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Culture - Exposition

L’énergie sereine de Jean-Michel Solves

Vingt-cinq œuvres (peintures, dessins, sculptures) signées Jean-Michel Solves, sous le signe de la maternité, ont pris place sur les cimaises de la galerie Alice Mogabgab. Énergie sereine pour magnifier, à travers l’une des figures tutélaires de la vie, les éléments fondamentaux de la nature...

« Temple I, II et III. » Ciment polychrome (2003).

Comme des cathédrales à la Huysmans, avec flèches en dentelles de pierre fendant le ciel, ou englouties dans la brume du matin, comme des poupées d’un théâtre d’ombre balinais, avec jupe bouffante, émergent du ventre de la terre ou d’une frêle embarcation livrée au gré des eaux solitaires, des formes fugitives, fugaces. Mais ces silhouettes affrontent avec détermination le destin et la furie des vents.
Elles sont saisies, comme dans un piège ou une trappe, au vol d’un regard. Ce sont là les puissantes invocations et évocations des mères, refuge des enfants et axe de la vie des hommes...
Force protectrice et nourricière qui s’érige et se dresse tel un totem. Et qui puise son pouvoir, depuis la nuit des temps, des racines, du noyau, du limon de la terre. D’ailleurs, les couleurs utilisées par l’artiste, ce marron délavé, cet ocre rougeoyant, ces teintes brunâtres comme un brou de noix, ces nuances de tronc d’arbre où toute moisissure est défunte, sont autant d’hommage et de référence à la richesse de l’essence d’une planète aux transformations multiples, aux métamorphoses déconcertantes.
Né en 1955 à Paris et diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de la Ville Lumière, depuis 1987 Jean-Michel Solves n’a pas cessé de plaire au public et de recevoir les critiques les plus élogieuses. Pour des œuvres au parcours initiatique et qui ont pour titres (entre autres) Territoires, Scribes,
Mémoires, Empreintes.
Avec beaucoup de poésie et un sens subtil de l’utilisation des mots, on l’écoute parler de l’intimité même de son atelier, de sa peinture:
«Jonchant le sol, la toile est tendue, libre, humide, afin d’accueillir le jeu des couleurs, le frôlement du balai, de la brosse, et de la main qui s’élance. Couche après couche, le corps entier s’implique dans une danse aux gestes parfois fluides, parfois tenseurs. En puisant dans l’invisible un rythme saccadé ou limpide de sérénité, il va préparer dans ses eaux la place de la figure dans l’espace de la toile ainsi parée dans ses nuées terrestres et primordiales.»
Retour vers ces œuvres habitées par le silence, mais chargées d’éloquence, de symboles, de métaphores et de signes. Si l’omniprésence de l’image de la mère est une évidence, avec ses contours massifs et imposants, le ciel, l’air, le feu et l’eau, autrement dit les éléments incontournables et vitaux de tout ce qui fait la force de la vie, sont aussi là, savamment éparpillés.
Ces éléments facilement démasquables, car palpables et tangibles, palpitent, soutiennent, renforcent et menacent. L’être est à la fois porté et assailli. Sa fragilité n’est qu’illusoire. Tout comme sa puissance!
Pour ces mixed media où le noir est de goudron, le blanc a le crémeux d’une chaux pâteuse, l’orange la phosphorescence d’une flammèche vive, l’image suggérée reste délibérément elliptique et allusive. Sur des paysages de fin du monde et pas forcément d’apocalypse, ces femmes à l’enfant (parfois à deux enfants, et la référence à la Vierge à l’enfant reste une option ouverte mais guère exclusive) hantent les toiles comme un centre, une convergence et un point lumineux.
Autour d’elles, rayonnantes d’une énergie souveraine, naît un feu d’artifice composé essentiellement de lignes, de tracés, de points au «dripping» parfois «pollockien »...
Mais ces personnages féminins, à la tête d’un extraterrestre sondant les lieux, sont aussi représentés dans une embarcation le long de fleuves vaguement hostiles. Remontée ou descente des flots, nul ne le saura jamais... Assises, le regard perdu dans l’horizon, ces mères courage sont le symbole même d’une intrépide traversée humaine. Avec en coin de la toile une croix. Pas forcément une lecture religieuse chrétienne, car la croix c’est aussi l’union des contraires, un symbole d’orientation, la rencontre de la verticalité et l’infini de l’horizon.
En touches légères et fermes, en une narration conçue comme une partition de musique (abonde l’équilibre du blanc et du noir), soutenue par une harmonie particulière et moderne, ces toiles, dans leurs thématiques récurrentes et obsessionnelles, sont d’une suprême élégance. Aussi bien dans le plaisir donné au spectateur de décrypter l’œuvre que de savourer la richesse de détails visuels d’une grande finesse.
Prolongement de cet esprit narratif sont les sculptures. Dans une représentation figée, aux allures de silhouettes vaguement incas ou de madones des pays d’Amérique latine, reposant sur des socles trapus et ronds, elles font un cortège majestueux aux toiles et aux dessins dont elles sont des sœurs jumelles, mais en trois dimensions. De bronze, de terra cota, de polychrome et ciment.
Ce statuaire est l’incarnation de la vision graphique et picturale de l’artiste. En couches granulées et rêches, s’élevant en forme conique avec l’amplitude des robes des prêtresses aux offrandes païennes (ou tout autre), la tête, boule ovale à l’intersection du regard ente firmament et sol, ces personnages venus de tous les temps parlent du mystère de la vie. De sa force et de sa vulnérabilité. En termes qui oublient les détails oiseux et renvoient, avec un éclat sans ostentation ni fioritures, à l’essence des êtres et des choses.

L’exposition « Mother and child » de Jean-Michel Solves se poursuit à la galerie Alice Mogabgab jusqu’au 22 février.
Comme des cathédrales à la Huysmans, avec flèches en dentelles de pierre fendant le ciel, ou englouties dans la brume du matin, comme des poupées d’un théâtre d’ombre balinais, avec jupe bouffante, émergent du ventre de la terre ou d’une frêle embarcation livrée au gré des eaux solitaires, des formes fugitives, fugaces. Mais ces silhouettes affrontent avec détermination le destin...

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