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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Développement

Les e-douanes, un plus pour les finances et la fierté palestinienne

Benjamin BARTHE, de RAMALLAH

Qu'importe le fait qu'ils ne contrôlent aucune de leurs frontières : les douaniers palestiniens font partie d'un club très fermé. Celui des dix pays, dix seulement dans le monde, qui sont équipés d'« Asycuda World ». Ce sigle sibyllin, contraction de « Automated System for Custom Data », désigne la crème des logiciels en matière de gestion des procédures douanières.

Comme la Jordanie, la Lettonie et une poignée d'autres pays européens, la Palestine dispose désormais de ce système ultraperformant, destiné à faciliter le commerce transfrontalier, améliorer la perception des taxes et adapter les pratiques locales aux standards internationaux de « bonne gouvernance ». Son entrée en fonctions, officielle depuis le mois d'août dernier, s'intègre dans un programme de modernisation des services douaniers palestiniens piloté depuis 2001 par la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) avec des fonds européens, d'un montant d'environ trois millions et demi d'euros. Selon Misyef Misyef, le coordinateur palestinien du projet, « l'objectif à terme est de participer à l'avènement d'un e-gouvernement en Palestine », à savoir le transfert sur Internet de toutes les procédures administratives, défi numéro un des bureaucrates du XXIe siècle.
E-douanes et e-gouvernement dans un territoire occupé ? Le paradoxe fait sourire. À quoi bon toute cette sophistication quand l'Autorité palestinienne est incapable de faire rentrer un seul sac de ciment dans la bande de Gaza, soumise au blocus de l'armée israélienne ? Pourquoi se doter d'une technologie dernier cri alors que le ministère des Finances israélien peut, en un seul clic, geler le transfert des taxes douanières qu'il collecte au nom du régime palestinien ? Ce qu'il a d'ailleurs fait durant l'année 2006, lorsque le Hamas dirigeait le gouvernement palestinien, poussant celui-ci au bord de la banqueroute. « La frustration est grande, reconnaît Mark Gallagher, le chef de la section économique du bureau de la Commission européenne à Jérusalem. Les douaniers palestiniens ne peuvent toujours pas se déployer aux frontières de la Palestine. Quand le projet a débuté en 2001, personne n'imaginait que huit ans plus tard, on en serait encore là. »


Une souplesse d'utilisation
Le coordinateur du projet ne baisse pourtant pas les bras. « Même s'il ne fonctionne pas à plein régime, le logiciel Asycuda a dopé l'efficacité des douanes palestinienne », dit Misyef Misyef. Devant la perplexité de son interlocuteur, il explique : lorsqu'un habitant de Cisjordanie importe un produit de l'étranger, il dépose une déclaration ad hoc dans l'un des seize bureaux régionaux des douanes. Sa commande une fois parvenue aux frontières d'Israël ou de la Palestine - deux entités englobées dans une seule enveloppe douanière selon le protocole de Paris, signé en 1994 - les agents israéliens prélèvent les taxes dues et transmettent à leurs homologues palestiniens les documents afférents. Quand, à la fin du mois, le produit de ces taxes est transféré dans les caisses de l'Autorité palestinienne à Ramallah, Misyef et ses collègues comparent la somme reçue avec la somme calculée sur la base des déclarations enregistrées dans Asycuda.
« Les erreurs sont nombreuses car lorsqu'ils réceptionnent une importation palestinienne, les Israéliens s'intéressent davantage aux questions de sécurité que de revenus, dit Daoud Jalloud, l'adjoint du coordinateur. Chaque mois, nous leur demandons un versement additionnel, au titre de ces erreurs. En 2008, nous avons récupéré de la sorte quarante millions de shekels (dix millions de dollars). Quand on sait que ces taxes, avec la TVA, couvrent deux tiers du budget palestinien, on saisit l'importance de ces opérations. »
Dans toutes ces procédures qui généraient une montagne de paperasse, la souplesse du logiciel fait des merveilles. Pour aller encore plus vite, l'équipe de la Cnuced est en train de former le personnel des vingt plus gros importateurs palestiniens à l'art de la déclaration en ligne. « C'est simple et pratique, ça nous fait gagner beaucoup de temps », dit Bassem Fatayer, patron d'une société d'importation de voitures.
Les finances palestiniennes ne sont pas les seules gagnantes dans l'affaire. La fierté nationale en profite aussi. À la fin de l'année 2005, lorsque Israël consentit, sous la pression américaine, à évacuer le poste frontière de Rafah, entre la bande de Gaza et l'Égypte, les douanes palestiniennes y furent opérationnelles en moins d'une semaine. Cette première expérience de souveraineté ne survécut pas à la victoire du Hamas et à la capture du soldat israélien Shalit par un commando palestinien. Mais l'épisode a marqué les esprits. « Les Israéliens se retranchent souvent derrière cette excuse qui consiste à dire que nous ne sommes pas prêts à nous gouverner, dit Misyef Misyef. Notre travail prouve le contraire. Si demain la Palestine est indépendante, nous saurons comment gérer nos frontières. »  

*Europa jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium, L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBC, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du Sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.

Qu'importe le fait qu'ils ne contrôlent aucune de leurs frontières : les douaniers palestiniens font partie d'un club très fermé. Celui des dix pays, dix seulement dans le monde, qui sont équipés d'« Asycuda World ». Ce sigle sibyllin, contraction de « Automated System for Custom Data », désigne la...