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Moyen Orient et Monde - Analyse

Le Pakistan aux prises avec son pire scénario

L'insécurité chronique prouve que les insurgés islamistes conservent un pouvoir de terreur en dépit des revers sur le terrain.
Aux yeux des investisseurs et décideurs occidentaux, le Pakistan est aux prises avec le pire scénario qu'ils redoutaient : une insécurité chronique et des attaques islamistes contre les symboles mêmes de l'État. Depuis une semaine, plus d'une centaine de personnes ont été tuées dans une série de coups de main audacieux, dont un contre le QG de l'armée, qui ont prouvé que les talibans pakistanais et leurs alliés islamistes sont loin d'être matés.
« Les assaillants talibans ont montré que, en dépit de la perte de la vallée de Swat cet été, ils conservent un pouvoir de terreur au cœur du Pakistan, frappant l'équivalent du Pentagone pakistanais », souligne l'analyste Bruce Riedel de l'institut Brookings. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils soient en mesure de remporter une victoire militaire décisive. Mais le Pakistan est aujourd'hui confronté à la perspective de mois, voire d'années, de lutte anti-insurrectionnelle contre des activistes qui, sans pouvoir prendre le pouvoir, ont la capacité d'entretenir une insécurité chronique. Quelques milliers de combattants tribaux et d'activistes islamistes ne sauraient en effet défaire la sixième armée du monde, mais leur guérilla est extrêmement déstabilisatrice pour un pays dont l'Occident aimerait faire un allié solide contre le terrorisme international. Il existe un risque croissant que les groupes activistes du Pendjab fassent cause commune avec les talibans pour harceler l'État pakistanais, mais une telle collusion ne serait pas de nature à modifier l'arithmétique militaire. En dehors de leur fief des zones tribales frontalières de l'Afghanistan, les talibans ne peuvent pas espérer se gagner un soutien populaire. « La population n'est pas massivement radicalisée. La plupart des Pakistanais sont modérés », note Claudine Fry. « C'est pourquoi nous ne prévoyons pas d'effondrement ou d'implosion de l'État », ajoute cette analyste au cabinet Control Risks.
Aux yeux des marchés, cela signifie que le risque d'une nouvelle dégradation est minime, mais que celui d'une persistance de la situation actuelle est grand. Dès lors, les autorités pourraient être amenées à délaisser durablement leurs tâches de gouvernance pour faire face à cette insurrection persistante, décourageant du même coup la plupart des investisseurs, sauf ceux qui sont friands de risques. Le chaos qui a régné en Irak après la chute de Saddam Hussein, en 2003, offre un élément de comparaison instructif : les insurgés y ont durablement rendu le pays ingouvernable, minant la normalisation politique et torpillant la croissance économique. Néanmoins, ils n'ont jamais été près de créer les conditions d'une prise de pouvoir et leur campagne de violences a provoqué progressivement un rejet de la population. Les coûts à long terme de l'instabilité au Pakistan seront élevés, mais les dégâts essentiels sont déjà faits. Les risques principaux se sont déjà concrétisés et les marchés s'adaptent. Il faudrait un changement spectaculaire de la situation pour qu'ils réagissent désormais avec vivacité.
Sur le plan militaire, l'attaque embarrassante du QG de l'armée à Rawalpindi a secoué l'état-major, qui pourrait désormais sortir de ses ambiguïtés et réagir avec plus de détermination contre les talibans, estime Maria Kuusisto, analyste à l'Eurasia Group. Déjà cet été, l'armée a chassé les talibans de la vallée de Swat. Un missile américain a fauché leur chef Baïtullah Mehsud. Et l'offensive préparée par l'armée contre leur bastion du Sud-Waziristan ne fait plus aucun doute. Les analystes ne pensent toutefois pas qu'elle sera décisive et n'excluent pas qu'elle ne fasse que déplacer les foyers de la rébellion, y compris peut-être au Pendjab. La souplesse et la mobilité des insurgés restent un de leurs principaux atouts face à une armée conventionnelle. C'est pourquoi la fin de l'instabilité au Pakistan n'est pas pour demain.

Andrew MARSHALL (Reuters)
Aux yeux des investisseurs et décideurs occidentaux, le Pakistan est aux prises avec le pire scénario qu'ils redoutaient : une insécurité chronique et des attaques islamistes contre les symboles mêmes de l'État. Depuis une semaine, plus d'une centaine de personnes ont été tuées dans une série de coups de main audacieux,...

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