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Culture - Scène

L’amour aux postes restantes

Dans le cadre du festival du printemps de Samir Kassir et à l’initiative de l’Institut français, « Lettre d’une inconnue » de Stefan Zweig a été présenté devant une salle plus que comble au Monnot. Une descente dans les abysses d’une passion. Sublime et douloureuse.

Sarah Biasini, comme un fantôme du passé.

« C’est depuis cette seconde que je t’ai aimé. Je sais que les femmes t’ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant gâté. Mais crois-moi, personne ne t’a aimé aussi fort – comme une esclave, comme un chien –, avec autant de dévouement que cet être que j’étais alors et que pour toi je suis restée. »

 

Adaptée par Michael Stampe et mise en scène par Christophe Lidon, cette pièce, interprétée uniquement par deux comédiens, Sarah Biasini et Thomas Cousseau, est un réel défi. Car même si les textes de l’auteur autrichien Stefan Zweig sont faits pour être mis en scène au théâtre, le fait de reproduire l’absence/présence, l’existence/inexistence, le passé/présent ou transfigurer l’attente en action relevait de la gageure. Et le réalisateur Christophe Lidou a su éviter les écueils. En brossant le portrait de cette femme plongée dans un amour obsessionnel, le metteur en scène n’est pas tombé dans le piège du pathos ou des sentiments impudiques.


Une adaptation sincère


S’il n’y a que deux acteurs visibles sur les planches, il y en a bien un troisième, invisible et dominant. Il s’agit de cette lettre qui est lue respectivement par l’un ou l’autre comédien ou simultanément par les deux et qui génère l’action. Cette lettre qui fait défiler les images d’un passé, la progression d’un amour sans bornes, qui n’exige rien. Sur une scène sombre jonchée de lettres, seules les lumières allumées totalement ou dans un clair obscur mettent en évidence les paroles, les actes, le jeu. Un jeu rapide porté par un cri d’amour, un aveu déchirant. Passionnelle et désintéressée, cette flamme ne désire qu’une chose : prendre forme. Car durant tout ce temps où la jeune inconnue a croisé le chemin, ou encore le regard de cet être frivole et léger, elle était invisible à ses yeux. Lettre d’une inconnue ne serait que la volonté d’exister alors même que la disparition charnelle de cette inconnue est imminente.


Sarah Biasini est cette inconnue. Cette grande amoureuse. Gamine au large sourire qui aime et qui ne craint pas de le dire, ses larmes se confondront constamment avec son rire. Tandis que sa voix fébrile, syncopée et vibrante, porte en elle toutes les déchirures vécues. Elle peut déranger, cette femme, car l’amour absolu, entier, dérange parfois. Mais n’a-t-on pas tous été, un moment ou un autre, un inconnu sur le chemin des autres ? Face à elle, Thomas Cousseau lui donne la réplique par petites touches. Ses gestes, ses regards, comme s’adressant à un fantôme du passé, redonnent vie à la flamme, incandescente et ardente. La superbe mise en scène, affinée et travaillée au détail près, donne à ces acteurs habités toutes les possibilités de déployer leurs talents et de présenter une performance physique élégante qui plongera l’audience dans l’émoi.


Très touchée par les ovations répétées, Sarah Biasini ne manquera pas, avant de disparaître derrière le rideau, de remercier les organisateurs du festival et le théâtre Monnot. En attendant peut-être un autre rendez-vous avec le Liban ?

« C’est depuis cette seconde que je t’ai aimé. Je sais que les femmes t’ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant gâté. Mais crois-moi, personne ne t’a aimé aussi fort – comme une esclave, comme un chien –, avec autant de dévouement que cet être que j’étais alors et que pour toi je suis restée. »
 
Adaptée par Michael Stampe et mise en scène par Christophe Lidon,...

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