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Lifestyle - Objets et histoire

Un pivot de l’éducation !

Du latin dictare, provenant de dicere : dire, la dictée est la lecture d’un texte écrit dans le but d’être retranscrit. L’étymologie rappelle l’origine orale de cet exercice qui sacralise pourtant l’écrit ! Exercice scolaire privilégié de l’école de la République française pour l’acquisition de l’orthographe, la dictée, bihebdomadaire, voire quotidienne, a été surtout l’instrument utilisé, par le choix des textes littéraires ou rédigés à dessein, pour inculquer à des générations d’élèves la morale laïque, pour leur apprendre une certaine histoire de France, finalement pour former un citoyen laïc, républicain, patriote et responsable, dont l’État avait besoin. Pour cela, elle semble devenir peu à peu le symbole de l’égalité de la devise française et de la démocratisation du savoir, puisque, sur le plan idéologique, la dictée permet de liquider le dernier privilège non aboli de la nuit du 4 août 1789 : la maîtrise de la langue française qui distinguait les hautes classes sociales proches du pouvoir politique du reste de la population. En effet, de loisir de l’aristocratie du Second Empire, la dictée devient le passe-temps le plus accessible au Français ordinaire avec l’émission télévisée de Bernard Pivot, retransmise de 1985 à 2005. Loisir oui, car au château de Compiègne, il arrivait que la cour du Second Empire se divertisse avec des séances de dictée. Napoléon III, sa femme Eugénie, et toute la cour s’adonnaient à... ce jeu ! Celle proposée en 1857 par Prosper Mérimée, académicien, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres et membre de l’Académie française, est devenue légendaire, truffée de subtilités diverses et variées. Le nombre de fautes des participants serait respectivement de 75 pour l’empereur, 62 pour l’impératrice, 24 pour Alexandre Dumas fils et 3 pour l’ambassadeur autrichien Metternich. À l’annonce des résultats, Alexandre Dumas se serait tourné vers Metternich pour lui demander : « Quand allez-vous, prince, vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? » La IIIe République va mettre bon ordre et redorer ainsi le blason de cette pauvre France ! Le nouveau régime politique, par l’exercice obligatoire de la dictée au certificat d’étude, imposant la notation drastique du « cinq fautes : zéro » éliminatoire, élève donc tout écolier détenteur du diplôme, qu’il soit fils de paysan, d’ouvrier, d’instituteur, de médecin, d’immigré, à un rang supérieur à celui de Napoléon III : il devient donc plus digne que l’empereur d’être français et de participer à la gloire du pays, en trouvant un emploi, le certificat d’étude étant le sésame qui permettait le passage à la vie professionnelle. Le « zéro faute » à la dictée suscite alors inconsciemment une fierté extraordinaire. Quant à la fameuse dictée qui fait date dans l’histoire de la langue française et pour ceux qui voudraient se mesurer à l’empereur, voici un extrait : « Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier. Quelles que soient et quelqu’exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires. Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d’une phtisie... »
En septembre 2003, pour le bicentenaire de Mérimée, Bernard Pivot a créé cette dictée bien amusante : Napoléon III : ma dictée d’outre-tombe.
« Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c’est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l’esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu’aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j’étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d’autres. Pourvus d’antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit. En échange de quoi ? D’un cuissot de chevreuil du Tyrol ? »
Si ces deux dictées vous semblent dures, commencez plutot, en guise d’échauffement, par ce texte : « Mes mésanges, mes anges, ont sans défaut et sans dés faux gagné leur mise remise cent fois avec foi en jeu. Depuis les pies, dépitées et épuisées, ruminent, la mine défaite, pas à la fête de fait. Un petit verre de vers verts saura-t-il leur faire oublier ce sévère revers ? » Un hasard qui crée le bazar !

Sources principales : languedeculture.fr ; canalacadémie.com ; secondempire.voila.net
Du latin dictare, provenant de dicere : dire, la dictée est la lecture d’un texte écrit dans le but d’être retranscrit. L’étymologie rappelle l’origine orale de cet exercice qui sacralise pourtant l’écrit ! Exercice scolaire privilégié de l’école de la République française pour l’acquisition de l’orthographe, la dictée, bihebdomadaire, voire quotidienne, a été...

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