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Dossiers Moyen-Orient - Analyse

Le Fateh et le Hamas ont besoin d’un « accord de Doha »

Pour la cinquième fois en deux mois, le Hamas et le Fateh sont engagés dans un dialogue de réconciliation nationale. Un échec des pourparlers entre les deux factions palestiniennes aurait de graves conséquences, tant sur le plan politique qu'humanitaire.
« Le dialogue de la dernière chance. » C'est ainsi que les Palestiniens qualifient la nouvelle série de pourparlers, entamée samedi dernier au Caire, en vue d'une réconciliation entre le Fateh et le Hamas. Cette séance de « dialogue national » - la cinquième en deux mois - doit, si elle est couronnée de succès, aboutir à la formation d'un gouvernement d'union, la réforme des services de sécurité, la mise en place d'une nouvelle loi électorale ainsi que la réorganisation de l'OLP.
Hier, l'agence officielle égyptienne Mena a rapporté que Le Caire a accentué la pression sur les rivaux palestiniens pour qu'ils parviennent à un accord dans les semaines à venir. Le chef des renseignements égyptiens, Omar Souleimane, « a proposé aux délégations des deux mouvements, au cours de l'entretien qu'il a eu avec elles (samedi soir), que la prochaine session soit consacrée à l'annonce d'un accord sur la fin de la division ».
Mais les pourparlers entre les factions rivales palestiniennes achoppent, toujours, sur plusieurs points. Selon les sources officielles proches du dossier citées par l'AFP, le principal problème est le refus du Hamas de reconnaître les accords israélo-palestiniens passés. Toutefois, certains analystes estiment que la crise actuelle entre le Fateh et le Hamas, en conflit ouvert depuis la prise de la bande de Gaza par le mouvement islamiste en juin 2007, est plus profonde et complexe qu'elle ne le semble. « Dire que le principal point d'achoppement dans les pourparlers est le refus du Hamas de reconnaître Israël serait naïf, estime ainsi Sakr Abou Fakhr, chercheur, à Beyrouth, à l'Institute for Palestine Studies. Ce problème peut être facilement réglé à travers un gouvernement formé de technocrates. » Selon lui, le conflit entre le Fateh et le Hamas « est plus que politique, c'est un véritable bras de fer entre deux courants sur la légitimité et le pouvoir ». « D'une part, explique-t-il, le Hamas ne peut pas se permettre de perdre le contrôle de la bande de Gaza après son coup de force de 2007. Un gouvernement d'union signifierait pour le mouvement islamiste un partage du pouvoir avec le Fateh et donc une certaine perte d'influence à Gaza. » « D'autre part, poursuit M. Abou Fakhr, le Fateh fait face, de son côté, à une véritable crise interne. Le parti semble incapable jusqu'à présent de s'accorder sur les modalités et le lieu de la tenue de sa sixième conférence générale en raison d'altercations entre les membres eux-mêmes », précise-t-il, tout en rappelant que la dernière conférence générale organisée par le Fateh a eu lieu à Tunis... en 1989.
Le conflit au sein du Fateh était notamment particulièrement visible la semaine dernière, lorsque le président Abbas a annoncé son intention de charger le Premier ministre démissionnaire Salam Fayyad de la formation d'un nouveau gouvernement qui était supposé prêter serment mardi dernier, selon de nombreuses sources palestiniennes. Plusieurs membres du Fateh, dont le chef du groupe parlementaire, se sont soulevés contre Abou Mazen pour avoir chargé M. Fayyad, un indépendant, et non un membre du parti, de la formation du nouveau cabinet.

Deux gouvernements ?
Le Hamas, de son côté, accuse Mahmoud Abbas de vouloir « saboter le dialogue ». « Cette décision reflète l'absence de volonté (chez M. Abbas) de parvenir à un accord, et elle est susceptible de consacrer les divisions », a prévenu, lundi dernier, le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum. Par ailleurs, et en dépit des assurances de Mahmoud Abbas selon lesquelles le nouveau gouvernement démissionnerait en cas d'accord avec le Hamas, ce dernier a déclaré son intention de former à son tour un nouveau cabinet dans la bande de Gaza en cas d'échec des pourparlers du Caire. Selon des sources palestiniennes, le « gouvernement du Hamas » sera formé par l'ancien Premier ministre Ismaïl Haniyeh et comprendra certains « indépendants », mais exclura tout membre du Fateh. Cette annonce, qui vient en réaction à celle de Abbas, souligne l'ampleur de la crise politique qui se profile dans les territoires palestiniens.
Conscient des lourdes conséquences d'une telle situation, le président égyptien Hosni Moubarak a exhorté mardi dernier les Palestiniens à s'unir pour parvenir à la création d'un État palestinien. « Avoir deux États séparés (dans la bande de Gaza et en Cisjordanie), ça ne marchera pas et fera juste plaisir à Israël », a-t-il déclaré, visiblement exaspéré.
Face à toutes ces pressions, l'Autorité palestinienne a finalement décidé de reporter la formation d'un nouveau gouvernement jusqu'à la fin de l'actuel round de discussions avec le Hamas, donnant ainsi une nouvelle chance au dialogue.

Situation « alarmante » à Gaza
L'absence d'un accord interpalestinien serait, par ailleurs, « catastrophique » sur le plan humanitaire dans la bande de Gaza. Plus de 100 jours après la fin de l'offensive israélienne contre ce territoire surpeuplé et dominé par le Hamas, la situation est « alarmante », a averti l'ONU. « Des dizaines de milliers d'habitants de Gaza dont les domiciles ont été touchés pendant le conflit se retrouvent sans un logis adéquat dans un été éprouvant. Il est urgent de commencer à reconstruire et à réparer les maisons », a récemment déclaré le coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, Robert Serry. Il a par ailleurs mis en garde contre un retour des violences, « en l'absence de progrès (...) en ce qui concerne la réconciliation entre Palestiniens ».
« Le Hamas est dans une situation très critique », souligne de son côté M. Abou Fakhr, qui est également secrétaire de rédaction à la Revue d'études palestiniennes. « D'un côté, le mouvement islamiste refuse catégoriquement que l'Autorité palestinienne se charge de la reconstruction de la bande de Gaza, et, d'un autre côté, il ne peut pas gérer seul la crise actuelle, ce qui prolonge encore plus la souffrance de la population démunie », ajoute l'expert dans les affaires palestiniennes.
En effet, un accord est vital pour la reconstruction de la bande de Gaza où plus de 1 400 Palestiniens ont péri dans l'offensive israélienne de 23 jours. Ne traitant qu'avec l'Autorité palestinienne, la communauté internationale, qui a promis 4,5 milliards de dollars pour reconstruire Gaza et relancer l'économie palestinienne, refuse que son aide passe par le Hamas. Le mouvement islamiste est classé comme organisation terroriste par plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, pour son refus de reconnaître Israël et de renoncer à la violence. Washington s'est cependant montré récemment disposé à assouplir ses positions vis-à-vis du Hamas. Selon le Los Angeles Times, le gouvernement du président américain Barack Obama a demandé au Congrès d'autoriser l'octroi d'aides aux Palestiniens, y compris dans l'éventualité d'une participation à un cabinet palestinien de responsables proches du Hamas. L'assouplissement de la législation américaine permettrait ainsi l'octroi de 840 millions de dollars d'aide à l'Autorité palestinienne et la reconstruction de la bande de Gaza.

Entre résistance et négociations
Si le Hamas, pour sa part, ne semble prêt ni à renoncer à la violence ni à reconnaître Israël, une récente déclaration de son chef en exil laisse entrevoir un certain assouplissement de ses positions. Dans une déclaration faite au New York Times, Khaled Mechaal a affirmé qu'il refusait la solution de deux États, mais que son mouvement acceptait l'idée d'un État palestinien basé sur les frontières de 1967 avec comme capitale Jérusalem-Est. Les analystes ont interprété cette annonce comme une reconnaissance indirecte de l'État hébreu. Sakr Abou Fakhr rappelle toutefois que cette déclaration du Hamas n'est pas la première du genre. « Plusieurs hauts responsables du mouvement islamiste, dont son fondateur cheikh Ahmad Yassine, ont déjà fait des déclarations allant dans ce sens il y a plus de trente-cinq ans, précise l'expert. Mechaal n'a rien ajouté de nouveau. »
« Tous les mouvements de résistance à travers le monde - du Vietnam à l'Algérie en passant par l'Afrique du Sud - ont eu recours à la violence, mais sans toutefois renoncer aux négociations avec l'ennemi, affirme M. Abou Fakhr. (L'ancien président de l'Autorité palestinienne) Yasser Arafat avait adopté cette même stratégie : il négociait avec les Israéliens lorsqu'il fallait le faire et utilisait la force contre eux comme moyen de dissuasion. » « Aujourd'hui, dit-il, la situation a complètement changé : il y a d'un côté le Hamas, qui combat l'ennemi sans lui parler car il ne possède pas une mentalité politique, et, d'un autre côté, le Fateh, qui négocie avec les Israéliens, mais tout en étant affaibli sur le terrain. En plus, dit-il, les choses ne font qu'empirer : divisées, les principales factions palestiniennes sont en conflit ouvert depuis près de deux ans et, de l'autre côté de la frontière, les Israéliens - préoccupés par la menace iranienne - se sont de plus en plus radicalisés. »
Selon M. Abou Fakhr, la solution au conflit interpalestinien devrait être une solution à l'échelle régionale. « Pour se réconciller, le Fateh et le Hamas ont besoin d'un "second accord de Doha", similaire à celui conclu entre les différents partis libanais en 2008. »
« Le dialogue de la dernière chance. » C'est ainsi que les Palestiniens qualifient la nouvelle série de pourparlers, entamée samedi dernier au Caire, en vue d'une réconciliation entre le Fateh et le Hamas. Cette séance de « dialogue national » - la cinquième en deux mois - doit, si elle est couronnée de...

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