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Culture - Exposition

L’art critique de Hassan Sharif

La galerie Sfeir-Semler revient sur le parcours des années 80 à nos jours de l’artiste émirati Hassan Sharif, l’un des pionniers de l’art conceptuel dans la région du Golfe.

L’artiste en compagnie de la commissaire d’exposition Catherine David posant devant une sculpture en accumulation de cuillères.

Photos de performances, peintures, dessins, sculptures, installations, objets... Des séries variées réalisées entre 1980 et 2012 par Hassan Sharif sont réparties dans les différentes salles de la galerie Sfeir-Semler*. La scénographie réalisée par la galeriste fait dialoguer les œuvres les plus anciennes avec celles qui sont plus récentes, mettant en évidence une certaine homogénéité dans l’œuvre globale de cet artiste émirati multidisciplinaire.


Autant le dire d’emblée : il s’agit là d’une exposition difficile à appréhender par ceux qui – comme l’auteure de ces lignes – n’appartiennent pas au cercle, très restreint, des véritables initiés à l’art conceptuel.


Mais cette exposition présente néanmoins l’intérêt de montrer, à travers le travail sur trois décennies de Hassan Sharif, une facette inédite de l’art contemporain dans les pays du Golfe. Une facette insoupçonnée même ! Tant du point de vue de l’ancienneté de la pratique expérimentale de l’artiste – qui au tout début des années 80 accompagnait, déjà, l’éclosion occidentale de l’art de la performance – que de son recours délibéré à une sorte d’Arte Povera, par son utilisation de matières rudimentaires (carton, papier, cordes, fil de cuivre...) à l’extrême opposé des dorures, du luxe et du bling bling inévitablement associés à l’image de Dubaï, sa terre natale.

Décalage avec l’attendu
C’est justement ce décalage avec l’attendu, ce regard différent, qui signent la facture du travail de Hassan Sharif et font, sans doute, son succès dans les hautes sphères artistiques en Occident. Notamment auprès de la fameuse commissaire d’exposition Catherine David qui, après avoir présenté en 2009 son travail à la 53e Biennale de Venise et organisé en mars 2011 son exposition solo à l’Adach d’Abou Dhabi, est venue expressément à Beyrouth pour introduire son œuvre aux visiteurs le soir du vernissage.


Regard ironique, sarcastique, voire même cynique que Hassan Sharif porte sur cette addiction aux produits, marques et labels qui a transformé la tranquille terre de nomades où il est né, il y a une soixantaine d’années, en un « hub » consumériste effréné. Une vision critique de son environnement et de l’évolution du monde qu’il commence par exprimer au tout début des années soixante-dix au moyen de la caricature politique et sociale avant de la formuler à travers ses pratiques conceptuelles.


À commencer par la performance, qu’il découvre à Londres dans les années 80 (au cours de ses études à la Byan Shaw School Of Art) et à laquelle il s’adonne au moyen d’actions primaires et répétitives, comme sauter, marcher ou encore creuser dans le sable du désert...
« Agacé par le mercantilisme vulgaire qui inonde les marchés des pays émergents de produits de consommation, irrité par la domination des grandes sociétés sur le monde et par leur manipulation des masses, induisant un changement négatif des mentalités chez les populations victimes de leur cupidité », l’artiste émirati qui, lui, ne s’en laisse pas conter, exprime sa vision de ce système faussé par la « répétition redondante » des actes de ses performances. Dont quelques panneaux de photos et de notes, présentés au cours de cette exposition, gardent la mémoire.


C’est toujours sa relation offensive aux objets qui est à l’origine de ses « sculptures ». Des œuvres à l’esthétique insolite composées d’accumulation d’éléments et d’ustensiles de consommation courante (à l’instar des plats et cuillères en métal des petits restaurants indo-pakistanais de sa ville) que l’artiste tord, déforme, ligote au moyen de fils de cuivre, les détournant ainsi de leur usage normal. Et les rendant inutilisables. « Comme en une tentative de prendre à rebours ces produits en surnombre importés à Dubaï d’Inde et de Chine », indique la commissaire d’exposition.


Laquelle soutient, par ailleurs, que « le travail de Hassan Sharif est complètement traversé de cette matérialité de Dubaï, mais aussi d’une mémoire des gestes qui sont au bord d’être des gestes archaïques ». Et qui donnent à l’ensemble de son œuvre « une dimension autant anthropologique que poétique ». Moins évidente dans la série de peintures abstraites et systémiques (c’est-à-dire en variations sur un même thème obtenues à partir de règles définies par l’artiste lui-même) que dans les accumulations d’objets en carton et papier mâché malaxé, pétri et peint dans une gamme chromatique extrêmement vive et nuancée évoquant, de manière sous-jacente, les foisonnements et couleurs des souks populaires de Dubaï.
À découvrir jusqu’au 21 juillet.

* La Quarantaine, imm. Tannous pour les métaux, 4e étage. Horaires d’ouverture : du mardi au samedi,
de 11h à 18h.
Tél. 01/566550.

Photos de performances, peintures, dessins, sculptures, installations, objets... Des séries variées réalisées entre 1980 et 2012 par Hassan Sharif sont réparties dans les différentes salles de la galerie Sfeir-Semler*. La scénographie réalisée par la galeriste fait dialoguer les œuvres les plus anciennes avec celles qui sont plus récentes, mettant en évidence une certaine...

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