promettent, mais au moment de la mise en œuvre des projets, je ne sais quelles complications surviennent qui empêchent toujours tout», conclut Fabiola.

Ayto, par une douce matinée de week-end. Ce village du caza de Zghorta (Liban-Nord), bordé à l’est par Ehden, s’étend sur sept petits kilomètres carrés, presque entièrement couverts de forêts. Du plus haut point du village, situé à 1300 mètres d’altitude, le panorama est grandiose, une véritable plongée vers le littoral libanais.La présence humaine paraît réduite à une rue...